JDN.
Comment France Télécom R&D s'implique-t-il
dans la stratégie haut débit
?
Pascal Viginier. Nous disposons de plusieurs centaines
de projets au total. La moitié d'entre eux concerne
le haut débit. Nous pouvons décomposer cette
implication en plusieurs volets technologiques : la maîtrise des réseaux DSL, la montée
en puissance du haut débit, les modes
alternatifs d'accès Internet rapide, avec notamment le Wi-Fi et le satellite,
et la téléphonie de troisième génération. Pour ce dernier volet technologique, nous travaillons avec Orange
afin de préparer l'arrivée de la 3G. A côté
de ces technologies, nous développons également des services
innovants autour de l'image, comme l'album photos destinés
aux portails de Wanadoo, MaLigne TV et des services
de visio pour MaLigne.
Le pôle de R&D est-il toujours à
la source des nouveaux services de France Télécom ?
Chaque année, un programme R&D est validé
par le comité exécutif de France Télécom.
Les équipes de R&D contribuent au lancement
de plus de 70 % des services innovants de l'opérateur.
En complément, nous avons également des
relais pour le financement mais aussi le marketing et
la distribution. J'estime que la R&D doit jouer un rôle
moteur pour apporter la connaissance des technologies
et déterminer leurs usages business.
Comment
tirez-vous parti des technologies et services que vous développez
?
Naturellement, nous les exploitons en premier lieu pour
notre propre compte. Mais nous vendons également
nos technologies à d'autres opérateurs sous
forme de brevets ou de licences. Par exemple, notre logiciel
de visioconférence ou nos brevets relatifs aux
"turbo codes", à la base de la communication
de téléphonie 3G, sont commercialisés
dans le monde entier. Nous avons actuellement plus de
6.500 brevets et nous en déposons 400 nouveaux chaque
année [NDLR : un tableau de bord des brevets, réactualisé
en permanence, est disponible sur la page d'accueil de
FT R&D].
Quels sont les délais
impartis pour qu'un projet de R&D aboutisse ?
Notre devise est "loin devant et proche de vous".
Tout dépend en fait de la nature des projets : certains
sont plus ancrés dans la recherche que dans le
développement. Dans ce cas, ce sont des
projets d'anticipation de trois à cinq ans qui
préparent des briques technologiques pour bâtir
de nouvelles plate-formes. Dans ce domaine, nous avons un taux de réussite
de 50 %. Quant à la partie développement,
son but est d'améliorer des offres existantes en
implémentant de nouvelles briques qui touche les
routeurs, les passerelles, les modems ou les terminaux.
Sur cette partie, lorsque nous décidons de déployer
des moyens, le lancement du produit est assuré
à presque 100 %. Ces dernières années,
nous avons d'ailleurs réduit considérablement les temps
de développement. Les trois quart de nos projets
sont développés en moins de dix mois. Nous
gagnons du temps également en signant des partenariats
industriels avec d'autres groupes high-tech, comme Nortel
Networks ou Sagem.
Pouvez-vous citer un exemple de projet de R&D qui a débouché sur la commercialisation d'un service ?
Il y a par exemple le service de SMS sur une ligne
fixe, dont la commercialisation a débuté
en mai 2003. Nous sommes partis d'un postulat simple : les messages
courts marchent sur les mobiles, alors pourquoi se priver
de décliner cette offre sur le fixe ?
A l'inverse, un exemple de projet qui a
capoté...
Je pense aux systèmes "soft switch",
initiés il y a quatre ans et qui permettent de piloter
des réseaux à partir de plate-formes dédiées.
Ces développements ont été programmés
trop tôt. Maintenant, ils renaissent avec des technologies
nouvelles type IP Multimedia System (IMS).
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Les
web services attirent notre attention" |
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France Télécom R&D dispose-t-il de relais à l'étranger ?
Il y a six ans, nous avons ouvert notre premier bureau
à l'étranger à San Francisco, compte
tenu de l'effervescence dans la Silicon Valley à
l'époque. Nous sommes également présents
sur les zones de fortes innovations comme la côte
Est américaine à Boston, ou en Asie, au Japon et en Chine. En Europe,
nous avons des relais en Grande-Bretagne et en Pologne
pour être au plus près de nos grands marchés. Ces relais
ont pour mission d'effectuer une veille technologique
sur les zones innovatrices et de détecter
les partenariats industriels potentiels ou des compétences
intéressantes. Actuellement, ce sont les web-services
qui attirent notre attention. Cela bouge beaucoup dans
ce domaine Outre-Atlantique.
