INTERVIEW
 
Directeur Général
France Télévision Interactive
Edmond Zucchelli
Titre
Alors que les grandes chaînes de télévision privées ont développé leur présence sur Internet de manière massive (TF1, M6, Canal Plus) au cours de l'année 2000, France Télévision a préféré rester en retrait de la bataille de l'information et du divertissement en ligne. Prochainement, le groupe audiovisuel public, par le biais de sa structure France Télévision Interactive (FTVI) créée en février 2000, va dévoiler son approche de convergence des médias. Les premières réalisations sont attendues en juin, avec les nouvelles versions des sites des chaînes France 2 et France 3.
Jeudi 26 avril 2001
 
          

JDNet. Vous avez pris vos fonctions de directeur général de FTVI en février 2000. Quelles sont les projets en cours ?
Edmond Zucchelli. Les chantiers que nous avons lancés dépendent beaucoup du domaine informatique. Dans un premier temps, nous allons ouvrir les deux nouveaux sites France2.fr et France3.fr d'ici la fin du printemps. Notre ambition va bien sûr au-delà. Depuis un an, nous avons réussi à rassembler diverses équipes de France Télévision, à les organiser dans le cadre d'une structure commune destinée à générer de l'interactivité dans tout le groupe (audiotel, Minitel, Internet). Mais la véritable vision stratégique de FTVI est d'être un laboration de recherche et développement en télévision interactive. Vers 2005 commenceront à apparaître des formats de télévision non plus diffusés mais distribués avec, pour certains d'entre eux, la caractéristique d'être interactifs. FTVI
sera chargé de répondre à ces défis technologiques. Nous nous comportons parfois comme une web-agency interne, un pôle de développement, avec le réseau numérique hertzien, un producteur ou un diffuseur de contenu interactif.

Quelle organisation interne avez-vous adoptée ?

FTVI est organisée comme un média, qui inclue une rédaction d'information générale et sports, dirigée par David Botbol, un pôle programmes, une division technique qui intervient en support auprès des éditeurs du groupe, une responsable des partenariats, et la direction des régions, dont le métier est de porter tout ce nous avons développé au contact des directions régionales. FTVI dispose aujourd'hui d'une équipe de 50 personnes.

Sur quels chantiers avez-vous concentré votre attention ?
En septembre 2000, nous avons entamé une réflexion de façon à créer une plate-forme multimédia et multi-réseaux. Tous les éditeurs du groupe France Télévision vont exploiter du contenu numérique (images fixes ou animés, texte, liens hypertextes, etc.), qui s'exprimera sur de multiples formes d'écrans. L'éditeur du XXIème siècle doit apprendre à s'adresser à plusieurs formes d'écran à des degrés de maturité différents. Nous avons passé les derniers mois à consulter les différents éditeurs de France Télévision, à formaliser un cahier des charges et à convenir avec chaque éditeur de ce qu'il voulait faire sur les différents écrans. Nous nous sommes également concentrés sur la gestion du volume de bande passante, lorsque l'on passe du bas en haut débit.

Comment résumeriez-vous la fonction de cette plate-forme technique ?
En me mettant à la place d'un éditeur, je dirais que l'objectif est d'adresser du contenu aux divers publics sur toutes formes d'écrans interactifs. Prenons la problématique de l'information : après avoir été traitée par le journaliste, une partie du contenu sera exportéz dans le flux de diffusion hertzienne analogique relié à l'outil Télétexte et une autre pourra être diffusée sur les serveur Web de France2 et France3.fr. Si nous le décidons demain, nous pourrons diffuser une partie de ce contenu sous forme d'applications de télévision interactive. Encore une fois, ce sera à partir de cette plate-forme technique que nous extirperons le contenu nécessaire pour une exploitation dans ce sens.

Vous pourriez travailler avec Jean-Marie Messier, PDG du groupe Vivendi-Universal, sur le thème de la convergence des médias....
(rire) Il est vrai que je m'associe pleinement à la vision de Jean-Marie Messier...

Avec quels prestataires travaillez-vous ?
Pour toute la problématique "work flow" [gestion du travail éditorial, NDLR], nous travaillons avec Dalet et sa solution Team News. Pour la partie gestion des contenus pour un affichage sur le Web, nous avons fait appel à Lab Production. C'est une des rares web-agencies françaises à travailler aux Etats-Unis pour faire de la télévision interactive.

