INTERVIEW 
 
Pascal Viginier
Directeur
France Télécom R&D
Pascal Viginier
"Nous avons plusieurs centaines de projets, dont la moitié concerne le haut débit"
France Télécom R&D est la boîte à idées de l'opérateur français. Cette division, dotée d'un budget de 600 millions d'euros, planche aujourd'hui sur le mariage des télécoms et du monde de l'image. Les premiers services devraient être commercialisés avant la fin de l'année.
(22/03/2004)
 
JDN. Comment France Télécom R&D s'implique-t-il dans la stratégie haut débit ?
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France Télécom R&D

Pascal Viginier. Nous disposons de plusieurs centaines de projets au total. La moitié d'entre eux concerne le haut débit. Nous pouvons décomposer cette implication en plusieurs volets technologiques : la maîtrise des réseaux DSL, la montée en puissance du haut débit, les modes alternatifs d'accès Internet rapide, avec notamment le Wi-Fi et le satellite, et la téléphonie de troisième génération. Pour ce dernier volet technologique, nous travaillons avec Orange afin de préparer l'arrivée de la 3G. A côté de ces technologies, nous développons également des services innovants autour de l'image, comme l'album photos destinés aux portails de Wanadoo, MaLigne TV et des services de visio pour MaLigne.

Le pôle de R&D est-il toujours à la source des nouveaux services de France Télécom ?
Chaque année, un programme R&D est validé par le comité exécutif de France Télécom. Les équipes de R&D contribuent au lancement de plus de 70 % des services innovants de l'opérateur. En complément, nous avons également des relais pour le financement mais aussi le marketing et la distribution. J'estime que la R&D doit jouer un rôle moteur pour apporter la connaissance des technologies et déterminer leurs usages business.

Comment tirez-vous parti des technologies et services que vous développez ?
Naturellement, nous les exploitons en premier lieu pour notre propre compte. Mais nous vendons également nos technologies à d'autres opérateurs sous forme de brevets ou de licences. Par exemple, notre logiciel de visioconférence ou nos brevets relatifs aux "turbo codes", à la base de la communication de téléphonie 3G, sont commercialisés dans le monde entier. Nous avons actuellement plus de 6.500 brevets et nous en déposons 400 nouveaux chaque année [NDLR : un tableau de bord des brevets, réactualisé en permanence, est disponible sur la page d'accueil de FT R&D].

Quels sont les délais impartis pour qu'un projet de R&D aboutisse ?
Notre devise est "loin devant et proche de vous". Tout dépend en fait de la nature des projets : certains sont plus ancrés dans la recherche que dans le développement. Dans ce cas, ce sont des projets d'anticipation de trois à cinq ans qui préparent des briques technologiques pour bâtir de nouvelles plate-formes. Dans ce domaine, nous avons un taux de réussite de 50 %. Quant à la partie développement, son but est d'améliorer des offres existantes en implémentant de nouvelles briques qui touche les routeurs, les passerelles, les modems ou les terminaux. Sur cette partie, lorsque nous décidons de déployer des moyens, le lancement du produit est assuré à presque 100 %. Ces dernières années, nous avons d'ailleurs réduit considérablement les temps de développement. Les trois quart de nos projets sont développés en moins de dix mois. Nous gagnons du temps également en signant des partenariats industriels avec d'autres groupes high-tech, comme Nortel Networks ou Sagem.

Pouvez-vous citer un exemple de projet de R&D qui a débouché sur la commercialisation d'un service ?
Il y a par exemple le service de SMS sur une ligne fixe, dont la commercialisation a débuté en mai 2003. Nous sommes partis d'un postulat simple : les messages courts marchent sur les mobiles, alors pourquoi se priver de décliner cette offre sur le fixe ?

A l'inverse, un exemple de projet qui a capoté...
Je pense aux systèmes "soft switch", initiés il y a quatre ans et qui permettent de piloter des réseaux à partir de plate-formes dédiées. Ces développements ont été programmés trop tôt. Maintenant, ils renaissent avec des technologies nouvelles type IP Multimedia System (IMS).

Les web services attirent notre attention"

France Télécom R&D dispose-t-il de relais à l'étranger ?
Il y a six ans, nous avons ouvert notre premier bureau à l'étranger à San Francisco, compte tenu de l'effervescence dans la Silicon Valley à l'époque. Nous sommes également présents sur les zones de fortes innovations comme la côte Est américaine à Boston, ou en Asie, au Japon et en Chine. En Europe, nous avons des relais en Grande-Bretagne et en Pologne pour être au plus près de nos grands marchés. Ces relais ont pour mission d'effectuer une veille technologique sur les zones innovatrices et de détecter les partenariats industriels potentiels ou des compétences intéressantes. Actuellement, ce sont les web-services qui attirent notre attention. Cela bouge beaucoup dans ce domaine Outre-Atlantique.

