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Mathieu Weill
Directeur général
Afnic
Mathieu Weill
"Le .fr est le moteur du développement de l'Internet en France"
Deux mois après sa prise de fonction, le nouveau directeur général de l'Afnic livre sa vision du nommage. Et annonce l'ouverture du .fr aux personnes physiques courant 2006. Les données des particuliers seront protégées.
(08/09/2005)
 
JDN. Vous avez pris vos fonctions à la tête de l'Afnic il y a maintenant deux mois. Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de l'association de nommage ?
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 Afnic
Mathieu Weill. Auparavant, je travaillais au ministère de l'industrie, dans le secteur des télécommunications et d'Internet. J'étais chargé de soutien à l'innovation puis de l'aspect réglementation des ressources rares dans les télécoms, comme les fréquences. Ceci comportait aussi un aspect nommage. J'ai donc été amené à représenter le ministère au sein de l'Afnic. Cette association m'a toujours intéressé. Elle est au croisement du secteur public, du privé et de la société civile. Elle possède un fort pouvoir décisionnel, mais décide toujours dans la concertation.

Quelles sont vos ambitions pour l'Afnic ?
Tout d'abord, je souhaite développer l'ouverture sur l'ensemble des parties prenantes de l'Internet, notamment la société civile. Ensuite, il faut évidemment développer le registre, l'utilisation du .fr. L'extension, c'est un peu le moteur du développement de l'Internet en France. Si les enregistrements en .fr sont aujourd'hui inférieurs à ce qui se passe ailleurs, c'est sans doute le signe que nos entreprises sont un peu en retrait par rapport à Internet. Développer le registre, c'est développer la société de l'information. Il faut continuer à être performant et précurseur.

La libéralisation du .fr est effective depuis mai 2004. Quel premier bilan peut-on en tirer ?
Nous en sommes aujourd'hui à un peu moins de 400.000 noms de domaines réservés en .fr, alors qu'en mai 2004, nous en étions à 160.000. Le succès est au-delà de nos attentes. Il y a eu un rush lors de l'ouverture, mais la pente s'est ensuite maintenue. Il ne s'agissait donc pas seulement d'un big bang, mais cela représentait bien de nouvelles opportunités d'accès à Internet.

Les litiges ont également augmenté. Vous attendiez-vous à cette recrudescence ?
Nous nous attendions forcément à être confrontés à ces situations. Pas forcément sous la forme qu'elles ont prises, mais nous avions mis en place des outils pour les régler, qui ont d'ailleurs prouvé leur efficacité. Au final, le nombre de cas est tout de même limité. De plus, cela nous a permis de réaffirmer les principes de la Charte de nommage. Aujourd'hui, personne ne peut dire "je peux faire des profits massifs sur le dos d'une entreprise ou d'une collectivité grâce au .fr ".

Où en est l'affaire du blocage des noms réservés par la société KLTE Limited et suspectés de typosquatting ? (lire l'article du 11/07/05)
Ces noms ont été bloqués fin juillet. Tous les ayants droit s'estimant lésés par la réservation de ces noms peuvent écrire à KLTE Limited ou porter l'affaire devant l'Ompi. Pour notre part, nous continuons à relayer l'information, afin que tout le monde ait connaissance de l'affaire et puisse porter réclamation si besoin. Les demandes de transfert sont effectuées. Dans trois mois, nous ferons un point de la situation et nous prendrons une nouvelle décision.

Et qu'en est-il de l'affaire opposant l'Afnic à Laurent Nunenthal, représentant du registrar Euro DNS ? (lire l'article du 16/12/2004)
Ce qui fonde l'Afnic à réagir, c'est le nombre de plaintes reçues."
Sur cette affaire, c'est la justice qui nous a donné raison en référé. Depuis, nous débloquons les noms concernés si nous ne recevons pas de plainte. Mais tous les jours, nous continuons à en recevoir de la part des ayants droit. L'affaire sera jugée sur le fond prochainement. Ce qu'il faut retenir, c'est que ce sont là les deux seuls litiges importants que nous ayons pu constater. Il faut aussi savoir que ce qui fonde l'Afnic à réagir, c'est le nombre de plaintes reçues. Si de nombreuses personnes nous alertent sur des réservations massives, alors nous agissons.

