JDNet. Comment définiriez-vous DoubleClick aujourd'hui
?
Kevin Ryan.
DoubleClick est une "Marketing
infrastructure", active à la fois online mais aussi
offline. Nous ne vendons pas seulement de la publicité,
mais aussi des services autour de l'e-mail, de la technologie
et des médias. Nos clients sont les annonceurs et les
éditeurs, que nous aidons à faire du marketing.
Comment
faites-vous cohabiter vos différentes activités ?
Elles travaillent toutes ensemble. L'activité Media
utilise la technologie et nos études et recherches,
qui s'adressent à l'industrie en général, mais aussi
à nos vendeurs. Toutes travaillent ensemble, pas forcément
sur toutes les transactions, mais ce qui est spécifique
à l'Internet, c'est qu'on peut tout mélanger. C'est
pour ça que notre société exerce plusieurs activités
en même temps.
Est-ce
que vous aviez prévu dès le départ d'élargir à ce point
le spectre de vos activités ?
Oui, absolument. Tout au début, on avait de grandes
ambitions. Tout ce qu'on fait jusqu'à maintenant, on
l'avait prévu dès 1996-1997.
Quelle
est la situation économique de DoubleClick aujourd'hui.
La société a enregistré une perte par action lors du
dernier trimestre, après deux trimestres profitables,
et vous avez annoncé récemment une réduction de 20%
des effectifs
Nous sommes autant qu'il y a un an. Mais quand on rachète
des sociétés, on se retrouve souvent avec deux personnes
pour le même poste. On peut acheter des sociétes qui
perdent de l'argent avec 200 personnes et n'en garder
que 20. Si on ne le fait pas, la société risque la faillite.
Notre stratégie, c'est de racheter des sociétés
tout en étant le plus efficace possible.
Vous
considérez-vous comme un leader?
Sur notre métier de "Marketing infrastructure", nous
sommes de loin les leaders et nous pesons quatre à cinq
fois plus que le deuxième. Mais il faut tous les jours
continuer à investir, créer de nouveaux produits et
prendre des risques, parce que ça peut changer très
vite. C'est pour ça qu'on reste agressifs et ambitieux.
C'est
quoi être ambitieux et agressif?
Il y a un an et demi, par exemple, nous avons beaucoup
investi dans l'e-mail marketing. A l'époque, il n'y
avait quasiment pas de chiffre d'affaires. L'année dernière,
nous avons fait 1 million de dollars, et je pense que
nous allons faire 5 millions de dollars l'an prochain.
On investit depuis cinq ans dans le Media et c'est pour
ça que nous avons aujourd'hui le premier réseau au monde.
N'est-ce
pas une course sans fin ?
Jusqu'à présent, nous avons réalisé dix ou douze acquisitions,
que nous avons très bien intégrées. NetGravity, que
nous avons rachetée il y a deux ans et demi, va faire
cette année un chiffre d'affaires 50% supérieur à celui
qu'elle faisait à l'époque de l'acquisition, avec 50
personnes au lieu de 150. Réussir une intégration est
très difficile. On en a beaucoup parlé avec les gens
de Cisco, qui ont eux aussi racheté pas mal de sociétés,
pour partager nos expériences. C'est indispensable parce
qu'aujourd'hui, on ne peut pas tout faire soi-même.
Dans une industrie comme celle-ci, où la croissance
est importante, il faut créer des produits soi-même
mais aussi intégrer d'autres acteurs.
Vous
avez réalisé 46 millions de dollars de chiffre d'affaires
sur l'activité Media au premier trimestre, contre 60
au trimestre précédent. Quelles mesures allez-vous prendre
?
On n'a pas
prévu de changement dramatique. Nous réduisons le personnel
dans ce secteur mais franchement, nos chiffres sont
les mêmes que ceux de Yahoo ou Cnet. Et n'oubliez pas
que le Wall Street Journal par exemple a vu le chiffre
d'affaires publicitaire de son édition papier baisser
de 45%. Notre position reste solide alors que nos concurrents
ont beaucoup de mal : 24/7 manque de trésorerie et Engage,
qui avait la même taille que nous en Bourse il y a seize
mois, est maintenant dix fois plus petit et a licencié
65% de ses effectifs. En comparaison, on se débrouille
très bien.
