Rubrique Juridique

Chaque semaine, gros plan sur la loi et l'Internet

Peut-on assimiler un hébergeur
au directeur de publication
d'un magazine de presse?
- 7 novembre 2000 -

Le débat a longtemps agité la télématique et est revenu avec force avec l'Internet. La jurisprudence actuelle, qui ignore cette assimilation, reste isolée mais n'a passété contredite à ce jour.

par Olivier Iteanu, avocat.

Cette question est loin d'être neutre. Selon que l'on qualifie l'hébergeur de directeur de publication ou pas va dépendre son niveau de responsabilité relatif aux contenus qu'il héberge. S'il est qualifié de directeur de publication, son niveau de responsabilité sera élevé, s'il n'est pas assimilé au directeur de publication pour être classé comme intermédiaire technique, son niveau de responsabilité sera réduit.

Dix années de jurisprudence appliquée à la télématique anonyme (Minitel et Audiotel) avaient édicté un principe qui n'était pas contesté. L'hébergeur, appelé à l'époque centre serveur, avait toujours vu sa responsabilité écartée au titre des contenus qu'il stockait au profit de la responsabilité de l'éditeur du service. La plus haute juridiction française, la Cour de Cassation, avait consacré cette règle non contestée et peu discutée, dans deux affaires concernant des contenus à caractère pornographique (1). Plus encore, la responsabilité du fournisseur d'hébergement ou du centre serveur, envisagée en matière pénale par le biais notamment de la complicité par fourniture de moyen et qui suppose que le prestataire ait agi sciemment, a été écartée par la jurisprudence (2). La Cour de Cassation a encore retenu, dans un arrêt du 8 janvier 1998 (3), la responsabilité du producteur du service (et non du centre serveur), du fait des contenus de son service correspondant aux thèmes par lui prédéfinis alors même qu'il n'est pas l'auteur des propos tenus sur le service dont il est le producteur.

Une loi et une directive communautaire ont limité la responsabilité de l'hébergeur.

Avec Internet, le débat est revenu avec force. Signalons cependant que le Tribunal d'Instance de Puteaux (4) a refusé d'assimiler un fournisseur d'hébergement au directeur de publication. Le Tribunal rappelle que “le directeur d'un service de communication est celui qui peut exercer son contrôle avant la publication, celui qui a la maîtrise du contenu du service” et constate que “le fournisseur d'hébergement n'intervient en aucune façon sur l'émission des données, il ne peut pas même en déterminer le thème ni le sujet. Il ne peut non plus ni sélectionner, ni modifier les informations avant leur accessibilité sur l'Internet."

Il faut se méfier, c'est une jurisprudence isolée. Cependant, d'une part, à ce jour elle n'a pas été contredite par un jugement inverse, d'autre part, elle est pleine de bon sens, enfin, par une loi du 1er Août 2000 traitant notamment de cette question et une Directive communautaire du 8 Juin 200055 n°2000-433 DC, le législateur français et les instances communautaires, sans se prononcer expressément sur la question, ont limité la responsabilité de l'hébergeur. Aussi, si le fournisseur d'hébergement se cantonne bien à son rôle d'intermédiaire technique, on peut raisonnablement penser qu'il ne sera pas assimilé juridiquement au directeur de publication d'un support de presse.
[oiteanu@iteanu.com]

(1) Ch Crim 15 Novembre 1990 Bull Crim 1990 n°388 et 17 Novembre 1992 Les Petites Affiches 12 Avril 1993, n°44.
(2) Cass. Crim, 15 novembre 1990, Bull. Cri, n°388.
(3) Cass. Crim, 8 janvier 1998, Affaire Ricard, inédit.
(4) TI de Puteaux 28 Septembre 1999 – Gazette du Palais 31 Décembre 1999 page 27 5 n°2000-433 DC

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