Comment l'Adae
va-t-elle s'intégrer dans le paysage des services
publics en ligne ?
Jacques Sauret. Elle
va jouer un rôle d'instance de consultation, de concertation
et d'impulsion. On évoque souvent la notion de pilote,
qui me semble inappropriée. Nous n'avons pas l'ambition
de nous substituer aux services des ministères et des
administrations. La problématique est d'éviter de lancer
des projets et des dépenses qui doublonneraient. Pourquoi
ne pas mutualiser les efforts en se mettant d'accord
sur un certain nombre de référentiels de nature technique,
organisationnelle et méthodologique ? Nous devons prouver
au cas par cas la pertinence des projets pour améliorer
les services publics et l'efficacité de l'Etat. Les
économies peuvent se traduire de différentes façons
: des économies brutes, création de nouveaux services
ou perfectionnement des services existants. Pour cela,
nous avons le choix des outils à distance : Internet,
serveurs vocaux ou bornes interactives. Je tiens à souligner
également que l'administration électronique ne se résume
pas aux internautes : elle s'adresse également aux autres,
qui pourront bénéficier des services nouveaux en se
rendant aux guichets publics.
L'Adae
ne va-t-elle pas empiéter sur structures déjà
existantes dans la sphère de l'Internet public
?
Nous devons asseoir notre
crédibilité et prouver notre expertise et nos compétences.
L'Agence pour les technologies de l'information et de
la communication dans l'administration (Atica), créée
en août 2001, et une partie de la Délégation interministérielle
pour la réforme de l'Etat (Dire) ont fusionné pour donner
naissance à l'Adae. Avec les autres structures, nous
nous répartissons les rôles. On travaille en étroite
collaboration avec la Direction centrale de la sécurité
des systèmes d'informations (DCSSI), autre service du
Premier ministre. La mission pour l'économique numérique
(MEN) du Ministère de l'économie et des
finances intervient comme instance de coordination au
sein de ce ministère et anime certains groupes de travail
associant des partenaires extérieurs. Elle pilotera
également un groupe de travail de l'Adae sur la dématérialisation
des marchés publics. Le Forum des Droits sur l'Internet
nous aide sur un ensemble de sujets comme les données
publiques ou l'environnement juridique. Il n'y a donc
pas à ce stade de problème de territoire comme on l'observe
trop souvent.
Quels
sont les principaux chantiers opérationnels de
l'ADAE ?
Pour les
aspects stratégiques, nous élaborons en ce moment avec
l'ensemble des ministères et les autres administrations
un Plan stratégique pour l'administration électronique
(PSAE) qui couvre les années 2003-2007. Complêté
par un plan d'action courant sur la même période, il
sera acté par le gouvernement dans le cadre d'un Comité
interministériel pour la réforme de l'État (Cire) dédié
à l'administration électronique, qui se tiendra à l'automne.
Sur les actions immédiates, et indépendamment des projets
menés par chaque ministère et par les autres administrations,
l'Adae a déjà engagé les travaux en vue de la réalisation
de quatre services "inter-administrations"
: le changement d'adresse unique, la demande d'extrait
d'acte de naissance, la demande de subvention par les
associations et un pilote de mon.service-public.fr.
Nous procéderons par étapes, en ouvrant d'abord des
services aux fonctionnalités limitées. Cette approche
nous permet d'offrir les services plus rapidement, de
permettre aux usagers de s'approprier progressivement
les nouveaux outils, et surtout de recueillir leurs
impressions pour l'enrichissement des fonctionnalités
ou l'adaptation de l'ergonomie.
Pourriez-vous nous donner
un exemple concret ?
Pour les demandes d'extraits d'actes de naissance, un
certain nombre de communes proposent déjà un service
par Internet, de même que le service basé à
Nantes pour les personnes nées hors de France. Nous
allons développer un service commun qui renverra vers
le service de la commune lorsqu'il existe ou, dans les
autres cas, qui collectera les données de la demande
et l'adressera par mail ou fax à la commune de naissance.
Le ministère de la Justice finalise l'adaptation d'un
décret sur la transmission directe des extraits d'acte
de naissance entre un officier d'état civil et une administration,
dans le cadre de l'instruction d'un dossier. Cette disposition
permettra d'exonérer l'usager de cette tâche fastidieuse
et souvent redondante. Nous soutenons également des
projets de carte de vie quotidienne lancés par des collectivités
territoriales. Ces cartes permettront aux citoyens d'accéder
très simplement à différents services locaux, tels que
les transports, les services scolaires, la piscine,
la bibliothèque ou encore de participer à des consultations
locales.
De quel budget disposez-vous
pour le fonctionnement de l'Adae ?
Dans le projet de loi de Ffinances pour
2004, nous avons un budget d'intervention de 8,6 millions
d'euros. Nous pouvons également compter sur une part
du Fonds pour la réforme de l'Etat, auquel est alloué
un montant d'une vingtaine de millions d'euros et qui
est géré par la Délégation de modernisation de la gestion
publique et structure de l'Etat (DMGPSE). Traditionnellement,
une part importante de ce fonds est dédiée à l'administration
électronique. Il existe également le Fonds interministériel
de modernisation (FIM) doté de 2,6 millions d'euros,
et géré directement par l'Adae.
Pour l'ensemble des requêtes,
considérez-vous le portail Service-public.fr
comme la porte d'entrée de référence
?
Service.public.fr est le service actuel
permettant d'obtenir un large éventail d'informations.