Que
pensez-vous des analyses actuelles sur le marché de
la pub online. Est-ce qu'elles vous paraissent trop
sombres ?
Les gens ont une vision à court terme. Il faut se rappeler
que le chiffre d'affaires de la publicité en ligne est
le double de ce qu'on avait prévu il y a cinq ans. A
l'époque, il représentait 50 millions de dollars et
nous étions en train de lever des capitaux. Lorsque
nous disions aux investiseurs qu'il serait à 3 milliards
en 2001, ils pensait que c'était impossible. Aujourd'hui,
il est deux fois plus grand et les gens ne sont pas
contents. C'est incroyable. Moi, je trouve qu'on a progressé
très vite.
Comment jugez-vous les initiatives visant à relancer
le marché, comme les nouveaux formats?
Je pense que les agences et les éditeurs n'étaient pas
aussi créatifs qu'ils auraient pu l'être. Il y a deux
ans, quand tout allait très bien et que le chiffre d'affaires
doublait chaque année, il n'y avait pas de raison de
changer. A présent, les nouveaux formats ou le rich
media, que je trouve vraiement intéressants, sont nécessaires.
Vous
vous exprimez réguièrement sur les problématiques d'efficacité
de la publicite en ligne
Tous les développements autour de la mesure de l'efficacité
viennent de DoubleClick, mais il reste des choses à
faire. En cinq ans, on n'a pas encore pu créer tous
les produits que la télévision ou la radio ont créés
depuis cinquante ans. Mais on va le faire.
En
matière d'outils, quels sont vos projets concernant
Dart?
On a beaucoup investi et nous continuons d'innover.
Il y a quatre ans, Dart avait trente-neuf concurrents.
Il n'en reste que quatre ou cinq aujourd'hui, mais loin
derrière. C'est bien pour nous, mais je pense aussi
que c'est bien pour l'industrie parce que ça crée un
standard.
Vous
avez racheté la société de marketing direct Abacus en
1999. Dans quel but ?
Il était
triple. D'abord, c'est une société très rentable, avec
un bon taux de croissance, ce qui est toujours bien.
Deuxièmement, nous pensions que le potentiel du marketing
direct allait être très fort sur l'Internet. Enfin,
Abacus avait des clients qui à l'époque étaient quasiment
absents de l'Internet mais dont nous pensions qu'ils
allaient y venir. Les vépécistes traditionnels par exemple,
qui sont tous clients d'Abacus. Donc pour nous, c'était
une opération à long terme. Aujourd'hui, ces mêmes clients
nous achètent beaucoup de produits différents.
Et
quels sont vos autres chantiers ?
Les études, les bases de données et l'e-mail. Avec notre
division études, nous voulons mesurer l'impact des publicités,
pas seulement en termes de taux de clic. Par exemple,
déterminer si des internautes qui ont vu la campagne
sont revenus sur le site une semaine plus tard, ou sont
allés dans le magasin, ou sont allés sur un autre site
pour acheter. Avec les produits que nous créons, nous
pourrons dire à l'annonceur : "Vous avez dépensé 100.000
dollars, mais vous avez gagné tant de millions."
Avez-vous besoin de convaincre vos clients ou expriment-ils
eux mêmes ces besoins?
Les deux. Ceux que je vois me disent tous la même chose
: "Je sais que l'Internet va jouer un rôle très important
dans mon business, et qui le sera encore plus dans trois
ans, même s'il ne va pas remplacer mon business. Moi,
Ford ou Volvo, je sais que de plus en plus de gens vont
s'informer en ligne sur mes produits." Ils ont compris
ça, mais cherchent aussi comment utiliser plus et mieux
l'Internet.
DoubleClick
fait l'objet de nombreuses critiques sur le dossier
de la protection des données personnelles. Quelle est
votre réponse?
