JDNet.
Les reports d'introduction se succèdent, les cours
de valeurs technologiques ne cessent de chuter. Est ce que
cela ne va pas peser en amont sur l'activité du capital-risque?
Antoine Valdes.
J'ai du
mal à me prononcer car pour l'instant, le phénomène
est passager et on a donc peu de recul. Si on reste longtemps
dans un marché déprimé, il est clair
qu'en amont, les fonds auront plus de mal à financer
des dossiers et hésiteront à investir dans des
sociétés où ils n'ont aucun moyen de
sortir du capital. Mais je reste plutôt optimiste, car
si il y a rapidement une issue à la présidentielle
américaine et la preuve d'un atterissage en douceur
de l'économie américaine, les marchés
devraient repartir. Le problème est qu'actuellement,
on se réfère trop au début de l'année
pour dire que la situation n'est pas bonne. Il ne faut pas
oublier que l'engouement lors de cette période était
un phénomène exceptionnel. Les investisseurs
pouvaient rentrer dans une société et en sortir
six mois après avec une plus-value conséquente
à la clé. C'était hors norme. Pour nous
qui sommes depuis longtemps dans le capital-risque, ce qui
arrive désormais ne nous surprend donc pas, car quand
on fait ce métier, on ne se fixe pas des objectifs
à aussi court-terme. D'ailleurs, certains acteurs du
financement commencent à se retirer car ils avaient
pris le train en marche par opportunisme et ont désormais
du mal à se refinancer eux-mêmes. En résumé,
je trouve d'ailleurs suprenant que les gens s'étonnent
de la morosité actuelle. Cela dénote un manque
d'expérience car le capital-risque, c'est comme la
Bourse, il y a des cycles de hausses et de baisses et avec
l'expérience, on apprend à mieux les connaître
et à les appréhender.
Enfin, il reste quand même d'excellentes sociétés
et je pense par ailleurs que l'engouement du début
d'année a eu des effets positifs sur la culture entrepreneuriale
en France. On voit par exemple désormais de plus en
plus de chercheurs dans la fonction publique qui veulent crééer
une société à partir de leur découverte.
C'était quasiment inimaginable il y a encore trois
ans.
Pourtant,
sur les marchés financiers, toutes les valeurs Internet
sont visiblement mises dans le même panier...
C'est vrai que pour l'instant, on assiste plus à une
rotation sectorielle des portefeuilles des investisseurs,
à l'exception de quelques valeurs qui sont sur des
niches technologiques et qui sont plutôt avantagées.
Est-ce un premier pas vers la sélectivité ?
Je ne sais pas. Dans le cas des valeurs internet, il y a un
problème de fond. Il y a eu énormément
d'introductions sur les marchés européens et
la couverture boursières des valeurs par les analystes
est insuffisante. Seuls les grands noms sont suivis et le
gérant d'un fonds de "small caps" n' a pas
le temps de regarder toutes les valeurs. Il faudrait donc
plus d'analystes ayant une connaissance pointue du secteur.
On dit
qu'il reste des sommes énormes à investir en
capital-risque et que cet argent devra être forcément
investi un jour...
C'est inexact.
Vous avez en fait deux catégories de fonds. Ceux dont
l'argent provient d'un appel public à l'épargne,
comme les FCPI, et ceux amorcés par les institutionnels.
Dans cette dernière catégorie, quand un fonds
annonce qu'il a levé 500 millions de dollars, c'est
en fait une promesse des investisseurs de participer au financement.
Mais si le marché n'est pas bon, ils ne sont pas obligés
de débloquer la somme. Pour les FCPI, c'est différent
car il y a un peu plus de "pression" pour investir.
Mais en règle générale, il n'y a pas
tant d'argent que cela dans le secteur.
Certains
pointent aussi du doigt la taille énorme des fonds,
ce qui pénaliserait, pour des raisons structurelles,
le financement en amorçage des sociétés...
Pour ma part, je
trouve qu'en France il y au contraire beaucoup d'acteurs qui
participent à l'amorçage de façon très
positive. I-Source ou Trinova sont ainsi très bien
positionnés sur ce créneau. Le grand nombre
de business angels qui interviennent désormais en capital-risque
a aussi contribué à donner une assise plus solide
à l'amorçage des sociétés.
N@rt, Fluxus,
Streamcore, Mediapps : vous avez financé des dossiers
très différents sur le fond. Que recherchez
vous exactement?
