MOBILE 
 
Jean-Noël Tronc
Directeur stratégie et marque
Orange
Jean-Noël Tronc
"Le mobile a vocation à devenir la télécommande universelle"
Le mobile est amené à jouer le rôle de passerelle dans la convergence télécoms. Analyse de ce mouvement avec le directeur stratégie d'Orange.
(30/06/2005)
 
JDN. Dans le plan stratégique 2006-2008 de France Télécom, la marque Orange joue un rôle crucial. Comment voyez-vous Orange dans quelques années ?
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 Jean-Noël Tronc
France Télécom s'installe dans la convergence
Dossier Mobiles, la nouvelle génération
Jean-Noël Tronc. De plus en plus de marchés, que l'on pensait éloignés du mobile, voire concurrents, rejoignent notre industrie, comme la photo, la musique, et les médias. Cela va continuer et s'amplifier. Notre stratégie est d'être les plus innovants en embarquant dans le mobile de plus en plus de services. Le mobile est "le fil de la vie", on le voit dans des applications innovantes comme notre téléphone-bracelet, dans le secteur de la santé. Le mobile c'est tout simplement le seul produit technologique que tout le monde porte sur soi. Nous disons qu'il a vocation à devenir "la télécommande universelle". Et notre but, c'est d'être au cœur de la chaîne de création de valeur.

L'un des principaux enjeux des prochaines années sera la convergence entre les réseaux fixes et mobiles. Comment gérez-vous la question ? Et que pensez-vous de la solution présentée par l'un de vos concurrents au Royaume-Uni, BT ?

BT a régulièrement reporté son lancement, et son annonce porte aujourd'hui sur l'équipement de 400 clients en technologie Bluetooth, sans doute peu adaptée à ce type de service. N'oublions pas leur problème stratégique : ils n'ont plus de réseau mobile. Quoi qu'il en soit, c'est un mouvement qui illustre encore une fois la justesse de la stratégie d'opérateur intégré de France Télécom. Nous aussi travaillons à ce type de solutions, dans une vision plus large. La convergence de BT, c'est celle des terminaux. Nous ajoutons la convergence des réseaux et celle des contenus. [NDLR : mercredi 29 juin, France Télécom a annoncé son intention de lancer plusieurs services de convergence fixe-mobile-Internet, lire l'article JDN]

Quel premier bilan tirez-vous de l'activité d'Orange au premier semestre 2005 ?
C'est un bilan extrêmement encourageant. Nous devrions atteindre les 150.000 clients haut débit mobile à la fin juin. Le lancement d'Edge nous permet de compléter notre offre. Notre stratégie d'apporter le haut débit mobile à tous, le plus vite possible, semble payante. De plus, notre offre commence à être reconnue au niveau des contenus. Si on la compare avec ce qui se fait ailleurs, il s'agit de la plus riche au monde, avec 42 chaînes de télévision en live. D'ailleurs, nous avons obtenu le prix des meilleurs services pour mobiles il y a quelques jours au Mobile Entertainment Forum.

Le positionnement sur Edge n'est-il pas une manière de pallier les débuts incertains de la 3G ?
Contrairement à ce que disent certains de nos concurrents, notre stratégie 3G + Edge n'est pas opportuniste. Le développement du haut débit mobile pour tous est au cœur de notre stratégie et celle-ci a été élaborée sur le long terme. C'est aussi l'option prise par 28 opérateurs en Europe, dont TIM ou Telia-Sonera, qui ont choisi de développer à la fois Edge et l'UMTS. La 3G est un nouveau réseau, son déploiement sera progressif : nous ne souhaitions ni priver la moitié de la population de la télévision sur mobile ni l'autre moitié de la population du meilleur du débit avec la 3G qui couvre déjà 45 % de la population, là où notre couverture Edge est de 85 %.

Vous êtes donc plutôt satisfaits des débuts commerciaux de la 3G ?
Nous sommes en phase avec nos prévisions. Nous sommes confiants quant à l'objectif de 500.000 abonnés à la fin de l'année Edge + 3G, un million dans un an et deux millions fin 2006. En ce qui concerne les usages, là encore, le bilan est satisfaisant, l'utilisation de la data ayant été multipliée par trois depuis six mois. Sans oublier que l'on compte 80 % de clients actifs sur le portail multimédia Orange World contre 20 % en 2G. Sur le marché grand public, nous sommes toujours, évidemment, dans une phase de montée en charge comme sur tout nouveau réseau. Le taux de couverture est encore de 45 % et le prix des terminaux n'est pas tous publics, mais cela devrait changer au second semestre 2005. Sur le marché entreprises, notre stratégie nous assure un leadership renforcé, notamment avec l'offre Business Everywhere : nous avons vraiment transformé l'essai de la data mobile, qui a décollé en 2004.

