INTERVIEW
 
Directeur des participations
Cita Gestion
François Véron
"Le Net est entré dans une logique entrepreneuriale plus saine"
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La Compagnie d'Investissement dans les Technologies Avancées (Cita) s'est récemment fait remarquer avec la reprise d'AlloCiné, auparavant détenu par Vivendi Universal. Créée en 1985, Cita réalise est présente dans le capital-risque, le capital-développement et le LBO à travers son premier fonds commun de placement à risque (FCPR). Elle a notamment investi dans la télévision interactive (NPTV), le voyage en ligne (Travelprice.com), le commerce électronique (avec Kelkoo), les télécoms (Netova), la logistique (L4 Logistics) et les services de liste de mariage (1001 Listes). Dernière opération en date : Cita Gestion va accompagner le projet d'hebdomadaire gratuit "papier" dédié aux sports qui devrait être lancé mi octobre.
23 septembre 2003
 
          

JDN. Pourquoi Cita a-t-il soutenu le dossier de reprise d'AlloCiné ?
François Véron.
C'est la qualité du projet et du management qui a attiré notre attention. AlloCiné est leader sur son secteur. En pages vues par mois, le site fait mieux que ses concurrents sectoriels réunis. L'éqipe dirigeante d'AlloCiné a constitué un beau projet de reprise sous forme de buy out qui a motivé Cita Gestion. Nous ne communiquons pas sur l'investissement, mais je peux vous dire qu'il est significatif pour nous (lire à ce sujet l'encadré en bas).

Quels sont vos nouveaux projets en matière d'investissement ?
Nous allons participer au financement d'un nouveau hebdomadaire gratuit sur les sports dont le premier numéro va sortir en octobre. C'est de l'amorçage autour d'un projet innovant sur le secteur de la presse qui est dynamique en termes de rendement et de risque. Depuis le début de l'année, le ryhtme des opérations est assez soutenu pour nous avec cinq projets dont 1001 Listes et La Toulousaine, une société spécialisée dans les fermetures de sécurité.

Que représente les participations "nouvelles technologies" dans le portefeuille global de Cita ?
Cela représente entre 20 et 30 % en nombre de dossiers. En montant d'investissement, la hauteur est légérement inférieure à cette fourchette.

Quelle sont vos critères pour sélectionner un projet Internet ?
La qualité du projet et du management, la pertinence de la rencontre développement d produit et marché. Prenons l'exemple de Travelprice.com. Lorsque nous avons investi dans la société fin 2001, elle n'était pas en équilibre. En revanche, le modèle économique était extrêmement clair avec un management solide et un tour de table de qualité. Certes, la période pour investir dans l'e-tourisme n'était pas forcément la meilleure, mais le secteur du voyage en ligne est promis à un bel avenir.

Quels montants investissez-vous par dossier ?
C'est très large : entre 1 et 12 millions d'euros. Pour le capital-risque, le montant se situe entre 1 et 3 millions d'euros.

Quel taux de rendement interne affichez-vous sur vos participations Internet ?
Nous n'isolons pas les rendements par activité. Internet n'est pas une classe de risque en tant que telle.

Ressentez-vous aujourd'hui un regain d'intérêt de la part des investisseurs dans les projets Internet ?
Le secteur de l'Internet, en particulier le commerce électronique et la publicité, est très dynamique. On se rend compte que le Net méritait ni les excès d'honneur du départ, ni l'indignité des années 2001-2002. On reparle du Net dans les médias, mais je ne vois pas encore de frémissement avec des levées de fonds significatives. Nous sommes aujourd'hui repartis dans une logique entrepreneuriale plus saine avec les nouveaux projets qui émergent : les sociétés développent leurs technologies avec leurs propres fonds puis décident d'effectuer un tour de table pour leur déploiement. Mais il faut prendre en compte l'héritage Internet avec, quelques fois, des actionnaires divisés. Pour des raisons d'inertie, cela prend donc du temps de relancer la machine.

Quels sont les plus beaux "coups" auxquels Cita Gestion a participé ?
On peut citer deux exemples : nous avons investi au tour précédant l'introduction en Bourse de la société de biotechnologie Actelion. Principalement financée au départ par Sofinova et Atlas Venture, elle est désormais côtée à la Nourse de Zürich. Lorsque nous sommes arrivés, Actelion réalisait un chiffre d'affaires proche de zéro. Maintenant, son résultat se compte en centaine de millions de francs suisses. C'est remarquable pour une société de biotechnologie. Travelprice, soutenu par Apax Partners et AGF Private Equity, est également une très bonne opération financière. La société de voyage en ligne s'est très bien redressée et a été très bien vendue à LastMinute.com. Entretemps, le cours du nouveau propriétaire britannique s'est envolé. Au moment de la transaction, Cita avait cédé ses parts par échange d'actions. Nous avions récupéré 1 % de LastMinute. Maintenant, nous cédons au fur et à mesure nos parts.

Parmi les sociétés que vous avez soutenues, combien de "start-downs" recensez-vous ?
Nous ne communiquons pas dessus. Je vous rappelle que l'activité de venture-capital comporte des risques. On peut disposer de bonnes idées mais sans trouver de marché ou de moyens pour se développer.

