INTERVIEW
 
PDG
AOL France
Stéphane Treppoz
"Titre"

L'actualité 2001 d'AOL France a été marquée par l'annonce du retrait de Vivendi Universal de son capital. Mais dès la rentrée 2000, la branche française du groupe américain AOL Time Warner s'était signalée par une offensive marketing d'envergure en proposant une offre d'accès Internet illimité pour 99 francs. Malgré une vague d'actions en justice d'utilisateurs mécontents, AOL France a accéléré le recrutement de nouveaux abonnés. Désormais, le FAI en annonce un million, ce qui le placerait en deuxième position derrière Wanadoo (France Télécom). La prochaine grande étape, c'est l'Interconnexion forfaitaire illimitée, une bataille de fonds à laquelle Stéphane Treppoz participe activement au nom d'une "concurrence plus saine". Le PDG d'AOL France fait le point sur l'actvité et les projets de sa société.

12 juin 2001
 
          

JDNet. Quel bilan dressez-vous de l'offre AOL France d'accès Internet illimité ?
Stéphane Treppoz. Cette offre a suscité un engouement sans précédent. 50% des personnes qui se sont abonnées à cette offre sont des nouveaux internautes. Et les abonnés ont multiplié par trois leur temps de connexion à Internet. Par conséquent, il n' y a pas de fatalité de sous-consommation d'Internet par les Français. Il suffisait de leur donner une quiétude d'esprit sur les tarifs. Aujourd'hui, majoritairement, nos abonnés sont contents. Je n'aurais pas dit ça il y a six mois.

Combien de nouveaux abonnés avez-vous gagnés au cours de cette période ?

Plusieurs centaines de milliers. Nous n'apportons pas plus de précisions.

L'image d'AOL n'a-t-elle pas été écornée avec la succession d'actions devant la justice concernant la mise en place de "timers" ?
Il est clair que les "timers" ont été très controversés. C'était une mesure temporaire, que l'on a mise en place à la mi-octobre 2000 et que nous avions prises dans l'intérêt du plus grand nombre. Certains ont considéré que ce n'était pas le cas, cela a suscité des injonctions devant les tribunaux. L'utilisation des "timers" a été stoppée en février dernier et les internautes n'ont plus de problèmes d'utilisation. Il n'y a plus d'échéance juridique. Ce qui compte maintenant, c'est que le service AOL France marche.

L'action initiée par l'UFC-Que Choisir, puis votre condamnation, a été un coup dur...
Nous nous sommes rencontrés depuis. Mais, globalement, j'estime que c'est injuste. Car si on fait le bilan, j'estime qu'AOL a fait avancer l'Internet en France. Notre offre a permis aux consommateurs d'économiser sur leur accès Internet et de disposer d'un service de qualité.

L'offre d'accès Internet illimité n'est pas rentable. On peut savoir à combien vos pertes s'élèvent ?

On ne précise pas ces éléments pays par pays. Il faut savoir que, outre l'abonnement, nous avons des revenus variés que nous tirons de la publicité en ligne et du
e-Commerce.Et ils sont beaucoup plus élevés que les autres FAI. Aujourd'hui, AOL dans le monde génère des recettes publicitaires qui s'élèvent à 20 milliards de francs.

Le fait que les abonnés AOL restent plus longtemps connectés a des retombées publicitaires directes ?
C'est indubitable. Aujourd'hui, le point faible de la plupart des portails est qu'ils ne parviennent pas à fidéliser leurs viisteurs.

Quand comptez-vous atteindre le point d'équilibre en France ?
Tout dépend quels critères vous prenez. Si on retient celui de l'exploitation, AOL est rentable en France. Foncièrement, notre entreprise est saine. Seulement, nous sommes actuellement dans une logique d'investissement marketing très forte. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux abonnés.