De quel budget disposez-vous pour FTVI ?
Nous avons 65 millions de francs pour l'année 2000.

Quelles seront les nouveautés des sites France2 et France3.fr ?
Les deux sites n'ont pas été réaménagés depuis plus de trois ans. Au cours de l'année 2000, nous avons doublé l'audience des sites en mettant en oeuvre une politique de contenu plus agressive sur les "news" mais aussi sur le sport (*). Nous avons également développé des contenus interactifs qui prolongent les programmes diffusés sur les antennes. Maintenant, nous allons également lier des accords avec des organisateurs d'évènements sportifs dont les antennes ont acquis les droits de retransmission télévisée. C'est le cas avec Amaury Sport Organisation afin de co-produire le site événementiel du Tour de France 2001. Dans la nouvelle organisation Internet de France Télévision, il y a vraiment deux manières de consulter les sites et cela se verra déjà au niveau des chartes graphiques. Dès la page d'accueil des sites, des zones indiqueront si l'on s'adresse aux téléspectateurs des chaînes de télévision d'une part ou, d'autre part, aux internautes plus généralement. Il y a donc une logique de spécification des chaînes et une approche plus commune pour l'ensemble de la galaxie France Télévision.

Comment l'information va être traitée ?
Il ne faut perdre de vue que FTVI a été constituée à partir du regroupement de différentes équipes éditoriales qui géraient séparement les sites France2 et France3.fr. Ce n'est pas une rédaction "ter". Les journalistes de FTVI mettent en forme du contenu. Ce sont plus des présentateurs multimédia d'information. Nous nous concentrons également sur la formation des journalistes. C'est quelque chose que l'on
sous-estime trop fréquemment. Il faut former les hommes dans des logiques nouvelles. On a engagé un plan de formation important depuis plusieurs semaines et qui va se prolonger tout au long de l'année à Paris mais aussi en régions pour une meilleure utlisation de nos outils. Parmi nos projets, nous voulons développer des portails régionaux. Chaque direction régionale, treize en tout, disposera d'un portail.

Vous comptez développer des sites liés à des émissions phares de France Télévision ?
On ne peut pas monter des projets Internet sans l'accord des sociétés de production au préalable. Des animateurs comme Thierry Ardisson avec l'émission hebdomadaire "Tout le monde en parle" int très bien compris l'usage qu'il pouvait faire du Net. Toutefois, dans la plupart des cas, nous en sommes à un stades de discussions.

La priorité budgétaire accordée au projet numérique hertzien n'a pas perturbé vos projets de développement ?
Ce projet de réseau numérique hertzien est plus vaste et nécessite des moyens de développement très importants de plusieurs centaines de millions de francs. FTVI reste une petite structure dans le groupe France Télévision, mais nous sommes dans l'épicentre des bouleversements technologiques.

Dans votre recherche de partenariats, Marc Tessier a suggéré que Wanadoo serait bien placé. Vous confirmez ?
Nous avons des discussions avec tous ceux qui peuvent être considérés comme des partenaires potentiels pour FTVI. Wanadoo en fait partie. Nous discutons toujours sous une condition : que ces partenaires nous permettent de nous renforcer dans nos métiers d'éditeurs. Pour l'instant, aucune de ces discussions n'a donné lieu à un accord.

Vous avez l'intention de lancer une offre d'accès Internet haut débit ?
Nous n'avons pas l'intention de devenir FAI. Selon les dernières études [NetValue notamment, NDLR], environ 7% des internautes en France disposent d'un accès Internet haut débit. Mon rôle d'éditeur est de leur apporter du contenu qui les intéresse. Même si pour le moment, nous n'avons pas prévu de lancer un portail haut débit.

