JDNet. Vous sentez-vous plus l'âme
d'un artiste ou d'un professionnel du Net ?
Mario Salis.
Il faut être très
clair, mon parcours est lié à la musique
contemporaine. Donc j'ai une âme profondément
artistique. Et je revendique cet attachement. Je me
considère plutôt comme un "multicien",
qui est une contraction de multimédia et musicien.
C'est un nouveau genre d'artiste qui utilise les nouvelles
technologies. Mais de l'autre côté, je
n'oublie pas que le business, c'est mon pain quotidien.
Comment
avez-vous découvert le Net ?
Mes
premiers pas dans le multimédia, je les ai réalisés
via la musique électronique. Notamment avec un
séquenceur sur mon ordinateur Atari. C'était
quelque chose d'extraordinairement nouveau et fantastique.
Pour trouver des sources de fichiers Midi en 1992-1994,
j'allais sur Internet en complément. Mais le
vrai régal au début du Net, c'était
de trouver la presse italienne.
Comment
vous exprimez-vous sur Internet ?
Le
site Arsmultimedia.org
accueille toutes mes oeuvres interactives teintées
de poésie numérique. Tous les six mois,
j'en ajoute une nouvelle. Je les considère comme
des plate-formes oniriques. L'Internet sert à
créer des tensions poétiques et visuelles.
Quelles pistes explorez-vous entre la musique et le
Net ?
Ce
que je trouve formidable avec le Net, c'est qu'il va
permettre aux artistes de distribuer directement leurs
oeuvres aux internautes. La vraie révolution
se trouve au niveau de la distribution de la musique.
Des
artistes comme Charlélie Couture ou Jean-Patrick
Capdevielle, qui ont fait appel à vos services
de prestations Internet, y songent-ils ?
Oui,
ils y songent mais il faut être réaliste
: il faut notamment prendre des précautions à
propos des droits d'auteurs et des risques de reproduction
illégale d'oeuvres en ligne. Mais globalement,
les coûts de distribution devraient diminuer avec
le Net. Il faut également considérer les
contrats qui sont signés avec les maisons de
disque. Charlélie Couture, par exemple, est lié
à Virgin.
Les applications
type Napster sont surtout intéressantes pour
les artistes méconnus. Ils peuvent sensibiliser
un grand nombre d'internautes rapidement. [NDLR :
actuellement, Mario Salis travaille sur le site de Pendragon,
un label virtuel avec Jean-Patrick Capdevielle aux commandes.]
En
tant que spécialiste webdesigner, comment jugez-vous
les efforts des prestataires Internet en la matière
?
Il
existe de très belles choses sur Internet. Le
problème, c'est qu'il faut aller les chercher
! Je ne me prend pas pour un gourou, mais on peut faire
la comparaison avec l'infllation de productions de films
: sur dix films, il y en a un qui est vraiment original.
Pour la réalisation de sites, c'est la même
chose. En revanche, un véritable savoir-faire
français en matière de design est en train
d'émerger. Personnellement, je regarde de plus
en plus le "design sonore", les pages d'accueil
qui proposent un fond musical. C'est un nouveau domaine
d'exploration intéressant, surtout pour un musicien
comme moi.
Vous
avez des exemples concrets de réussite de design
sur Internet. A contrario, vous avez en tête des
projets que vous déplorez ?
Mon site personnel contient
des centaines de coups de coeur dans la rubrique Anima
Links. Mais j'ai aussi eu beaucoup de déceptions.
Le problème est toujours le même : je remarque
que certains projets Internet négligent vraiment
le design. Par exemple, je trouve que la charte grahique
du site de Canal
Plus est moche.
Sur
quels types de projets travaillez-vous actuellement
au sein de votre studio ?
Nous
avons un grand projet de biennal dans le monde du multimédia,
en collaboration avec la ville de Metz et le Conseil
général de la Moselle. Parallèlement,
j'ai un projet de télévision interactive.
Ce serait une plate-forme multithématiques, une
sorte de bibiothèque vidéos qui serait
développée avec un modèle économique
basé sur le sponsorship. C'est un projet assez
avancé. Nous pourrions ajouter une version DVD
mensuelle. L'objectif est d'apporter du contenu différent,
susceptible de générer du trafic.
Mais
vous n'êtes pas découragé par le
sort des web TV qui rencontrent des difficultés
?
Ce
projet ne nécessite pas un budget important.
Environ 5 millions de francs. Avec cinq partenaires
dedans, les investissements sont raisonnables.
Quels
autres projets avez-vous dans les cartons ?
Nous venons de lancer un
nouveau site immobilier qui s'appelle Immoo.com
pour le compte d'un client professionnel luxembourgeois.
C'est le grand projet du moment, qui fait vivre mon
équipe de huit personnes pendant six mois.
Qu'aimez-vous
sur Internet ?
La
surprise et l'étonnement. Plus prosaïquement,
les architectures Web et les navigations intelligentes
sur les sites.
Et
que détestez-vous ?
La
réception d'e-mails non sollicités. De
même, les services en ligne qui me proposent des
informations que je ne demande pas directement. Par
exemple, une proposition que je reçois sur mon
wap pour acheter un livre chez un libraire situé
à 500 mètres. J'estime que ce type de
services touche à ma liberté.
|