INTERVIEW
 
Président du directoire
AGF Private Equity
Antoine Valdes
"Titre"
Filiale des AGF (Groupe Allianz), AGF Private Equity est une société de capital-investissement. Elle intervient en capital-risque, le plus souvent au deuxième et troisième tours de table, par le biais de fonds de commun de placement à l'innovation (FCPI). Le premier FCPI de 190 millions de francs, lancé en 1999, a permis de financer dix-sept sociétés innovantes en France. L'investissement moyen se situant autour de 2,5 millions d'euros. Récemment, un deuxième FCPI, AGF Innovation II, a été bouclé, à hauteur de 350 millions de francs. Antoine Valdes, le président du directoire d'AGF Private Equity, fait le point sur ces différents leviers de financement et sur l'état du capital-risque en France.06 décembre 2000
 
          

JDNet. Les reports d'introduction se succèdent, les cours de valeurs technologiques ne cessent de chuter. Est ce que cela ne va pas peser en amont sur l'activité du capital-risque?
Antoine Valdes. J'ai du mal à me prononcer car pour l'instant, le phénomène est passager et on a donc peu de recul. Si on reste longtemps dans un marché déprimé, il est clair qu'en amont, les fonds auront plus de mal à financer des dossiers et hésiteront à investir dans des sociétés où ils n'ont aucun moyen de sortir du capital. Mais je reste plutôt optimiste, car si il y a rapidement une issue à la présidentielle américaine et la preuve d'un atterissage en douceur de l'économie américaine, les marchés devraient repartir. Le problème est qu'actuellement, on se réfère trop au début de l'année pour dire que la situation n'est pas bonne. Il ne faut pas oublier que l'engouement lors de cette période était un phénomène exceptionnel. Les investisseurs pouvaient rentrer dans une société et en sortir six mois après avec une plus-value conséquente à la clé. C'était hors norme. Pour nous qui sommes depuis longtemps dans le capital-risque, ce qui arrive désormais ne nous surprend donc pas, car quand on fait ce métier, on ne se fixe pas des objectifs à aussi court-terme. D'ailleurs, certains acteurs du financement commencent à se retirer car ils avaient pris le train en marche par opportunisme et ont désormais du mal à se refinancer eux-mêmes. En résumé, je trouve d'ailleurs suprenant que les gens s'étonnent de la morosité actuelle. Cela dénote un manque d'expérience car le capital-risque, c'est comme la Bourse, il y a des cycles de hausses et de baisses et avec l'expérience, on apprend à mieux les connaître et à les appréhender. Enfin, il reste quand même d'excellentes sociétés et je pense par ailleurs que l'engouement du début d'année a eu des effets positifs sur la culture entrepreneuriale en France. On voit par exemple désormais de plus en plus de chercheurs dans la fonction publique qui veulent crééer une société à partir de leur découverte. C'était quasiment inimaginable il y a encore trois ans.

Pourtant, sur les marchés financiers, toutes les valeurs Internet sont visiblement mises dans le même panier...

C'est vrai que pour l'instant, on assiste plus à une rotation sectorielle des portefeuilles des investisseurs, à l'exception de quelques valeurs qui sont sur des niches technologiques et qui sont plutôt avantagées. Est-ce un premier pas vers la sélectivité ? Je ne sais pas. Dans le cas des valeurs internet, il y a un problème de fond. Il y a eu énormément d'introductions sur les marchés européens et la couverture boursières des valeurs par les analystes est insuffisante. Seuls les grands noms sont suivis et le gérant d'un fonds de "small caps" n' a pas le temps de regarder toutes les valeurs. Il faudrait donc plus d'analystes ayant une connaissance pointue du secteur.

On dit qu'il reste des sommes énormes à investir en capital-risque et que cet argent devra être forcément investi un jour...
C'est inexact. Vous avez en fait deux catégories de fonds. Ceux dont l'argent provient d'un appel public à l'épargne, comme les FCPI, et ceux amorcés par les institutionnels. Dans cette dernière catégorie, quand un fonds annonce qu'il a levé 500 millions de dollars, c'est en fait une promesse des investisseurs de participer au financement. Mais si le marché n'est pas bon, ils ne sont pas obligés de débloquer la somme. Pour les FCPI, c'est différent car il y a un peu plus de "pression" pour investir. Mais en règle générale, il n'y a pas tant d'argent que cela dans le secteur.

Certains pointent aussi du doigt la taille énorme des fonds, ce qui pénaliserait, pour des raisons structurelles, le financement en amorçage des sociétés...
Pour ma part, je trouve qu'en France il y au contraire beaucoup d'acteurs qui participent à l'amorçage de façon très positive. I-Source ou Trinova sont ainsi très bien positionnés sur ce créneau. Le grand nombre de business angels qui interviennent désormais en capital-risque a aussi contribué à donner une assise plus solide à l'amorçage des sociétés.

