INTERVIEW
 
CEO
TamTam Inc
Antoine Toffa
"Titre"
A l'instar de Laurent Massa (fondateur de Xoo.com, lire l'interview au JDNet du 1/04/01), Antoine Toffa a un parcours surprenant dans le Net-économie. Co-fondateur de l'agence de voyage en ligne américaine Trip.com en 1996, il l'a revendue trois ans ans plus tard à Galileo International pour un montant de 326 millions de dollars. Depuis, le manager s'est reconverti dans l'e-business en lançant TamTam, fournisseur de services d'aide à l'import-export automatisés et personnalisés dans le monde autour d'un produit phare : le Market Access Planning (MAPTM). Une version française du site de TamTam a été mise en ligne cette semaine. Retour sur une aventure hors du commun.22 juin 2001
 
          

JDNet. La presse professionnelle américaine a consacré plusieurs articles à ce qu'elle appelle votre "Net success story", mais rien n'est paru en France. Comment l'expliquez-vous ?
Antoine Toffa. Sans doute parce que la plus grande partie de ma carrière professionnelle s'est jouée aux Etats-Unis. Pourtant, j'ai des racines en France. Je suis né à Kassel en Allemagne, mais ma mère est française et mon père vient du Togo (ex-colonie française). La plus grande partie de ma jeunesse, je l'ai vécue à Paris. J'ai gardé ma nationalité française mais je vis maintenant à Denver et ma femme est américaine. Il est possible qu'un jour, je prenne la double nationalité...

Comment avez-vous commencé votre carrière aux
Etats-Unis ?
C'est d'abord pour des raisons personnelles que j'ai rejoint les Etats-Unis, afin de vivre avec ma femme qui était partie dans le Colorado. Entre 1992 et 1994, j'ai fait un MBA à Harvard. C'est ce qui m'a permis de démarrer dans Internet. Je faisais partie d'un club "high tech" dans le campus. J'ai pu rencontrer à ce moment la présidente de Time Warner Interactive, qui m'a proposé de me pencher sur un projet mêlant câble et Internet en Floride en tant que consultant. Puis, une société de communication (et actionnaire de Time Warner), US West devenue Qwest, m'a recruté à la fin de mon MBA et je me suis installé à Denver.

Votre découverte de l'Internet a été tumultueuse...
Je vais vous raconter une anecdote révélatrice de l'état d'esprit du moment : en tant que directeur de la stratégie multimédia de US West/Qwest, je reçois en septembre 1994 des représentants de deux petites sociétés, qui s'appelaient Netscape et Yahoo. Elles cherchaient un véritable premier tour financier après avoir reçu du "seed capital". Soit 2 millions de dollars pour une prise de participations de 10% dans le capital de leur entreprise. Malheureusement, le projet d'investissement n'a pas retenu l'attention du conseil d'administration de Qwest. Après la prise de participation de 25% de Time Warner dans notre société, pour 2, 5 milliards de dollars, les membres dirigeants de Qwest ne comprenaient pas mon intérêt pour ces sociétés Internet, un secteur certes balbutiant à l'époque. Puis Netscape est entré au Nasdaq en août 1995 : elle valait deux milliards de dollars après une semaine de trading. C'est là où j'ai eu mon "break", comme disent les Américains. La direction de Qwest m'a proposé de monter une division d'investissement dans Internet et nous avons pris des participations, par exemple dans SportsLine, revendu quatre mois plus tard au network CBS.
Fin 1995, il me vient l'idée de créer un site de voyages pour les PME. Ce sera Trip.com. Je travaillais sur ce projet chez moi la nuit puis je suis allé voir la direction de Qwest pour leur demander un appui financier. Le groupe a injecté 2 millions de dollars, puis 3 millions suplémentaires six mois plus tard. En tout, en trois ans et demi, j'ai levé 51 millions de dollars pour le compte de Trip.com. On n'a utilisé que la moitié de l'argent qui avait été mis à notre disposition. Nous avons vendu la société à Galileo International pour 326 millions de dollars. Nous avons eu une chance énorme, car on a vendu la société quatre mois avant l'e-krach.

Quels résultats avez-vous obtenus avec Trip.com ?
Nous recensions 4 millions de clients, le chiffre d'affaires atteignait 60 millions de dollars et l'effectif total atteignait 220 personnes. C'était assez intense. Maintenant, la société prospère.

Pourquoi Trip.com n'est-il pas entré en bourse ?
En juillet 1999, nous étions prêts à faire le bond. A quelques semaines de l'IPO, Galileo International, un de nos actionnaires (20% de Trip.com), a décidé de faire une offre de rachat. On a tout stoppé.