Beaucoup de "class-action lawsuits" ont été lancés en
même temps et la plupart des cas ont été abandonnés
avant jugement. Certains vont aller jusqu'au procés,
mais on a confiance. La FCC [NDLR : Federal Communications
Commission] a lancé une enquête sur trente sociétés
et a estimé que nous devions rien changer. On n'en n'est
qu'aux débuts de l'Internet et il est normal que les
nouvelles technologies inquiètent les gens, mais à mesure
qu'ils utilisent le Web, ils ont moins peur.
Quel
regard portez-vous sur l'industrie de l'Internet en
général. Vous affirmez souvent que ses bases sont solides
Oui, elles sont
solides, mais il y a trop de sociétés pour l'instant.
Beaucoup vont fusionner ou tomber en faillite. C'est
évidemment un processus assez difficile et il n'est
pas terminé. Mais pour l'industrie, il est mieux d'avoir
des sociétes assez solides pour investir et ayant de
bons produits.
Et
comment jugez-vous la réaction des marchés financiers
?
On est plus proche de la réalité maintenant qu'on ne
l'était il y a un an, quand les prix étaient beaucoup
trop élevés. La correction est un peu trop sévère, mais
les leaders dans chaque secteur seront beaucoup plus
forts dans un an ou deux. L'Internet, c'est la télévision
en 1955. Il reste pas mal de choses à faire
Quelles
sont selon vous les vraies success stories de l'Internet,
hormis DoubleClick évidemment
eBay est une vraie succes story. Amazon aussi : les
gens s'interrogent sur leurs résultats financiers, mais
ils vont être rentables. En Europe, on voit des acteurs
pan-européens émerger très vite, comme Tiscali
ou T-Online.
Et
quelles seront les prochaines?
Les outils BtoB et l'outsourcing. Un des problèmes dans
l'Internet est que les sociétés dépensent en général
trop d'argent pour leur site et auprès de la societé
qui produit leur site. Il faut des outils standard et
moins chers.
Lorsque
vous êtes arrivé chez DoubleClick en 1996, la société
employait vingt personnes. Aujourd'hui vous êtes 1.800
dans vingt pays. Imaginiez-vous une expansion aussi
rapide ?
C'est un peu plus rapide que je le pensais
Quelles
ont été vos règles de management pour gérer cette expansion
?
Rien de nouveau. D'abord d'embaucher les gens qui sont
très bons. Ensuite, déléguer. Si quelqu'un veut prendre
toutes les décisions, une telle croissance est impossible.
Si ça ne marche pas, il faut changer les gens, parce
que tout va très vite et qu'on ne peut pas perdre un
ou deux ans avec une division qui stagne. On a eu pas
mal de résussite avec des gens qui n'avaient pas forcément
le profil traditionnel pour le poste mais au début,
on était obligé d'embaucher des gens comme ça, puisque
personne n'avait d'expérience dans l'Internet. En tout
cas, je me concentre sur la gestion des gens plus que
sur n'importe quelle autre chose. Je pense à ça tous
les jours. Je demande en permanence à mes managers si
leur équipe est vraiment la meilleure. Au début, ils
disent toujours oui, mais il faut forcer les gens à
bouger.
Quels
sont vos principaux regrets ?
Au début, en 1996-1997, on aurait pu aller plus vite.
Il aurait fallu rentrer dans l'e-mail marketing un an
plus tôt. Etre le premier, c'est un avantage très important.
Quels
sont vos sites favoris ?
Je regarde les sites d'informations comme Cnet. Mais
surtout, je passe beaucoup de temps à surfer sur plein
de sites différents, ceux de nos clients et les autres.
Je suis toujours en veille. J'utilise aussi énormément
Google, qui est un outil fabuleux.
Vous achetez sur Internet ?
Oui beaucoup de livres.
Qu'est-ce
que vous aimez sur Internet ?
Le fait qu'on puisse tout trouver, même si je n'y parviens
pas toujours
Et puis, le mail. Je ne peux même pas
imaginer ce que serait ma vie sans l'e-mail aujourd'hui
!
Et
qu'est-ce que vous n'aimez pas ?
Le spam. Je passe mon temps à supprimer des messages
dans ma boîte aux lettres.
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