Orange ne regrette donc pas l'orientation qui a été prise dans l'Internet mobile ?
Non. Rétrospectivement, il s'agit même de la victoire des orientations stratégiques qui ont été prises il y a deux ans, à un moment où tout était très incertain, sur les contenus comme sur les réseaux. Aujourd'hui, on peut dire que l'avenir du haut débit et du multimédia mobile est assuré. Il faut tester un maximum de modèles économiques et développer un éco-système autour de nous. Notre objectif est aussi de pousser un maximum de médias à regarder le marché, comme une opportunité clef de développement pour eux.

L'une des principales barrières au développement de la 3G reste le prix. Comment comptez-vous faire sauter ce verrou ?
Il faut encourager l'usage, donner de l'illimité "
Quand on se positionne sur un nouvel usage, il faut l'encourager, donner des éléments d'abondance, de l'illimité. La formule d'Orange Intense en Edge contient une offre marketing agressive, avec la télévision illimitée totale pendant deux mois, et au-delà, la télévision illimitée le week-end. Nous avons également cassé le prix de la data : aujourd'hui, le prix du Megaoctet descend à 20 centimes d'euro pour les services multimédias en 3G, et même 10 centimes d'euros sur le plus gros forfait data Entreprises, alors qu'il était plutôt d'un euro avant. Un exemple : sur les plates-formes musicales sur Internet, le prix d'une chanson est de 99 centimes, alors qu'une vidéo de quatre minutes avec Orange revient à 80 centimes. On ne peut pas dire que les prix soient dissuasifs.

Mais les abonnements ne gagneraient-ils pas à être clarifiés, avec par exemple, des offres illimitées totales comme cela se pratique sur le web ?
Nous proposons déjà une offre illimitée totale pour les entreprises, à 70 euros par mois pour un accès aux Intranet. Pour le grand public, c'est plus difficile à mettre en place. En effet, nous sommes en présence d'une ressource rare, les fréquences. Nous pensons que le nombre de clients va augmenter très fortement à l'avenir. Et le taux d'usage peut rapidement devenir très élevé. C'est donc aussi notre rôle d'anticiper la situation du réseau, de garantir la meilleure qualité de service même quand nous aurons plusieurs millions d'abonnés en haut débit mobile.

Concernant le modèle économique de l'Internet mobile, où en sont vos réflexions ?
Nous essayons au maximum d'éviter les paiements à l'acte, nous pensons qu'il s'agit d'un mauvais modèle. Nous privilégions donc l'abonnement forfaitaire pour l'accès à Orange World, avec ensuite un accès illimité aux contenus, pour lever les freins à l'usage. Pour les relations avec nos partenaires éditeurs, nous avons trouvé un modèle équilibré. Il y a deux ans, nous avions des demandes pour que la répartition des revenus change. Plus maintenant. Il est vrai que nous essayons de nous entourer des meilleurs partenaires possibles, par exemple en télévision ou en radio. Le kiosque Gallery, avec plus de 300 acteurs, a posé les bases d'un modèle viable.

Quand comptez-vous déployer la technologie HSDPA ? Que pourra-t-elle vous apporter ?
Le HSDPA sera testé dès cet automne sur notre réseau."
Je pense qu'on ne peut pas construire le deuxième étage d'un building sans poser les fondations. Ceux qui croient pouvoir développer le HSDPA directement sans avoir déployé la 3G au préalable vont avoir de mauvaises surprises. Chez nous, le HSDPA sera testé dès cet automne sur notre réseau 3G. Cette technologie représente une nouvelle étape, en particulier pour les entreprises, qui pourront multiplier les usages. Nous serons alors sur du Mégabit par seconde, en débit réel, c'est-à-dire un débit garanti pour l'utilisateur. À l'origine, le HSDPA devait être lancé commercialement en 2007. Il n'est pas exclu que cela arrive un peu plus tôt.

Où en sont les réflexions quant au DVB-H ?
Nous avons obtenu du CSA les fréquences pour notre expérimentation avec TPS , Bouygues Telecom et TDF, qui doit démarrer fin septembre. Mais il reste à trouver des fréquences pérennes en France, ce qui semble poser problème.

