INTERVIEW
 
Directeur général
T-Online France / Lagardère.net
Fabrice Sergent
"Titre"
Après avoir été développée au sein de Grolier Interactive (ex-filiale interactive du groupe Lagardère devenu Lagardère.net), l'activité de service d'accès Internet Club-Internet a été cédée à T-Online (Deutsch Telekom) en février dernier (Lire l'article du JDNet du 16/02/00). Toutefois, le management du service d'accès reste dans les mains de Fabrice Sergent. Celui-ci vient de procéder à deux nominations pour le seconder : il s'agit de Thuc Co Duchemin, qui prend le poste de directeur général adjoint de Club-Internet, et Bruno Breton, ancien collaborateur de Publicis Consultant, qui prend en charge la direction marketing du service d'accès. Club-Internet/T-Online France dispose d'un effectif de 456 personnes (le plan prévoit 200 recrutement d'ici la fin de l'année). Fabrice Sergent indique recenser actuellement 520.000 abonnés Club-Internet, ce qui placerait son service au troisième rang sur le marché français derrière Wanadoo et AOL.06 octobre 2000
 
          

JDNet. Dans quel contexte êtes-vous parvenu à garder les commandes de Club-Internet après la session de son activité à T-Online ?
Fabrice Sergent. Cela fait sept ans que je suis dans le groupe Lagardère et cinq ans que je m'occupe des activités multimédia et Internet. J'ai créé plusieurs sociétés dans ce cadre, dont Club-Internet. C'est le président allemand de T-Online qui m'a demandé de prendre les commandes de T-Online France. Je garde mes responsabilités Club-Internet mais sous l'étiquette T-Online France.

Cela-vous a paru naturel de rester ?

Oui. Club-Internet, c'est un peu mon bébé. On a un peu une relation affective. La proposition m'a plutôt fait plaisir. D'un point de vue industriel, le fait d'avoir deux casquettes T-Online/Lagardère.net exprime bien cette volonté forte d'avoir une proximité entre les deux groupes.

Vous n'avez pas eu envie de partir sur d'autres projets ?
Non, parce Lagardère.net est un terrain d'aventure continu. On a créé une dizaine de start-up. Je trouve que ce cadre de "start-up factory" est plutôt excitant. Je dispose d'une certaine autonomie au sein de Groupe Lagardère. Je considère l'arrivée de T-Online comme une étape et Club-Internet va continuer à évoluer.

Les membres de l'équipe de Club-Internet ont-il dû "choisir leur camp" ?
Des personnes ont dû faire un choix car elles étaient impliquées à des degrés divers dans plusieurs projets, mais ça n'a concerné que deux ou trois cadres.

Vous expliquez qu'avec Club-Internet, vous vous êtes plutôt engagé dans un marathon que dans un sprint. Pourtant, en cinq ans "d'endurance", vous restez le troisième fournisseur d'accès. Pourquoi n'avez-vous pas réussi à dépasser ce stade ?

Nous avons d'abord cherché à avoir un modèle économique stable et raisonnable. On a privilégié l'équilibre économique au détriment de la part du marché. On a investi environ 80 millions d'euros sur Club-Internet en cinq ans. D'autres opérateurs ont brûlé ce montant en six mois. Avec T-Online, nous avons accéléré les investissements. Je ne crois pas au "first mover advantage" mais plutôt à la compétivité et à l'innovation. Nous avons tenu dans le temps. Je prèfère être troisième et un jour récupérer la mise.