Comment expliquez-vous la différence actuelle entre le nombre d'abonnés d'AOL France (1 million) et celui de Wanadoo (2 millions) ?
AOL France a deux fois moins d'abonnés que Wanadoo mais représente 20% du temps de connexion Internet passé en France, tandis que Wanadoo en représente 5%, selon Jupiter-MMXI. C'est donc quatre fois plus que Wanadoo. C'est aussi un indicateur important pour nous. Sur le nombre d'abonnés, on peut avancer plusieurs raisons. AOL est pour une concurrence loyale et ce n'est pas le cas avec France Télécom. Statistiquement, il faut savoir qu'un quart du marché de l'Internet français se fait dans les agences de l'opérateur historique. Si vous demandez à 100 personnes "comment êtes-vous venu sur Internet", il y en a 25 qui sont passés par le biais de points de ventes France Télécom. Et ces derniers proposent uniquement l'accès Wanadoo. AOL France a proposé de mettre à disposition des agences son offre d'accès Internet. Nous avons proposé de les rémunérer, avec un taux de reversement supérieur à celui de Wanadoo, et on nous l'a refusé.

Fin 1999, vous avez déposé un dossier auprès du Conseil de la concurrence pour dénoncer un "concurrence déloyale". Vous ne trouvez pas l'enquête trop longue ?
Si. Mais France Télécom est une institution éminemment protégée. Nous n'y pouvons rien.

Dans le débat autour de l'interconnexion forfaitaire illimitée (IFI), vous estimez que France Télécom est le principal responsable du blocage actuel ?
Clairement. France Télécom, fournisseur de réseau, n'a toujours pas communiqué les tarifs de son offre pour que les FAI accèdent aux commutateurs régionaux. Aujourd'hui, nous collaborons avec différents opérateurs, Cegetel, Siris, Transpac et d'autres. Ils ne nous ont toujours pas fait d'offres. Le gouvernement et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) ont promis une offre d'accès Internet illimité à 180 francs grand public pour la rentrée. En l'état actuel, AOL France n'a pas les éléments nécessaires. Au mieux, les offres n'apparaîtront pas avant 2002. Chez AOL, nous sommes un grand partisan de l'IFI mais France Télécom fait tout pour retarder ce passage. Au Royaume-Uni, où l'IFI est déjà appliquée, France Télécom est fournisseur d'accès Internet (avec Freeserve). Il y a lancé une offre d'accès Internet illimité et trouve que les prix qu'on lui impose pour accéder au réseau sont trop élevés, alors qu'ils le sont deux fois moins que les prix fixés en France. Il y a une sorte de schizophrénie chez France Télécom que l'on a du mal à comprendre.

Quels aspects posent des problèmes ?
Il y a deux zones d'interconnexion : l'offre concernant l'interconnexion pour les communateur d'abonnés, qui a été fixée il y a trois mois par l'ART et qui a donné lieu à un communiqué de presse conjoint avec France Télécom. Le prix est 13% supérieur au Friaco, le dispositif d'interconnexion forfaitaire illimitée équivalent au
Royaume-Uni. On pouvait survivre avec ça. Parallèlement, on attend désespéremment l'autre prix concernant l'interconnexion Pro. Il y a quatre mois, France Télécom a proposé à l'ART un prix 76% supérieur à celle du Friaco, alors qu'il n'y a aucune raison pour justifier un prix si élevé. C'est à l'ART de donner un signe maintenant. [NDLR : Lire également à ce sujet l'interview de Jean-Christophe Le Toquin, délégué permanent de l'AFA, et la tribune de Michel Bré, directeur général de Nouvelles Frontières Online]

Beaucoup d'experts s'interrogent sur votre architecture réseau, qui pourrait affecter la performance du service....
Il existe plusieurs cas de figure. Lorsqu'un abonné se connecte à AOL, il peut être être dirigé vers des serveurs aux Etats-Unis et dans d'autres cas, en Allemagne. De plus, des systèmes de cache en local ont été mis en place avec des mécanisme de compression AOL pour les images. Il n'y a pas de délai induit par notre architecture. Nous n'enregistrons pas de différence notable avec les autres FAI.

Pourquoi Witbe, spécialisé dans la mesure de performance des sites, ne peut-il pas vous screener ?
D'autres prestataires et laboratoires d'études anglais le font. Witbe peut nous screener mais avec un dispositif différent. Le logiciel AOL permet de transmettre les données Internet en faisant appel à une petite surcouche mais c'est la seule façon d'assurer le système de contrôle parental, qui est très important pour nous.

Le retrait de Vivendi-Universal dans le capital d'AOL France a-t-il entraîné d'autres changements ?
En terme de contenu, Vivendi-Universal nous fournit par exemple du contenu avec les Guignols, dans la chaîne "divertissement", ou le sport. Nous achetons des prestations réseaux à Cegetel. Mais, dans tous les cas, cela fait l'objet d'accords commerciaux. Ce sont des partenaires importants mais pas les seuls.