Des dossiers français,
puisque la loi nous y oblige, et qui disposent d'une barrière
technologique importante à l'entrée. Les éditeurs
de logiciels, les sociétés d'infrastructures
retiennent ainsi toute notre attention. Nous étudions
aussi des sociétés qui évoluent dans
le domaine des services immatériels, comme la finance
ou le voyage. Je pense notamment au site de voyage Travelprice,
qui dispose d'une excellente technologie et qui a fait la
preuve qu'il peut dégager un important chiffre d'affaires.
Mais ce qui reste primordial, c'est l'équipe qui porte
le projet. Dans le secteur d'Internet, c'est encore plus important
car il faut savoir s'adapter et réagir très
vite puisque le marché évolue rapidement. Or,
on considère qu'une bonne équipe saura toujours
être réactive.
Vous êtes
un des rares fonds à ne pas avoir financé de
places de marchés. C'est un choix délibéré
ou vous n'avez pas trouvé de dossiers intéressants?
C'était
délibéré. On n'a jamais accroché
dans ce secteur car nous avons toujours pensé que les
grands groupes s'associeraient et étoufferaient vite
les acteurs indépendants. Selon nous, si Bouygues se
rapprochaient d'autres géants du BTP, il serait par
exemple impossible pour une start-up de tenter de se faire
une place dans le secteur. Mais notre analyse de la situation
a un peu changé car on s'aperçoit que les grands
groupes ont beaucoup de mal à s'organiser et qu'il
peut y avoir des conflits d'intérêts latents.
Peut être que nous étudierons ce type de projets
à l'avenir.
Quels
sont vos sources pour récupérer des dossiers?
Tout d'abord notre site et les
e-mails qui permettent de recevoir cinq à dix dossiers
par jour. On ne regarde pas forcément tout mais je
peux vous dire qu'on a financé un dossier arrivé
par ce canal. Ce cas est d'ailleurs intéressant car
les porteurs de projets n'avaient pas envoyé leurs
dossiers à tous les investisseurs de la place. Ils
avaient sélectionné ceux qui étaient
susceptibles de leur apporter quelque chose. Cette attitude
est très importante à nos yeux. La deuxième
source sont les contacts fournis par les équipes des
AGF et la troisième sont les autres capitaux-risqueurs,
comme Innovacom, Soffinova, Partech ou Apax, ou les leveurs
de fonds. On n'investit d'ailleurs jamais seuls dans un projet.
Dans le capital-risque, on travaille toujours mieux à
plusieurs.
Quel est
l'intérêt pour un entrepreneur de contacter un
fonds comme le vôtre?
Tout d'abord, grâce aux
AGF, filiale de l'assureur allemand Allianz, nous avons énormément
de contacts dans le monde entier, ce qui peut être très
intéressant pour le développement à l'international
d'une société.
Ensuite, l'investissement pur ne nous intéresse pas.
Nous voulons ainsi systématiquement un siège
au conseil d'administration pour accompagner la société.
Nous estimons ainsi pouvoir répondre à la majorité
des questions que les entrepreneurs nous soumettent, car avec
l'expérience, on se rend compte que ce sont souvent
les mêmes difficultés qui surviennent. A cet
égard, je voudrais signaler que le démarrage
d'une société n'est pas l'étape la plus
difficile. En revanche, la gestion de la croissance est un
véritable écueil.
Est-ce
que votre fonds sert également à faire de la
veille technologique pour les AGF et à éventuellement
amener des projets dans un cadre industriel?
Non,
car il faut faire attention aux conflits d'intérêts.
On peut mettre en contact les sociétés avec
la maison-mère pour des partenariats mais on ne fait
pour elle ni sourcing des dossiers, ni veille technologique.
Je sais que des entrepreneurs préfèrent en ce
moment se rapprocher des groupes industriels mais c'est une
stratégie que je déconseille si des garde-fous
ne sont pas mis en place. La présence de financiers
dans le capital d'une société est à mon
sens très importante.
Qu'est
ce que vous aimez sur Internet?
Boursorama
et les outils utiles pour mon travail, comme la réservation
de billets d'avions en ligne.
Et qu'est
ce que vous n'aimez pas ?
L'ergonomie de
beaucoup de site et surtout les boutiques en ligne. On est
vite découragé car leur utilisation est très
compliquée et on a du mal à s'y retrouver.
|