En 2003, France Télécom a organisé une série de démonstrations de nouvelles applications dans le domaine de l'image. Cette opération était baptisée "An III des télécoms". De quoi s'agit-il au juste ?
Après l'an I, autour du transport de la voix, l'an II, autour du transfert des données, l'image arrive dans nos réseaux progressivement. C'est une nouvelle dimension que l'on apporte à la communication avec des images, des photos, de la visio... Dans la prochaine génération de terminaux fixes et mobiles associés aux réseaux haut débit, les utilisateurs pourront communiquer par l'image et par la vidéo. Sur ce programme, nous effectuons les dernières mises au point. France Télécom compte lancer de nouveaux produits dans le courant de l'année.

Toutes les technologies DSL ont leur place sur le marché"
Comment, à votre avis, les offres haut débit vont-elles évoluer ?
L'ensemble du spectre des technologies DSL trouvera sa place sur le marché (cf article JDN du 16/06/03). Les offres actuelles ADSL se situent entre 2 et 4 mégabits. Elles vont encore progresser avec les avancées technologiques dans le domaine du codage. Par exemple, au lieu d'amener deux chaînes de télévision en simultané à deux mégabits, on amènera quatre chaînes à trois mégabits. On peut également augmenter la couverture haut débit avec accès à la télévision ADSL sur des longues distances et dépasser ainsi les bassins urbains. Autre possibilité : développer des services autour des images haute définition, qui nécessitent un débit plus important.

France Télécom R&D élabore-t-il actuellement un terminal "triple play" dy type Freebox ?
Nous avons déjà un produit de ce type avec des modems Wi-Fi commercialisés par Wanadoo. Il est évident que ces produits évolueront pour intégrer de plus en plus de fonctions. Nous travaillons plutôt sur le principe du modem multi-play : disposer d'une série de services différents à partir d'une ligne téléphonique.

Comment appréhendez-vous le développement de la voix sur IP ?
Les technologies VoIP commencent à être mâtures. La voix sur IP fera partie de l'offre France Télécom. Nous disposons de backbones entièrement IP en Europe et dans le monde pour assurer le trafic voix IP, mais aussi d'autres services structurants comme la télévision ADSL.

La télévision sur ADSL, un projet enthousiasmant."
Restons sur la télévision ADSL : de quelle manière avez-vous contribué au projet MaLigne TV, en lien avec le projet TPS L du groupe TF1 ?
Nous avons participé à l'élaboration des set-up box et des plate-formes de services. Au cours de l'expérimentation, nous avons vérifié l'interfonctionnement et effectué une refonte de l'ingénierie réseaux, ce qui est un point fondamental. C'était un projet prioritaire de 2003 qui a demandé une attention particulière avec des temps d'exécution très serrés. Au final, cela reste un projet R&D enthousiasmant, nécessitant une intégration des compétences audiovisuelles et télécoms.

France Télécom R&D parvient-il à maîtriser l'environnement peer to peer ?
Nous essayons de comprendre et de déterminer les usages peer to peer. Les flux sont de plus en plus symétriques : les utilisateurs envoient autant de données qu'ils en reçoivent. Là aussi, il faut une refonte d'ingénierie réseaux pour optimiser ce type de services. Nous avons des projets en cours de développement dans ce sens. L'un des points déterminants consiste à protéger les oeuvres diffusées afin qu'elles ne soient pas piratées.

Soutenez-vous une politique intensive d'essaimage ?
Depuis quatre ans, nous suivons une quinzaine de start-ups créées par des anciens chercheurs de France Télécom. Pour le moment, politique de développement R&D oblige, nous encourageons nos chercheurs à rester dans le groupe. Mais la possibilité d'essaimage est ouverte au cas par cas.

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Recrutez-vous actuellement ?
Cette année, nous allons recruter 240 chercheurs, sans compter la centaine de nouveaux thésards que nous accueillons dans nos laboratoires pour une durée de trois ans. Au total, France Télécom R&D affiche un effectif de 3 700 chercheurs.
 
 
Propos recueillis par Philippe GUERRIER, JDN

PARCOURS
 
 
Pascal Viginier a fait l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole nationale supérieure des télécommunications.

1981 Responsable d'un département de développement et de maintenance de logiciels au sein du Service national d'informatique de France Télécom.

1986: Ingénieur Grands Comptes à la Direction des affaires commerciales et télématiques chez France Télécom.

1990 Directeur Régional à France Télécom pour les départements de l'Aude et des Pyrénées Orientales.

1994 Responsable du pilotage et de la cohérence du système d'information à la Direction du service d'information à France Télécom.

1998 Nommé à la direction de France Télécom R&D.

   
 
 
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