INTERVIEW
 
Président
Numériland
Alexandre Stopnicki
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Numériland est une régie publicitaire sur Internet fondée en 1994 par Alexandre Stopnicki. Après une année 2000 euphorique, où elle a réalisé près de 40 millions francs de chiffre d'affaires, la société devrait stabiliser ses revenus cette année. Elle vient également de fusionner avec la régie Comclick, qui a engrangé un chiffre d'affaires de 10 millions de francs cette année. Parmi les actionnaires de la nouvelle entité, se retrouvent notamment la Société Générale du côté de Numériland et, pour ComClick, Seeft Ventures (actionnaire minoritaire de Benchmark Group, éditeur du Journal du Net), Arts et Biens, le Groupe Polygone, Envol ainsi qu'Auriga Partners. Le président de Numériland, également fondateur et président d'e-Syndicat, un syndicat professionnel qui affirme représenter près de 90 % du marché des régies, fait le point sur sa société et analyse le secteur de la publicité en ligne. Un secteur qui, selon lui, sort peu à peu de l'"adolescence".

02 décembre 2001
 
          

JDNet. Quel était l'objectif de la fusion avec Comclick?
Alexandre Stopnicki. Pour l'instant nous étions surtout concentrés sur la vente au CPM (Coût pour mille pages vues), donc sur une politique publicitaire de marque. Comclick était lui plutôt positionnée sur le créneau de la vente aux résultats (CPL, Cost Per lead). Nous avons désormais la possibilité d'offrir une palette plus complète de prestations à un client selon ses ambitions publicitaires. Il existe par ailleurs des sites en régie chez ComClick qui pourraient constituer des réseaux et des thématiques pour Numériland et pour lesquels nous pourrions proposer également une rémunération au CPM.

Justement, est-ce que le rôle d'une régie publicitaire sur Internet a évolué cette année ?
Non. Plus que jamais, il s'agit de vendre de l'espace publicitaire pur et dur. Mais le marketing direct monte en puissance. Nous avons désormais deux offres distinctes entre l'offre de publicité pour la marque et l'offre plus ciblée avec le marketing direct. Internet, contrairement à ce que l'on peut penser, reste un formidable outil pour faire connaître une marque. On parle beaucoup de la vente aux résultats mais le CPM, plus destiné au renforcement d'une marque, marche toujours aussi bien.

A combien s'élève le CPM moyen et jugez vous qu'il est à un niveau correct ?
Globalement, il est à 50 francs, bien que cela dépende évidemment du type de sites. Le niveau est très bas pour des raisons conjoncturelles mais aussi parce que certains ont fait du dumping pour étrangler la concurrence. Mais cela ne pourra pas durer car personne ne peut faire des bénéfices avec des prix si peu élevés. Nous pensons donc qu'on est vraiment à un point bas.

Avec ces données, est ce que vous serez à l'équilibre cette année et comment se ventilent les résultats ?
Sur l'année 2001 nous ne ferons pas de bénéfices, c'est une quasi-certitude. C'est la première année depuis 1994 que nous serons dans ce cas, donc il n'y a pas péril en la demeure. Pour le moment, l'essentiel des revenus vient de notre activité de régie. Nous avons également une partie sponsoring et un pôle technologique qui nous permet de proposer à nos annonceurs des mini-sites qui sont destinés à être couplés avec les bandeaux. Pour l'instant, cela représente 10% des revenus et cela devrait monter à 15 à 20% l'an prochain.

Vers quels formats la publicité doit-elle évoluer sur Internet pour attirer les annonceurs ?
Je ferai tout d'abord remarquer que même si les bannières sont critiquées, elles restent le format de référence et demeurent très pertinentes. Tout le monde ramène cela aux taux de clics en se plaignant qu'ils n'atteignent qu'1%. Mais si 1% ont cliqué, cela veut dire que 99% des internautes ont vu la bannière. Une récente étude de DoubleClick montrait d'ailleurs que près de 20% des internautes retenaient le nom sur la bannière et y revenaient plus tard. Il faut donc arrêter de dire que cela ne marche pas. La bannière reste un formidable outil de marque. Mais il évident que nous étudions d'autres formats comme les sky scrappers par exemple (Voir le Guide des formats de la pub en ligne). Nous pensons en revanche qu'il est un peu tôt pour la vidéo en streaming pour des raisons de débit. Mais dans l'avenir, tous ces composants viendront enrichir la qualité de la publicité sur Internet. On aura ainsi tous les outils pour offrir une interactivité à l'annonceur et donc un niveau supplémentaire par rapport à la télévision. Internet est un des seuls médias à pouvoir coupler la politique de marque avec de l'acquisition instantanée.

