Rubrique Juridique

Chaque semaine, gros plan sur la loi et l'Internet

Le courtage en ligne
a lui aussi ses règles juridiques
- 14 novembre 2000 -

Le développement de la passation d'ordres par l'internet a incité le Conseil des marchés financiers à édicter de nouvelles règles, qui visent en premier lieu à garantir la transparence du marché. Avec un double souci : "protéger" les investisseurs trop ambitieux et éviter que le marché ne soit faussé par des ordres émis sans couverture.

par Jérôme Perlemuter,
Avocat à la Cour
Cabinet Salans Hertzfeld & Heilbronn.

Avec l'Internet, le mouvement de démocratisation de la bourse connaît un développement sans précédent. Il s'agit d'une véritable révolution pour les investisseurs dans la mesure où ceux-ci peuvent désormais investir en bourse avec un simple modem, mais aussi pour l'organisation du marché, puisque le filtre des intermédiaires traditionnels disparaît.

Devant la complexité des questions posées, il est important de rappeler qui sont les brokers et quels sont les services qu'ils proposent, avant d'examiner comment le Conseil des marchés financiers (CMF), dont le rôle consiste à réglementer les marchés, est intervenu pour poser des règles particulières au brokerage online.

1. Services proposés et brokers online.

Les services proposés par les brokers en ligne sont des services d'investissements, définis par la loi du 2 juillet 1996 relative à la modernisation des activités financières, texte connu sous le nom de "loi MAF". Cette loi définit ce qu'est un service d'investissement et fixe les règles relatives aux personnes qui les proposent.

Les services qui constituent les activités essentielles des brokers et qui sont réglementés par la loi MAF sont au nombre de deux. Le premier est "la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers", service qui consiste à recueillir l'ordre d'un tiers, sans pour autant passer cet ordre sur le marché. Le second est "l'exécution d'ordres pour le compte de tiers" qui consiste en l'exécution elle-même de l'ordre. Alors que tous les brokers sont regroupés sous le même vocable, on trouve donc sur l'internet des prestataires qui sont simplement des intermédiaires alors que d'autres exécutent eux-mêmes les ordres.

Dans les deux cas, les acteurs habilités à proposer des services d'investissement doivent obtenir, conformément à l'article 6 de la loi MAF, un agrément du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissements (CECEI). L'article 11 de la loi MAF précise les conditions d'obtention de cet agrément, l'objectif étant de garantir que les prestataires disposent de garanties financières suffisantes pour exercer une telle activité.

Une fois l'agrément obtenu, ces acteurs deviennent des "entreprises d'investissement". Toutefois, on remarquera que certaines banques habilitées à fournir des services d'investissements se nomment toujours "établissements de crédit", bien que pour pouvoir fournir des services d'investissement elles ont nécessairement obtenu un agrément.

2. Une réglementation spécifique à l'internet

Devant le développement considérable de la passation d'ordres par l'internet, le CMF est intervenu au moyen d'une décision générale (DG n° 99-07) relative "aux prescriptions et recommandations pour les prestataires de services d'investissement offrant un service de réception-transmission ou d'exécution d'ordres de bourse comportant une réception des ordres via Internet".

Ce texte vise en premier lieu à garantir la transparence du marché. Ainsi, le CMF impose désormais que le prestataire soit "clairement identifié". Le prestataire doit donc notamment préciser son statut et, dans l'hypothèse où il ne serait pas teneur de compte, le faire savoir et indiquer l'identité du prestataire chargé de ce service. Il est également précisé que l'internaute devra recevoir l'information prévue par l'article 3-5-5 du règlement général du CMF avant de passer son premier ordre, c'est-à-dire une information complète relative au fonctionnement des marchés financiers.

En second lieu, le CMF a réglementé spécialement la passation des ordres. Tout d'abord, l'article 15 de la décision CMF n° 99-07 fait peser sur le prestataire une obligation particulière de sécurité, ce qui implique un système informatisé sécurisé de réception d'ordres, l'intégrité des données, leur authentification et leur confidentialité. Doit aussi être prévu un système d'équipements alternatifs en cas de panne (minitel, fax, téléphone). Enfin, si le site n'est pas accessible du fait d'une connexion impossible, le client doit pouvoir transmettre son ordre via des moyens alternatifs mis à sa disposition.

L'article 12 de la décision CMF n° 99-07, quant à lui, met à la charge du prestataire l'obligation de mettre en œuvre une procédure de confirmation de réception de l'ordre transmis. De même, à l'issue de chaque opération, le client devra recevoir un avis d'opéré relatant le contenu des ordres exécutés.

Mais l'innovation essentielle réside dans le double système de contrôle et de blocage de l'ordre élaboré par le CMF. Premièrement, le prestataire est tenu de vérifier la cohérence des ordres passés par comparaison de la limite de prix fixée par l'internaute avec le prix du marché. Deuxièmement, le prestataire doit disposer d'un système automatisé de vérification du compte de l'internaute. Dans tous les cas d'incohérence, le client doit en être avisé et l'ordre doit être bloqué. Un double souci a en effet inspiré le CMF : d'une part, il convenait d'éviter que des investisseurs trop ambitieux, eu égard aux moyens dont ils disposent, puissent "se suicider" financièrement sur le marché ; d'autre part, le CMF souhaitait éviter que le marché ne soit faussé par des ordres émis sans couverture.

Parallèlement au CMF, on notera que la Commission des Opérations de Bourse (COB) est intervenue pour réglementer la diffusion d'informations sur les sociétés cotées, pendant indispensable de l'investissement en bourse. La recommandation n° 98-05 de la COB vise à imposer que ces informations soient "exactes, précises et sincères". Compte tenu de la spécificité de l'internet, c'est donc l'ensemble des organes qui réglementent et régulent le marché qui ont décidé d'intervenir, en posant des règles à la fois nouvelles et originales. [jperlemuter@salans.com]

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