Le changement de règle sur la protection des noms de communes [les communes ont désormais priorité pour réserver leur nom selon l'orthographe officielle] pourrait-il faire jurisprudence ?
Les communes souhaitaient être rassurées. C'est fait. Elles peuvent de nouveau enregistrer leurs noms de domaines en toute sérénité et développer leur présence sur le Web. Nous considérons que le problème est réglé. Mais le cas n'a pas vocation à faire jurisprudence. Peu d'organismes peuvent se targuer d'avoir la légitimité des communes. Et le processus qu'elles ont engagé est assez lourd. Je ne pense pas que cela se reproduise et il n'est d'ailleurs pas souhaitable que cela se multiplie.

L'ouverture du .fr aux personnes physiques n'est toujours pas d'actualité. Quand le sera-t-elle ?
Le .fr sera ouvert au public
mi 2006."
Nous avons lancé un débat avec nos différents partenaires, bureaux d'enregistrement et particuliers, notamment, car nous ne pouvons pas décider de cela seuls, nous dépendons aussi de nos partenaires. L'objectif est fixé à courant 2006. Peut-être au deuxième ou troisième trimestre. Il nous faut trouver une date consensuelle et discuter des modalités d'application.

Pourquoi avoir repoussé plusieurs fois la date de l'ouverture aux personnes physiques ?
Nous avons ouvert le .fr aux personnes morales en mai 2004. Cela représentait déjà un gros travail et une importante évolution. En termes de lisibilité, cela aurait été difficile d'organiser l'ouverture aux particuliers dans la foulée. Il y a beaucoup de détails à régler dans les modalités et donc nous préférons prendre notre temps. C'est un facteur de réussite pour la suite. Il faut savoir qu'une fois lancés, nous ne pouvons plus revenir en arrière. Enfin, il faudra aussi organiser un important plan de communication pour réussir ce lancement, cela nécessite un peu de préparation.

Un potentiel de 750.000 à 1 million de noms pour les particuliers."
Quelles conséquences l'ouverture aux particuliers pourrait avoir sur le .fr ?
À terme, nous estimons qu'il existe un potentiel de 750.000 à un millions de noms qui pourraient être réservés par les personnes physiques. Cela porterait le total des .fr à un chiffre compris entre 1 million et 1,5 million de noms. Ceci à données constantes, sans prendre en compte, par exemple, l'explosion des blogs, qui pourrait doper les réservations par les particuliers. On constate d'ailleurs que le blog est l'un des éléments qui forgent la demande de .fr en ce moment.

Sera-ce suffisant pour combler le retard du .fr ?
Difficile à dire. Globalement, le nombre de noms déposés en France est largement inférieur à ce qui se pratique ailleurs, que ce soit en .com, en .org ou en .fr. Il est donc réducteur de se focaliser uniquement sur les faiblesses du .fr. Sur toutes les extensions, on compte environ 1,7 million de noms déposés en France. C'est largement inférieur aux 9 millions réservés en .de en Allemagne, par exemple. Notre ouverture relativement tardive a sans doute pesé sur le développement, mais il faut bien avouer que la culture de la présence sur Internet est inférieure en France à ce qu'elle est en Allemagne. De toute façon, nous ne visons pas que le volume, il faut prendre en compte d'autres paramètres, comme la qualité ou le rapport entre le nombre de noms de domaines et celui des sites actifs.

Les prix de gros sont les mêmes en France qu'ailleurs"
L'ouverture du .fr aux particuliers aura-t-elle des conséquences sur les prix ?
Cela ne dépend pas que de nous. Nous ne maîtrisons que les prix de gros, nous vendons en gros des noms aux bureaux d'enregistrement. Le prix final pour l'utilisateur dépend donc aussi des politiques commerciales des registrars. Par le passé, le prix a pu, en effet, être plus élevé en France. Aujourd'hui, c'est fini : les prix de gros sont sensiblement les mêmes en France qu'ailleurs, parfois moins élevés. Bien sûr, nous surveillons les prix mais, dans ce domaine, nous ne sommes pas contraignants. La tendance à la baisse devrait néanmoins s'accentuer : les prix de gros baissent et les procédures se simplifient pour les bureaux d'enregistrement.