Quelle plus-value avez-vous récupérée après la cession de Trip.com ?
Le calcul est facile : nous avons levé 51 millions de dollars et nous avons revendu à 326 millions de dollars.
La plus-value, c'est la différence.

D'où vous est venue l'idée de lancer TamTam ?
Je me suis mis sur ce projet six mois après la revente de Trip.com. Je suis parti d'un constat : les entreprises américaines sont très axées sur le marché intérieur, ce qui peut paraître étonnant désormais avec le développement de l'Internet. Nous étions partis sur un concept de place de marché, finalement pas très novateur, puis nous nous sommes concentrés sur le domaine de l'import-export. C'est une approche d'abord technologique, puis de conseil. Nous développons des logiciels de productivité pour le négoce international et nous avons trois outils autour de la productivité en matière de vente, de la gestion des ressources et des données internationales. Nous avons accés à un réseau de consultants dans le monde entier, qui nous permet d'avoir une vraie expertise.

Vous avez l'intention d'ouvrir un bureau à Paris ?
Nous avons l'intention de nous développer sur la base d'un réseau de consultants. D'ici un ou deux ans, nous verrons comment être présents physiquement sur les principaux marchés européens. Pour l'instant, la majorité de nos clients sont américains.

Quels résultats obtenez-vous ?

Nos revenus sont minimes pour l'instant. On peut les compter en centaine de milliers de dollars.

Vous allez lever des fonds pour TamTam ?
Nous nous auto-finançons actuellement. Vu la conjoncture, nous ne comptons que sur nous-mêmes. Nous verrons dans six mois si on ouvre le capital à des investisseurs.

Et dans quelle mesure le marché est-il potentiellement important dans le domaine de l'import-export ?
L'Internet est de plus en plus utilisé dans ce domaine, surtout l'utilisation d'e-mails, qui ont tendance à remplacer le fax. Naturellement, les résultats sont différents en fonction de niveau de développement industriel des pays et de leur implication dans la négoce internationale. L'un des principaux problèmes que l'on rencontre, c'est la fiabilité des interlocuteurs à l'international. Sont-ils viables ? Comment suivre les ventes ? Quel prix adopter sur un marché pour un produit donné? Etc. Autant de questions auxquelles on s'intéresse.


Estimez-vous que les vrais bouleversements provoqués par le développement de l'Internet toucheront davantage le BtoC ou le BtoB ?

A court terme, c'est au niveau de l'e-Business que l'on constatera les plus grands effets. Historiquement, je dirais qu'après l'ère de production industrielle de masse, qui permet d'aboutir à des économies d'échelle, la révolution tourne dorénavant autour du traitement de l'information, avec des économies de transactions. Ce sont des processus automatisés et beaucoup plus rapides. Parallèlement, il y aura de nouvelles opportunités pour l'Internet grand public lorsque les accès haut débit se développeront à une plus grande échelle. Sur ce point, nous en sommes au début aux Etats-Unis.

Quel est votre site d'informations favori ?
J'aime beaucoup JOC.com (The Journal of Commerce), qui donne des informations globales sur la négoce internationale. Les analyses et le contenu éditorial sont bons.

Quel est votre service en ligne favori ?
J'aime beaucoup Google.com. C'est le meilleur outil de recherche d'un point de vue technologique. Et puis je regarde beaucoup de sites financiers comme e*Trade.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Antoine Toffa, diplômé d'HEC (1988) puis titulaire d'un MBA de Harvard (1994), débute sa carrière en 1987 en tant que consultant pour Matra-Communication sur le projet Minitel. Il rejoint ensuite le cabinet de conseil Mars & Co où il dirige plusieurs missions de stratégie et d'organisation pour de grandes sociétés comme Pepsi Co et Lafarge. En 1993 il mène une mission de conseil pour Time Warner Interactive sur un projet de télévision interactive. Il passe ensuite chez USWest (devenu Qwest), une grande entreprise de télécommunications américaine, où il occupe successivement les postes de directeur associé pour la stratégie du groupe, directeur de la stratégie Multimédia et enfin directeur général des services interactifs. En 1996 il crée Trip.com. En 2000, il créé la société TamTam Inc.
Antoine Toffa est aussi présent dans plusieurs conseils d'administration, notamment ceux de TravelNow and 800 Travel Systems, deux sociétés américaines cotées au Nasdaq. Il est également membre du conseil d'Etablissement de l'école internationale de Denver, du comité consultatif du MBA de l'université du Colorado et de l'association humanitaire « Colorado Uplift », qui aide les écoliers des quartiers pauvres de Denver. Antoine Toffa est aussi le président de NetLeaders.org, rassemblant les CEOs du secteur Internet pour la région des Rocheuses. Enfin, il est membre de l'organisation "Young Presidents".

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International