Quels types de nouveaux services voulez-vous mettre en avant sur le service abonnés AOL ?
On développe beaucoup tout ce qui est "live" et des animations avec AOL-Time Warner. On pousse actuellement la chaîne "adolescents", qui est une cible importante. [NDLR : AOL France et Procter & Gamble ont annoncé un partenariat marketing et éditorial qui donne naissance à une nouvelle rubrique pour les adolescentes accessible sur le service abonnés d'AOL France. Celle-ci intègre les marques de la division hygiène féminine de Procter & Gamble (Tampax, Always et Alldays) dans un "environnement éditorial" dédié.]

Quelle est la répartition des services en fonction de l'audience ?
Comme dans les autres pays, ce sont les services mails et de messagerie instantanée qui marchent le mieux. On remarque d'ailleurs qur les Français chatent beaucoup. Après, ce sont les contenus, avec le trio de tête info-sport-divertissement. L'audience liée à la partie "AOL Shopping" s'améliore. On remarque d'ailleurs que plus le temps de connexion à Internet est important, plus les internautes consomment en ligne. [NDLR : Le nouveau voyagiste en ligne Karavel.com vient de signer un accord avec AOL France, qui intègre les principaux modules du site Karavel dans son espace "Voyage", sur le site propriétaire et sur le portail AOL.fr.]

Etes-vous satisfait de votre portail ouvert AOL.fr ?
Il a recensé en mai 1,2 million de visiteurs uniques (source MMXI). C'est un site qui permet aux abonnés AOL de consulter leurs mails à distance. C'est un succès auprès de nos abonnés actuels pour se connecter en dehors de chez eux. Il a un rôle marginal pour recruter de nouveaux abonnés, ce qui n'a jamais été sa première vocation.

Où en est le projet AOL Mobile ?
Nous avons lancé un portail mobile en janvier dernier autour des services les plus consultés sur AOL. Il y a quelques milliers de personnes qui se connectent tous les jours. Mais l'Internet mobile reste pour le moment un marché de niche.

Quels sont les résultats de l'offre wap MViva avec PhoneHouse ?

Quand vous achetez un téléphone wap portable chez PhoneHouse, AOL Mobile est accessible dès la page d'accueil. Ca marche bien mais à la hauteur du marché actuel. Le projet, à l'échelle européenne, continue.

Quand comptez-vous lancer une offre ADSL ?
Du temps où notre actionnaire était Cegetel, nous avions lancé une offre avec Monaco Telecom et disposions de 500 abonnés. Nous ne l'avons pas lancée en France car l'offre de revente ADSL de France Télécom ne nous permet pas aujourd'hui de gagner de l'argent. Techniquement, nous sommes prêts mais nous n'avons pas vocation à perdre de l'argent. Nous devrions lancer une offre d'ici la fin de l'année.

Comment percevez-vous le secteur des FAI en France ?
Le marché sur lequel on évolue est assez étonnant. C'est un marathon, mais qui est couru à la vitesse d'un sprint. Mais on fait tous des paris industriels à l'horizon cinq-dix ans. Nous en sommes à un tiers de la course avec un taux de pénétration de l'Internet dans les foyers français autour de 20%. La fin de la course sera sans doute un foyer sur deux, comme en Amérique du Nord.

Que vous inspire le retrait d'Excite@Home en Europe ?
Ca ne m'étonne pas. "Small is not beautiful". Ils ont démarré leur activité trop tard en Europe. Ils n'avaient pas de marque en Europe et peu de différenciations.

Quel est votre site d'informations favori ?
J'aime beaucoup CNet aux Etats-Unis.

Quel est votre service favori sur AOL France ?
J'aime bien aller voir hebdomadairement les Guignols en slide show.

Qu'aimez-vous sur Internet ?

Communiquer. Par mail ou par messagerie instantanée, un outil que j'adore. J'y passe plus de temps que le téléphone.

Qu'est-ce qui vous irrite ?
La lâcheté des gens qui se cachent trop facilement derrière un pseudo sur Internet.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Stéphane Treppoz , 35 ans, HEC, est PDG d'AOL France depuis 1998.

   
 
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