Lors de l'annonce de ces futures expérimentations, vous annonciez que vous réfléchissiez au futur modèle économique de la télévision sur mobile, notamment avec les grands groupes de l'audiovisuel. Où en sont les négociations ?
La télévision sur mobile est là en 3G et Edge et l'usage décolle rapidement, avec 25 minutes par client et par mois : le retour client est excellent. Avec notre couverture Edge, n'importe lequel des 21 millions de clients Orange peut avoir une heure de TV sur mobile par mois pour 10 euros. Pour le DVB-H, on est encore loin d'y voir clair ; dans ce domaine, il y a sans doute de la part de certains industriels de la sur-promesse. Il a fallu remettre les pendules à l'heure. Les acteurs medias n'en sont pas encore à nous parler de modèle économique.. Il faut déjà voir comment cela fonctionne techniquement. En ce qui concerne la télévision sur mobile en général, il faut avancer sur des questions fondamentales : Quels contenus ? Quel format ? Faut-il développer des contenus sur mesure ?

Les opérateurs ont souvent été pointés du doigt et accusés de ne pas favoriser la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile. Qu'en pensez-vous ?
La France est l'un des marchés les plus concurrentiels."
Je pense qu'on a assisté en 2004 à une étonnante campagne de dénigrement contre le secteur mobile qui semble s'apaiser. A l'époque, un certain nombre de contre-vérités ont été assénées. Or, si l'on compare la situation à celle dans le reste de l'Europe, la France est sans doute l'un des marchés les plus concurrentiels. Aujourd'hui, la France se retrouve dans le groupe des cinq à six pays, où l'on a près de 15 marques commercialisant des offres mobiles pour le grand public et les entreprises.

Mais aucun des accords signés n'a débouché sur un full-MVNO, avec de nouveaux opérateurs disposant eux-mêmes de certains éléments du réseau ?
Aucun des partenaires avec lesquels nous avons discuté n'a fait de demande dans ce sens. Chaque chose en son temps et chacun son métier, d'autant que les investissements sont déjà considérables pour être MVNO. De plus, les éléments qui comptent réellement pour définir un MVNO, c'est le fait d'éditer ses cartes SIM de disposer de sa base d'abonnés et d'avoir un marketing autonome. C'est le cas ailleurs en Europe.

Orange, comme SFR, a multiplié les accords de MVNO au cours des douze derniers mois (Breizh Mobile, Tele2). Quels sont les avantages et les inconvénients de ce type d'accords ?
A partir du moment où se crée un marché de gros, nous avons l'ambition d'être leader sur ce marché, comme nous le sommes déjà sur les marchés de détail. Tele2 a toutes les chances de devenir l'un des gros acteurs du marché MVNO, nous avons donc signé avec eux. Deuxième élément-clé : ces nouveaux entrants peuvent participer au développement du marché. Breizh ou Tele2 peuvent encourager l'équipement des quatre à cinq millions de Français qui ne possèdent pas encore de mobile. Ce sont des opportunités intéressantes. Mais il nous faut des partenaires avec lesquels on peut développer une vraie complémentarité marketing. Evidemment, cela nous fait de nouveaux concurrents, mais il s'agit d'un challenge commercial supplémentaire et cela rend le jeu encore plus intéressant.

Et les accords de co-branding comme celui passé avec M6 ?
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 Jean-Noël Tronc
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Dossier Mobiles, la nouvelle génération
Là, c'est clairement un partenariat stratégique gagnant-gagnant. Nous aidons M6 à entrer dans la téléphonie mobile. En contre-partie, M6 nous apporte ses contenus et un nouveau réseau de distribution, les NMPP, où nous n'étions pas encore présents. C'est d'ailleurs l'un des faits marquants de ce début d'année puisque cela représente 15.000 à 20.000 points de vente. Pour l'instant, il s'agit donc du partenariat média qui va le plus loin, avec celui passé avec LCI, qui a débouché sur la création d'une chaîne de télévision spéciale pour le mobile, 24 heures sur 24, une première en Europe.
 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

PARCOURS
 
 
Jean-Noël Tronc, 38 ans, est directeur de la stratégie et de la marque Orange depuis 2002.

Auparavant, il était le conseiller NTIC de Lionel Jospin à Matignon, fonction qu'il a occupée de 1997 à 2002.

Il a également occupé les fonctions d'ingénieur conseil chez Andersen Consulting de 1993 à 1995 et de chargé de mission au Commissariat général du Plan de 1995 à 1997.

Et aussi Jean-Noël Tronc est diplômé de l'Essec (1992) et de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris (1988).

   
 
 
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