JDNet. Vous avez
pris vos fonctions de directeur général
de FTVI en février 2000. Quelles sont les projets
en cours ?
Edmond Zucchelli. Les chantiers que nous
avons lancés dépendent beaucoup du domaine
informatique. Dans un premier temps, nous allons ouvrir
les deux nouveaux sites France2.fr et France3.fr d'ici
la fin du printemps. Notre ambition va bien sûr
au-delà. Depuis un an, nous avons réussi
à rassembler diverses équipes de France
Télévision, à les organiser dans
le cadre d'une structure commune destinée à
générer de l'interactivité dans
tout le groupe (audiotel, Minitel, Internet). Mais la
véritable vision stratégique de FTVI est
d'être un laboration de recherche et développement
en télévision interactive. Vers 2005 commenceront
à apparaître des formats de télévision
non plus diffusés mais distribués avec,
pour certains d'entre eux, la caractéristique
d'être interactifs. FTVI
sera chargé de répondre à ces défis
technologiques. Nous nous comportons parfois comme une
web-agency interne, un pôle de développement,
avec le réseau numérique hertzien, un
producteur ou un diffuseur de contenu interactif.
Quelle organisation
interne avez-vous adoptée ?
FTVI est organisée comme un média, qui
inclue une rédaction d'information générale
et sports, dirigée par David Botbol, un pôle
programmes, une division technique qui intervient en
support auprès des éditeurs du groupe,
une responsable des partenariats, et la direction des
régions, dont le métier est de porter
tout ce nous avons développé au contact
des directions régionales. FTVI dispose aujourd'hui
d'une équipe de 50 personnes.
Sur quels chantiers avez-vous
concentré votre attention ?
En septembre 2000, nous avons entamé une réflexion
de façon à créer une plate-forme
multimédia et multi-réseaux. Tous les
éditeurs du groupe France Télévision
vont exploiter du contenu numérique (images fixes
ou animés, texte, liens hypertextes, etc.), qui
s'exprimera sur de multiples formes d'écrans.
L'éditeur du XXIème siècle doit
apprendre à s'adresser à plusieurs formes
d'écran à des degrés de maturité
différents. Nous avons passé les derniers
mois à consulter les différents éditeurs
de France Télévision, à formaliser
un cahier des charges et à convenir avec chaque
éditeur de ce qu'il voulait faire sur les différents
écrans. Nous nous sommes également concentrés
sur la gestion du volume de bande passante, lorsque
l'on passe du bas en haut débit.
Comment résumeriez-vous
la fonction de cette plate-forme technique ?
En me mettant à la place d'un éditeur,
je dirais que l'objectif est d'adresser du contenu aux
divers publics sur toutes formes d'écrans interactifs.
Prenons la problématique de l'information :
après avoir été traitée
par le journaliste, une partie du contenu sera exportéz
dans le flux de diffusion hertzienne analogique relié
à l'outil Télétexte et une autre
pourra être diffusée sur les serveur Web
de France2 et France3.fr. Si nous le décidons
demain, nous pourrons diffuser une partie de ce contenu
sous forme d'applications de télévision
interactive. Encore une fois, ce sera à partir
de cette plate-forme technique que nous extirperons
le contenu nécessaire pour une exploitation dans
ce sens.
Vous pourriez travailler avec
Jean-Marie Messier, PDG du groupe Vivendi-Universal,
sur le thème de la convergence des médias....
(rire) Il est vrai que je m'associe pleinement à
la vision de Jean-Marie Messier...
Avec quels prestataires travaillez-vous
?
Pour toute la problématique "work flow"
[gestion du travail éditorial, NDLR],
nous travaillons avec Dalet
et sa solution Team News. Pour la partie gestion des
contenus pour un affichage sur le Web, nous avons fait
appel à Lab
Production. C'est une des rares web-agencies françaises
à travailler aux Etats-Unis pour faire de la
télévision interactive.
De quel budget disposez-vous
pour FTVI ?
Nous avons 65 millions de francs pour l'année
2000.
Quelles seront les nouveautés
des sites France2 et France3.fr ?