Vous avez commencé à discuter des modalités de l'ouverture du .fr aux personnes physiques. Elles seront sujettes à débat dans les mois à venir. Mais y a-t-il des principes sur lesquels vous serez intangibles ?
Oui, nous avons défini quelques principes de base, du point de vue de l'utilisateur. Tout d'abord, il doit y avoir liberté de choix dans le ou les noms. Il n'y aura aucune restriction dans le nombre de noms que l'on pourra réserver. Ensuite, il faudra que le nom puisse être activé rapidement. Nous souhaiterions que cela se fasse dans une fourchette de 24 à 48 heures. Le parcours devra aussi être simple, l'utilisateur ne devra pas présenter "cinquante justificatifs de domicile" pour pouvoir réserver son nom. Point important : nous insisterons sur la responsabilité du particulier. Enregistrer un nom de domaine, c'est prendre une responsabilité. Il faut savoir que potentiellement on peut enfreindre les droits d'autrui. L'utilisateur doit en être conscient, il faut donc mettre en valeur cette notion.

Le point le plus sensible est la protection des données. Vers quel modèle s'oriente-t-on ? L'utilisateur devra-t-il, comme lors de la réservation d'un nom en .com, publier toutes ses coordonnés personnelles, mail, numéro de téléphone et adresse postale ?
Le .fr protègera les particuliers."
Il s'agit en effet de la plus grosse difficulté. Il faut trouver un juste équilibre. Il faut bien sûr protéger les données des particuliers, pour lutter contre le spam et respecter la vie privée. Dans le même temps, il faut que le Whois [base de données qui permet de contacter le dépositaire d'un nom de domaine, ndlr] conserve son caractère pratique pour les professionnels, notamment pour les bureaux d'enregistrement. Le défi est de trouver un compromis original. Pourquoi pas une forme de liste rouge, où nous garderions un formulaire de contact qui passerait par le bureau d'enregistrement, par exemple ? Quoi qu'il en soit, le .fr protègera le particulier, contrairement à d'autres registres, qui n'assurent aucune protection. Je pense même que ce sera un argument de taille pour développer le .fr.

Ne craignez-vous pas que l'arrivée du .eu, l'extension européenne, ne ruine les efforts pour le développement du .fr ?
Au contraire, nous nous réjouissons de l'arrivée du .eu. Nous faisions d'ailleurs partie d'un consortium qui s'était porté candidat à la gestion du .eu. Nous n'avons pas été choisis, mais nous connaissons parfaitement Eurid, l'organisme qui gère l'extension, ce sont des collègues. Je suis persuadé de la complémentarité entre le .fr et le .eu. Choisir le .eu, c'est montrer son appartenance à l'Union Européenne, faire savoir que son entreprise est active en Europe. Le .fr, c'est le signe du territoire français. Les deux ne sont pas incompatibles, loin de là ! Et nous ne nous opposerons jamais à des initiatives de rapprochement, comme des packs incluant un .eu et un .fr. Enfin, cela va entretenir l'actualité des noms de domaines pour un certain moment.
 
 
Propos recueillis par Nicolas RAULINE, JDN

PARCOURS
 
 
Mathieu Weill, 30 ans, est directeur général de l'Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération), poste qu'il occupe depuis le 1er juillet dernier.
Il a débuté sa carrière en 1999 en tant que chargé de mission dans la cellule interministérielle "an 2000" du secrétariat général de la Défense nationale. L'année suivante, il rejoint le Ministère de l'Industrie, au sein du service des technologies et de la société de l'information de la Digitip.
En janvier 2003, il devient chef du bureau de la prospective et des études économiques du STSI - Minefi, où il participe à l'élaboration de la réglementation nationale sur les fréquences radioélectriques. À ce titre, il devient également membre du conseil d'administration de l'Afnic.

Et aussi Mathieu Weill est diplômé de l'Ecole Polytechnique (promotion 1994) et de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications (1999).

  
 
 
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