Rétrospectivement, l'arrivée de l'Internet gratuit a été un choc pour vous ?
Elle correspond à ma plus difficile période professionnelle. L'internet gratuit - modèle auquel je n'ai jamais cru et je ne parle pas du "gratuit-gratuit" - est arrivé alors que Club-Internet avait atteint le petit équilibre. On s'est demandé ce qu'il fallait faire : fallait-il conserver nos offres ou plonger rejoindre les sirènes ? Nous avons beaucoup hésité. Nous avons eu la chance d'avoir un retour favorable de l'ART sur notre proposition déposée en octobre 1998 sur le "dégroupage à bas débit". Cela nous a permis de sortir des forfaits. A partir de ce moment, nous avons vécu trois mois très difficiles, où il a fallu changer de fond en comble : il fallait monter les forfaits, prendre la facturation en main, sortir une nouvelle campagne de publicité, une nouvelle version du portail... Bref, un nouveau Club-Internet est apparu entre le 1er juin et le 1er septembre 1999. Et nous avions un risque de plantage sérieux au point de fermer la porte. Depuis, nous avons gagné 300.000 abonnés grâce aux forfaits.

Patrick Le Lay, PDG de TF1, qui va lancer un service d'accès Internet rapide, déclare qu'un membre qui ne paie pas n'est pas fidèle. Partagez-vous cet avis ?
Nous avons un "turn over" de 2% environ, c'est déjà beaucoup mais peu comparé aux opérateurs d'Internet gratuits qui observent des taux de 70%. Je ne sais pas si monsieur Le Lay est une référence en matière d'Internet mais il a raison.

Vous vous lancez également sur le terrain de l'ADSL. Quels sont vos motifs ?
J'estime que dans moins de quatre ans, il y aura plus d'utilisateurs haut débit que d'abonnés en RTC. Nous allons mettre en place un groupe de travail qui regroupera Club-Internet, Lagardère.net et Siris [opérateur télécom filiale de Deutsche Telekom, NDLR] pour monter une offre ADSL et un portail spécifique. La combinaison devrait être rendue public dans le courant du premier semestre 2001. Nous sommes persuadés que les prix d'accès vont s'effondrer avec le dégroupage l'année prochaine. De notre part, nous voulons proposer une offre ADSL à un prix accessible à tous les internautes. Nous serons donc très agressifs sur ce point.

Où en est la procédure initiée en novembre 1999 devant le Conseil de la concurrence à propos de la démarche de recrutement de nouveaux membres de Wanadoo, que vous jugez déloyale ?
Nous continuons à alimenter le dossier. Cela avance mais le Conseil a un travail d'examen et d'audition qui demande du temps. Je leur fais confiance pour mener toutes les investigations nécessaires. Mais nous trouvons que Wanadoo est devenue plus raisonnable.

Vous êtes satisfait du portail Club-Internet ?

Il est dans le "top ten" des audiences des sites. Dans les portails généralistes, nous avons devant nous Yahoo et Free, qui réalise une percée. Club-Internet doit suivre. L'audience connaît une excellente progression [1,2 milIion de visiteurs uniques en janvier 2000, 1,6 million en septembre, NDLR]. Ce qui nous a handicapé ces dernières années, c'est que l'on a privilégié l'esthétique à la rapidité d'usage. On a cherché quelque chose de sympathique. On a allégé les pages depuis. Nous sommes également très bons sur les services mails. Mais, honnêtement, nous avons un énorme travail à faire sur les chats et les forums.

Vous serez où pour les dix ans de Club-Internet ?
Je ne me pose jamais la question. Lorsque l'on a créé Club-Internet, nous n'avions aucune idée de ce que serait l'Internet aujourd'hui : le "broadband", le Wap, etc.. Dans cinq ans, l'Internet n'aura pas le même visage. Nous sommes encore dans la préhistoire. Il y a cinq ans, disons que c'était le "Big Bang". L'histoire s'accélère de toute façon.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Fabrice Sergent, 29 ans, est directeur général des activités multimédia du groupe Lagardère depuis 1998. En 1995, il occupait les fonctions de directeur général de Grolier Interactive. Il est diplômé de l'Institut national des télécommunications et d'un master de finances aux Etats-Unis (Michigan). Pour plus de précisions, consulter sa fiche carnet JDNet.

   
 
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