Les deux sites n'ont pas été réaménagés
depuis plus de trois ans. Au cours de l'année
2000, nous avons doublé l'audience des sites
en mettant en oeuvre une politique de contenu plus agressive
sur les "news" mais aussi sur le sport (*).
Nous avons également développé
des contenus interactifs qui prolongent les programmes
diffusés sur les antennes. Maintenant, nous allons
également lier des accords avec des organisateurs
d'évènements sportifs dont les antennes
ont acquis les droits de retransmission télévisée.
C'est le cas avec Amaury Sport Organisation afin de
co-produire le site événementiel du Tour
de France 2001. Dans la nouvelle organisation
Internet de France Télévision, il y a
vraiment deux manières de consulter les sites
et cela se verra déjà au niveau des chartes
graphiques. Dès la page d'accueil des sites,
des zones indiqueront si l'on s'adresse aux téléspectateurs
des chaînes de télévision d'une
part ou, d'autre part, aux internautes plus généralement.
Il y a donc une logique de spécification des
chaînes et une approche plus commune pour l'ensemble
de la galaxie France Télévision.
Comment l'information va être
traitée ?
Il ne faut perdre de vue que FTVI a été
constituée à partir du regroupement de
différentes équipes éditoriales
qui géraient séparement les sites France2
et France3.fr. Ce n'est pas une rédaction "ter".
Les journalistes de FTVI mettent en forme du contenu.
Ce sont plus des présentateurs multimédia
d'information. Nous nous concentrons également
sur la formation des journalistes. C'est quelque chose
que l'on
sous-estime trop fréquemment. Il faut former
les hommes dans des logiques nouvelles. On a engagé
un plan de formation important depuis plusieurs semaines
et qui va se prolonger tout au long de l'année
à Paris mais aussi en régions pour une
meilleure utlisation de nos outils. Parmi nos projets,
nous voulons développer des portails régionaux.
Chaque direction régionale, treize en tout, disposera
d'un portail.
Vous comptez développer
des sites liés à des émissions
phares de France Télévision ?
On ne peut pas monter des projets Internet sans l'accord
des sociétés de production au préalable.
Des animateurs comme Thierry Ardisson avec l'émission
hebdomadaire "Tout le monde en parle" int
très bien compris l'usage qu'il pouvait faire
du Net. Toutefois, dans la plupart des cas, nous en
sommes à un stades de discussions.
La priorité budgétaire
accordée au projet numérique hertzien
n'a pas perturbé vos projets de développement
?
Ce projet de réseau numérique hertzien
est plus vaste et nécessite des moyens de développement
très importants de plusieurs centaines de millions
de francs. FTVI reste une petite structure dans le groupe
France Télévision, mais nous sommes dans
l'épicentre des bouleversements technologiques.
Dans votre recherche de partenariats,
Marc Tessier a suggéré que Wanadoo serait
bien placé. Vous confirmez ?
Nous avons des discussions avec tous ceux qui peuvent
être considérés comme des partenaires
potentiels pour FTVI. Wanadoo en fait partie. Nous discutons
toujours sous une condition : que ces partenaires nous
permettent de nous renforcer dans nos métiers
d'éditeurs. Pour l'instant, aucune de ces discussions
n'a donné lieu à un accord.
Vous avez l'intention de lancer
une offre d'accès Internet haut débit
?
Nous n'avons pas l'intention de devenir FAI. Selon les
dernières études [NetValue notamment,
NDLR], environ 7% des internautes en France disposent
d'un accès Internet haut débit. Mon rôle
d'éditeur est de leur apporter du contenu qui
les intéresse. Même si pour le moment,
nous n'avons pas prévu de lancer un portail haut
débit.
Pourquoi les noms de domaine
France2.com et France3.com ont échappé
à France Télévision ?