Pourquoi les noms de domaine France2.com et France3.com ont échappé à France Télévision ?
Dès mon arrivée dans le groupe, j'ai voulu savoir si les noms de domaine avaient été sécurisés. Les services juridiques de France Télévision étaient déjà sur le coup. Lors de la création des sites de France 2 et France 3 en 1995, les noms de domaine en .com avaient déjà été déposés par un tiers dans un pays étranger. Nous avons essayé de les récupérer par le biais d'une procédure à l'amiable. Nous étions plutôt sereins car ces noms de domaine n'étaient pas exploités. Donc, il n'y avait pas de préjudice pour nous. Or, il semblerait que le dépositaire a cédé récemment ses deux noms de domaine à un exploitant d'un site à caractère pornographique en Corée du Sud. Il y a un vrai trafic de noms de domaine prestigieux au niveau mondial, potentiellement exploitables en terme de publicité frauduleuse. Mais nous ne sommes pas les seuls à qui les noms de domaine échappent. Regardez les cas de Télérama.com, M6.com ou CanalPlus.com.

Comment avez-vous réagi ?
Dès l'ouverture des sites avec des photos pornographiques, nous avons envoyé une lettre en recommandé à l'exploitant sud-coréen. Nous avons lancé une procédure en référé au Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Premier signe encourageant : les photos ont déjà été retirées. Nous sommes en contact avec l'exploitant du site et le "registrar" coréen qui a signé la charte de l'Icann [l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, NDLR] et qui devrait faire cesser le préjudice très vite. Parallèlement, nous avons lancé une action plus globale à l'OMPI [Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle à Genève qui dispose d'un Centre d’arbitrage et de médiation pour les litiges autour des noms de domaine, NDLR] afin de récupérer tous les noms de domaine liés à nos marques. Je vous fais remarquer que nous avons déjà fait place nette pour les noms de domaine en ".tv". [à noter que FranceTelevision.com sans accent ou FTVI.com échappent également au groupe audiovisuel, NDLR]

Quelles sont actuellement vos sources de revenus sur Internet ?

Essentiellement la publicité en ligne et les partenariats signés. La gestion des espaces publicitaires sur Internet est gérée par notre régie en ligne, Web Sat Pub, le service spécialisé de France Télévision Publicité. [Edmond Zucchelli n'a pas souhaité communiquer le chiffre d'affaires généré par la publicité en ligne car la période d'exploitation de FTVI - 8 mois - est trop courte et donc peu "pertinent", NDLR].

Comptez-vous ouvrir des services payants sur les sites de FTVI ?
Non. Ce serait une décision difficile à expliquer à nos visiteurs et téléspectateurs.

La différence fondamentale entre vous et TF1.fr, ce sont les moyens financiers engagés ?
Non, ce n'est pas une différence essentielle. Mais la sobriété de FTVI nous a permis d'éviter l'écueil du développement à tout va, comme cela a été observé l'année dernière. D'un point de vue stratégie Internet, j'ai l'impression que TF1.fr et FTVI ont la même approche du marché avec notamment la forte utilisation de la vidéo en ligne.

Quel est votre site d'information favori ?
EuropeInfos.com

Quels services en ligne regardez-vous pour vos loisirs ?
J'ai du mal à répondre à cette question car j'ai actuellement peu de temps pour me consacrer à Internet en dehors de mes activités professionnelles. Mais j'ai vu beaucoup des services en ligne depuis mes début sur Internet. En 1992, j'utilisais à l'époque Gopher [ressource d'Internet fonctionnant sur le mode client-serveur. Sa représentation est une arborescence de menus contenant des articles de différente nature, NDLR].

Qu'aimez-vous sur Internet ?
Sa façon de réduire le temps et les distances.

Qu'est-ce qui vous irrite sur Internet ?
Je voudrais que les gens comprennent que le maître-mot, c'est l'interactivité. Et non l'Internet, qui n'est finalement q'un protocole.

(*) Actuellement , les audiences des sites France2.fr et France3.fr se situent respectivement à 1,6 millions et 650.000 visites par mois (source Médiamétrie). LaCinquieme.fr enregistre 150.000 visites par mois.

 
Propos recueillis par Philippe Guerrier

PARCOURS
 
 
Edmond Zucchelli, 41 ans, diplômé de l'IEP d'Aix-en-Provence et de l'ESJ Paris, a été rédacteur-en-chef d'Europe 1 entre 1985 et 1998. Il devient ensuite directeur éditorial de Grolier Interactive Europe. En février 2000, il prend les fonctions de France Télévision Interactive dès sa création.

   
 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International