En investissant dans NPTV vous vous placez sur le secteur de la télévision interactive. Est-ce un secteur réellement mûr ?
Les solutions de NPTV sont pleinement opérationnelles. La société propose déjà ses solutions de chat à des opérateurs satellites. Il est vrai que la demande en télévision interactive évolue moins vite que celle de l'Internet, que le marché met du temps à décoller. Mais nous avons des signes très encourageants. La reprise de Mediahighway, ex-Canal Plus Technologies, par NDS, la filiale télévision numérique payante de News Corp, prouve que le secteur n'est pas dénué d'intérêt. Les marchés ne sont pas très importants mais ils représentent de gros enjeux. La prochaine télévision numérique terrestre permettra de démultiplier les applications.

Au premier semestre 2001, vous avez finalisé le financement de Cita FCPR 1, à hauteur de 76,3 millions d'euros. A quand Cita FCPR 2 ?
Je n'en sais rien. Sachant que nous avons investi un tiers du fond FCPR 1 pour le moment, nous ne sommes pas pressés.

Cita Gestion compte parmi ses actionnaires une institution financière koweitienne. Quels liensavez-vous tissé avec elle ?
C'est une structure de l'Etat du Koweit : la Koweit Investment Authority, une sorte de direction du trésor du Koweit. Elle est intervenue dès la création de Cita Gestion à la demande du ministère des Finances français dans les années 80. Le projet a été soutenu par Jacques Delors [Ndlr, ministredes Finances entre 1981 et 1984]. A l'origine, il s'agissait de créer un joint-venture Etat français-Etat koweitien. Cette actionnaire koweitien joue pleinement son rôle.

Que pensez-vous des mesures gouvernementales d'incititation à la création d'entreprises ?
Malgré les efforts du gouvernement, tout ne peut pas être réglé par son intermédiaire. Nous nous droguons aux dispositifs fiscaux ponctuels comme les FCPI. Cela crée des coups d'accordéon sur le marché qui sont néfastes. La meilleure façon d'inciter au développement du capital-risque est l'investissement dans la recherche en amont. En France, nous devons faire face à un mécanisme défaillant du financement des start-ups par les grandes entreprises d'un côté et des marchés financiers de l'autre. La problématique du capital-risque ne repose pas sur l'offre de fonds car l'argent est là. Il manque en fait un chaînon dans la vie de l'entreprise : que deviennent les sociétés que nous n'avons pas vocation à porter éternellement ? Au bout de cinq ans maximum, les entreprises doivent trouver d'autres relais que nous. En France, les grands groupes sont très peu acheteurs de sociétés innovantes parce qu'ils ont leurs propres laboratoires intégrés. Côté marché, il manque un réel Nasdaq chez nous.

En tant qu'ancien PDG de C-MesCourses, observez-vous l'évolution du monde des cybermarchés ?
Je suis un client fréquent des cybermarchés, toutes enseignes confondues. Je suis un accro des courses en ligne. Je remarque que le paysage évolue peu car le business-model de ces sociétés est très difficile.

Vous avez débuté votre carrière à l'inspection des finances. Ce qui peut paraître décaler par rapport à votre intérêt pour les nouvelles technologies...
Auparavant, je suis passé par HEC. Ce qui m'intéresse le plus, c'est la création d'entreprises, pas forcément dans le domaine des nouvelles technologies. Honnêtement, je ne suis pas un expert high-tech.

Quelle est la dernière "application tueuse" qui vous a bluffé ?
Nous sommes en train de digérer les innovations qui sont apparues il y a trois-quatre ans. Le téléchargement de jeux vidéos et la musique en ligne sont des domaines intéressants à suivre.

Qu'aimez-vous sur Internet ?
Regarder les bandes annonces cinéma sur le service AlloCiné-Vision.com.

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Que détestez-vous sur Internet ?
Le spam. Mais je viens d'installer le spamm killer McAfee pour mon PC. Ca marche à 95 %.

AlloCiné : la vie après VU

Le 15 septembre dernier, AlloCiné a annoncé sa sortie du giron du groupe Vivendi Universal. Le service d'information multi-canal (Internet, téléphone, mobile...) a été repris par ses deux dirigeants directs, Bertrand Stephann et Grégoire Lassalle. Pour cette opération de management buy out (MBO) soutenue par Cita Gestion, une nouvelle holding a été créée, Financière AlloCiné ,qui reprend à son compte les sociétés AlloCiné.com et Cinestore.com, le site marchand de produits dérivés du cinéma. En 2002, AlloCiné et Cinestore, alors sous pavillon VU, ont réalisé chacun de leur côté un chiffre d'affaires de 7 millions d'euros. AlloCiné tire ses revenus en commercialisant des espaces publicitaires, des prestations de services (comme la création de sites cinéma) et de la billeterie en ligne (500 000 billets vendus par Internet et par téléphone l'année dernière). Malgré tout, le portail ciné n'était pas rentable : à fin 2002, il affichait un excédent brut d'exploitation négatif de 5,7 millions d'euros.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
Pour consulter le parcours de François Véron, consulter sa fiche carnet JDN.

   
 
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