Dès mon arrivée dans le groupe, j'ai voulu
savoir si les noms de domaine avaient été
sécurisés. Les services juridiques de
France Télévision étaient déjà
sur le coup. Lors de la création des sites de
France 2 et France 3 en 1995, les noms de domaine en
.com avaient déjà été déposés
par un tiers dans un pays étranger. Nous avons
essayé de les récupérer par le
biais d'une procédure à l'amiable. Nous
étions plutôt sereins car ces noms de domaine
n'étaient pas exploités. Donc, il n'y
avait pas de préjudice pour nous. Or, il semblerait
que le dépositaire a cédé récemment
ses deux noms de domaine à un exploitant d'un
site à caractère pornographique en Corée
du Sud. Il y a un vrai trafic de noms de domaine prestigieux
au niveau mondial, potentiellement exploitables en terme
de publicité frauduleuse. Mais nous ne sommes
pas les seuls à qui les noms de domaine échappent.
Regardez les cas de Télérama.com, M6.com
ou CanalPlus.com.
Comment avez-vous réagi
?
Dès l'ouverture des sites avec des photos pornographiques,
nous avons envoyé une lettre en recommandé
à l'exploitant sud-coréen. Nous avons
lancé une procédure en référé
au Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Premier
signe encourageant : les photos ont déjà
été retirées. Nous sommes en contact
avec l'exploitant du site et le "registrar"
coréen qui a signé la charte de l'Icann
[l’Internet Corporation for Assigned Names
and Numbers, NDLR] et qui devrait faire cesser le
préjudice très vite. Parallèlement,
nous avons lancé une action plus globale à
l'OMPI [Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle à Genève qui dispose d'un
Centre d’arbitrage et de médiation pour
les litiges autour des noms de domaine, NDLR] afin
de récupérer tous les noms de domaine
liés à nos marques. Je vous fais remarquer
que nous avons déjà fait place nette pour
les noms de domaine en ".tv". [à
noter que FranceTelevision.com sans accent ou FTVI.com
échappent également au groupe audiovisuel,
NDLR]
Quelles sont actuellement vos sources de revenus sur
Internet ?
Essentiellement la publicité en ligne et les
partenariats signés. La gestion des espaces publicitaires
sur Internet est gérée par notre régie
en ligne, Web Sat Pub, le service spécialisé
de France Télévision Publicité.
[Edmond Zucchelli n'a pas souhaité communiquer
le chiffre d'affaires généré par
la publicité en ligne car la période d'exploitation
de FTVI - 8 mois - est trop courte et donc peu "pertinent",
NDLR].
Comptez-vous ouvrir des services
payants sur les sites de FTVI ?
Non. Ce serait une décision difficile à
expliquer à nos visiteurs et téléspectateurs.
La différence
fondamentale entre vous et TF1.fr, ce sont les moyens
financiers engagés ?
Non, ce n'est pas une différence essentielle.
Mais la sobriété de FTVI nous a permis
d'éviter l'écueil du développement
à tout va, comme cela a été observé
l'année dernière. D'un point de vue stratégie
Internet, j'ai l'impression que TF1.fr et FTVI ont la
même approche du marché avec notamment
la forte utilisation de la vidéo en ligne.
Quel est votre site d'information
favori ?
EuropeInfos.com
Quels services en ligne regardez-vous
pour vos loisirs ?
J'ai du mal à répondre à cette
question car j'ai actuellement peu de temps pour me
consacrer à Internet en dehors de mes activités
professionnelles. Mais j'ai vu beaucoup des services
en ligne depuis mes début sur Internet. En 1992,
j'utilisais à l'époque Gopher [ressource
d'Internet fonctionnant sur le mode client-serveur.
Sa représentation est une arborescence de menus
contenant des articles de différente nature,
NDLR].
Qu'aimez-vous sur Internet
?
Sa façon de réduire le temps et les distances.
Qu'est-ce qui vous irrite
sur Internet ?
Je voudrais que les gens comprennent que le maître-mot,
c'est l'interactivité. Et non l'Internet, qui
n'est finalement q'un protocole.
(*) Actuellement , les audiences des sites
France2.fr et France3.fr se situent respectivement à
1,6 millions et 650.000 visites par mois (source Médiamétrie).
LaCinquieme.fr enregistre 150.000 visites par mois.
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