En 2003, France Télécom a organisé une série de démonstrations de nouvelles applications dans le domaine de l'image. Cette opération était baptisée "An III des télécoms". De quoi s'agit-il au juste ?
Après l'an I, autour du transport
de la voix, l'an II, autour du transfert des données,
l'image arrive dans nos réseaux progressivement.
C'est une nouvelle dimension que l'on apporte à
la communication avec des images, des photos, de la visio... Dans
la prochaine génération de terminaux fixes
et mobiles associés aux réseaux haut débit,
les utilisateurs pourront communiquer par l'image et par la
vidéo. Sur ce programme, nous effectuons les dernières mises
au point. France Télécom compte lancer de
nouveaux produits dans le courant
de l'année.
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Toutes
les technologies DSL ont leur place sur le
marché" |
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Comment, à votre avis, les offres haut débit vont-elles évoluer
?
L'ensemble du spectre des technologies DSL trouvera sa
place sur le marché (cf article
JDN du 16/06/03). Les offres actuelles ADSL se situent
entre 2 et 4 mégabits. Elles vont encore progresser
avec les avancées technologiques dans le domaine
du codage. Par exemple, au lieu d'amener deux chaînes
de télévision en simultané à
deux mégabits, on amènera quatre chaînes
à trois mégabits. On peut également
augmenter la couverture haut débit avec accès
à la télévision ADSL sur des longues
distances et dépasser ainsi les bassins urbains. Autre possibilité
: développer des services autour des images haute
définition, qui nécessitent un débit
plus important.
France Télécom
R&D élabore-t-il actuellement un terminal "triple
play" dy type Freebox ?
Nous avons déjà un produit de ce type avec
des modems Wi-Fi commercialisés par Wanadoo. Il
est évident que ces produits évolueront
pour intégrer de plus en plus de fonctions. Nous
travaillons plutôt sur le principe du modem multi-play : disposer
d'une série de services différents à
partir d'une ligne téléphonique.
Comment appréhendez-vous
le développement de la voix sur IP ?
Les technologies VoIP commencent à être mâtures.
La voix sur IP fera partie de l'offre France Télécom.
Nous disposons de backbones entièrement IP en
Europe et dans le monde pour assurer le trafic voix IP, mais
aussi d'autres services structurants comme la télévision
ADSL.
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La
télévision sur ADSL, un projet
enthousiasmant." |
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Restons sur la télévision ADSL : de quelle
manière avez-vous contribué au projet MaLigne
TV, en lien avec le projet TPS L du groupe TF1 ?
Nous avons participé à l'élaboration
des set-up box et des plate-formes de services. Au cours
de l'expérimentation, nous avons vérifié
l'interfonctionnement et effectué une refonte de
l'ingénierie réseaux, ce qui est un point
fondamental. C'était un projet prioritaire de 2003
qui a demandé une attention particulière
avec des temps d'exécution très serrés.
Au final, cela reste un projet R&D enthousiasmant,
nécessitant une intégration des compétences
audiovisuelles et télécoms.
France Télécom
R&D parvient-il à maîtriser l'environnement
peer to peer ?
Nous essayons de comprendre et de déterminer les
usages peer to peer. Les flux sont de plus en plus symétriques
: les utilisateurs envoient autant de données qu'ils en reçoivent. Là aussi, il faut
une refonte d'ingénierie réseaux pour optimiser
ce type de services. Nous avons des projets en cours de
développement dans ce sens. L'un des points déterminants
consiste à protéger les oeuvres diffusées
afin qu'elles ne soient pas piratées.
Soutenez-vous une politique
intensive d'essaimage ?
Depuis quatre ans, nous suivons une quinzaine de start-ups
créées par des anciens chercheurs de France
Télécom. Pour le moment, politique de développement
R&D oblige, nous encourageons nos chercheurs à
rester dans le groupe. Mais la possibilité d'essaimage est
ouverte au cas par cas.
Recrutez-vous actuellement
?
Cette année, nous allons recruter 240 chercheurs,
sans compter la centaine de nouveaux thésards que
nous accueillons dans nos laboratoires pour une durée
de trois ans. Au total, France Télécom R&D
affiche un effectif de 3 700 chercheurs.
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