N@rt, Fluxus, Streamcore, Mediapps : vous avez financé des dossiers très différents sur le fond. Que recherchez vous exactement?
Des dossiers français, puisque la loi nous y oblige, et qui disposent d'une barrière technologique importante à l'entrée. Les éditeurs de logiciels, les sociétés d'infrastructures retiennent ainsi toute notre attention. Nous étudions aussi des sociétés qui évoluent dans le domaine des services immatériels, comme la finance ou le voyage. Je pense notamment au site de voyage Travelprice, qui dispose d'une excellente technologie et qui a fait la preuve qu'il peut dégager un important chiffre d'affaires. Mais ce qui reste primordial, c'est l'équipe qui porte le projet. Dans le secteur d'Internet, c'est encore plus important car il faut savoir s'adapter et réagir très vite puisque le marché évolue rapidement. Or, on considère qu'une bonne équipe saura toujours être réactive.

Vous êtes un des rares fonds à ne pas avoir financé de places de marchés. C'est un choix délibéré ou vous n'avez pas trouvé de dossiers intéressants?
C'était délibéré. On n'a jamais accroché dans ce secteur car nous avons toujours pensé que les grands groupes s'associeraient et étoufferaient vite les acteurs indépendants. Selon nous, si Bouygues se rapprochaient d'autres géants du BTP, il serait par exemple impossible pour une start-up de tenter de se faire une place dans le secteur. Mais notre analyse de la situation a un peu changé car on s'aperçoit que les grands groupes ont beaucoup de mal à s'organiser et qu'il peut y avoir des conflits d'intérêts latents. Peut être que nous étudierons ce type de projets à l'avenir.

Quels sont vos sources pour récupérer des dossiers?
Tout d'abord notre site et les e-mails qui permettent de recevoir cinq à dix dossiers par jour. On ne regarde pas forcément tout mais je peux vous dire qu'on a financé un dossier arrivé par ce canal. Ce cas est d'ailleurs intéressant car les porteurs de projets n'avaient pas envoyé leurs dossiers à tous les investisseurs de la place. Ils avaient sélectionné ceux qui étaient susceptibles de leur apporter quelque chose. Cette attitude est très importante à nos yeux. La deuxième source sont les contacts fournis par les équipes des AGF et la troisième sont les autres capitaux-risqueurs, comme Innovacom, Soffinova, Partech ou Apax, ou les leveurs de fonds. On n'investit d'ailleurs jamais seuls dans un projet. Dans le capital-risque, on travaille toujours mieux à plusieurs.

Quel est l'intérêt pour un entrepreneur de contacter un fonds comme le vôtre?
Tout d'abord, grâce aux AGF, filiale de l'assureur allemand Allianz, nous avons énormément de contacts dans le monde entier, ce qui peut être très intéressant pour le développement à l'international d'une société. Ensuite, l'investissement pur ne nous intéresse pas. Nous voulons ainsi systématiquement un siège au conseil d'administration pour accompagner la société. Nous estimons ainsi pouvoir répondre à la majorité des questions que les entrepreneurs nous soumettent, car avec l'expérience, on se rend compte que ce sont souvent les mêmes difficultés qui surviennent. A cet égard, je voudrais signaler que le démarrage d'une société n'est pas l'étape la plus difficile. En revanche, la gestion de la croissance est un véritable écueil.

Est-ce que votre fonds sert également à faire de la veille technologique pour les AGF et à éventuellement amener des projets dans un cadre industriel?
Non, car il faut faire attention aux conflits d'intérêts. On peut mettre en contact les sociétés avec la maison-mère pour des partenariats mais on ne fait pour elle ni sourcing des dossiers, ni veille technologique. Je sais que des entrepreneurs préfèrent en ce moment se rapprocher des groupes industriels mais c'est une stratégie que je déconseille si des garde-fous ne sont pas mis en place. La présence de financiers dans le capital d'une société est à mon sens très importante.

Qu'est ce que vous aimez sur Internet?
Boursorama et les outils utiles pour mon travail, comme la réservation de billets d'avions en ligne.

Et qu'est ce que vous n'aimez pas ?
L'ergonomie de beaucoup de site et surtout les boutiques en ligne. On est vite découragé car leur utilisation est très compliquée et on a du mal à s'y retrouver.

 
Propos recueillis par Jérôme Batteau

PARCOURS
 

Antoine Valdes, 37 ans, est diplômé de l'Institut d'étude politiques (IEP) de Paris et de l'INSEAD. Il est responsable du private equity aux AGF depuis 1993. Il est également administrateur de Bolloré Investissements, de Galileo et d'Innovacom.


   
 
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