La Documentation française fait un excellent travail
en la matière. Nous travaillons pour permettre une personnalisation
de ce service, dénommée "mon.service-public.fr"
: chaque usager qui le souhaite pourra choisir les rubriques
qui l'intéressent, accéder directement aux services
personnalisés qu'il aura sélectionnés et recevoir directement
des informations ou des alertes personnelles. Mon.service-public.fr
sera donc un portail commun - et personnalisé - à l'ensemble
des services électroniques des administrations. Ce n'est
pas forcément le point d'accès unique. C'est à l'usager
de déterminer son propre chemin d'accès. Il conservera
la liberté d'accéder directement aux portails thématiques
nationaux (impots.gouv.fr, sante.gouv.fr, net-entreprises.fr,
etc.) ou au site de sa collectivité territoriale, à
partir duquel nous souhaitons qu'il puisse également
accéder directement aux applications nationales. Sur
ce service personnalisé rassemblant toutes les difficultés
de l'administration électronique (multiplicité des acteurs,
interopérabilité technique et fonctionnelle, confidentialité,
etc.), nous allons avancer pas à pas. En 2004, une centaine
de personnes seront invitées à participer à un test
sur un pilote de mon.service-public.fr. Nous leur fournirons
l'équipement nécessaire (carte à puce, lecteur d'accès...).
Ce test nous permettra d'évaluer les difficultés techniques
et organisationnelles, mais il nous permettra également
d'obtenir un retour sur les attentes des usagers en
termes de services et sur leur navigation Internet.
Entre les ministères,
les collectivités et les administrations, a-t-on
une idée précise de l'étendue de
la sphère "e-services
publics" en France ?
On dénombre 5.500
sites publics dont plus de 600 .gouv.fr. Nous disposons
de belles réalisations dans le domaine fiscal (télé-TVA
et impots.gouv.fr), social (Sesam-Vitale et Net-entreprises.fr),
de l'Intérieur avec le certificat de non gage. Quantitativement,
ce sont les téléservices les plus importants. A côté,
il y un foisonnement de services Internet développés
par les ministères et les collectivités territoriales
mais le mouvement n'est pas coordonné. L'augmentation
de sites publics est un phénomène ambivalent : c'est
une bonne nouvelle pour les usagers mais il devient
nécessaire de coordonner les efforts afin de permettre
aux usagers de s'y retrouver simplement.
Pourrez-vous respecter l'échéance
de 2005 sur la généralisation des téléservices
?
Honnêtement non. Tout dépend ce que l'on
appelle téléprocédures et téléservices. C'est une réflexion
sur des définitions fondamentales que nous menons actuellement.
Dans le cadre de la préparation du plan stratégique
qui va couvrir la période 2003-2007, nous allons déterminer
les procédures qui feront l'objet d'une dématérialisation
et des indicateurs pour mesurer leur nombre et leur
taux d'utilisation. Les mois de septembre et octobre
seront des mois de concertation pour l'administration
électronique.
Quels sont les principaux
dossiers techniques auxquels vous vous attelez ?
Nous développons des services verticaux
(en front et back-office) et des projets transversaux
: modélisation des données et des flux, schémas XML,
architectures techniques et urbanisation. La partie
sécurité est également un dossier sensible pour nous.
En collaboration avec la DCSSI, nous engageons les travaux
visant à définir au niveau national et international,
notamment avec l'Allemagne, un standard de carte d'authentification
et de signature électronique. Par ailleurs, et toujours
par souci de pragmatisme, nous ne voulons pas imposer
d'évolution brutale des systèmes d'information des ministères.
Nous allons travailler ensemble à l'élaboration de référentiels
communs, que chaque ministère intègrera à son
rythme.
Comment favoriser l'usage
de la signature électronique, qui est encore
restreint en France ?
C'est un sujet sur lequel nous travaillons.
J'aimerais qu'une impulsion politique soit donnée à
ce sujet à l'occasion du prochain comité interministériel
de la réforme de l'Etat.
Dans
son rapport sur l'Hyper-République,
Pierre de La Coste relevait un
"antagonisme fondamental entre la culture administrative
française et les technologies de l'information".
Partagez-vous ce constat ?
Je trouve qu'il y a une évolution très
favorable des mentalités. L'Internet est entré dans
la vie courante pour une partie non négligeable de la
population, des agents de l'Etat et des décideurs. Les
contraintes budgétaires vont amener des développements
de projets en commun. Enfin, je pense que les TIC ne
sont plus un enjeu de pouvoir mais un moyen de mieux
servir les usagers.
Quel est le modèle
d'e-administration qui vous inspire le plus en Europe
?
Le modèle suédois est très abouti. Sur
le plan culturel, c'est très différent car la plupart
des données tombent dans le domaine public et deviennent
alors accessibles à tous, notamment par Internet. Ainsi,
la plupart des courriers adressés à un ministère sont
mis en ligne, avec la réponse qui y a été apportée.
Le cas de la Belgique est intéressant également : la
distribution d'une carte d'identité numérique a été
lancée, et devrait être terminée d'ici une année. La
Commission européenne est assez active sur le sujet
: à l'occasion d'une réunion intergouvernementale en
Italie au mois de juillet, j'ai suggéré qu'une réunion
informelle des principales agences des pays membres
de l'UE soit organisée de manière récurrente pour se
consacrer aux partages d'expériences.
Quelle
est la dernière e-démarche administrative
que vous avez personnellement réalisé
?
La déclaration de revenus sur impots.gouv.fr.
C'est la deuxième année consécutive que je me soumets
à cet exercice et je trouve vraiment le service excellent.
J'ai dû demander un nouveau certificat car j'étais entretemps
passé du Mac au PC. Je n'ai rencontré qu'un souci très
minime au cours de la procédure en ligne : sur une page,
les données que j'avais saisies ne s'affichaient plus
lorsque je revenais sur cette page et j'ignorais si
elles avaient été prises en compte ou non. Finalement,
cela s'est très bien passé. La preuve : je viens de
recevoir mon avis d'imposition (sourire).
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