Sur Internet, au niveau publicitaire, êtes-vous plutôt optimiste pour l'année prochaine ?
Je suis optimiste à court terme. Si la reprise ne se fait pas au début 2002, elle se fera en fin d'année ou au début 2003. Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les annonceurs du Web ne sont plus des start-up. Désormais, les grands groupes sont présents. Seul problème : ils ne consentent pas encore des moyens colossaux pour ce média et n'utilisent pas vraiment l'outil au maximum de ses possibilités. Ce sont plus des tickets pour voir. Mais cela va venir dans la mesure où les revenus du Web vont continuer à croître fortement dans les années qui viennent. Par ailleurs, les régies se sont professionalisées. Nous sommes sortis de la période de l'adolescence ou tout le monde maîtrisait mal son offre et où une certaine confusion régnait sur le marché. Désormais, il y a beaucoup plus de clarté.

Les régies commencent-elles à se pencher sur l'offre publicitaire sur les mobiles ?
Oui, nous regardons attentivement ce créneau qui est à notre sens porteur. Néanmoins, le marché est inexistant pour l'instant. Il faudra attendre l'avènement des nouveaux standards comme le GRPS ou l'UMTS, qui offriront plus de potentialités. A l'heure actuelle, la publicité est très limitée via des SMS.

Les régies uniquement Internet ne souffrent-elles pas d'un handicap en ne proposant pas d'offres couplées Radio-TV-Internet ?
Non. Nous l'avons testé avec Canal + et Skyrock et les intérêts sont trop divergents. Par ailleurs, toutes les régies qui veulent proposer un couplage avec Internet sont obligées de faire des cadeaux aux annonceurs pour le prix de gros et ne gagnent donc pas d'argent avec ce système. En revanche, sur Internet, nous sommes favorables à des packs thématiques. Cela permettra d'offrir aux annonceurs un ensemble de sites qui correspondent à leur cible. Dans notre offre, nous avons par exemple constitué un réseau de sites qui accueillent surtout un public féminin.

Le risque pour vous n'est il pas finalement de voir les sites internaliser leurs activités de régie publicitaire ?
Ce fût effectivement le cas l'an dernier, quand le marché allait bien. Mais à l'heure actuelle, où il faut réduire les coûts, on assiste plutôt à un mouvement inverse. Plutôt que d'entretenir des commerciaux pour récolter finalement peu de publicité, les sociétés préfèrent, dans le contexte actuel, confier leur régie à un acteur externe. On le constate nettement depuis quelques semaines.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 
Alexandre Stopnicki, 37 ans, est diplômé de l'EDC Paris. Après avoir été directeur du développement d'une PME parisienne, Europa, il créé en 1994 Numériland, dont il est toujours l'actionnaire majoritaire. Il spécialise tout d'abord sa société dans la conception de bornes interactives ou de CD-Rom pour des institutionnels comme AXA. Sentant les potentialités recelées par Internet il lance l'année suivante une régie publicitaire et décroche notamment un contrat avec Canal Plus pour gérer tous les sites de la chaîne. Spécialiste du secteur, Alexandre Stopnicki enseigne également le marketing et la publicité on line à l'université Léonard de Vinci et à HEC. Il est d'ailleurs le co-auteur du livre "La Publicité sur Internet" (Editions Dunod/Septembre 1999.). Alexandre Stopnicki est membre de l'IAB France et du collège Internet du CESP. et préside actuellement le syndicat des régies publicitaires en ligne qu'il a contribué à créer.

   
 
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