Rubrique Juridique

Chaque semaine, gros plan sur la loi et l'Internet

Une nouvelle étape
pour la signature électronique
(Deuxième partie)
- Mercredi 6 juin 20001 -

La reconnaissance juridique de la notion de "signature électronique" est un événement majeur, fondant de nombreux espoirs pour le développement du commerce électronique.
Suite de l'article du 29/05/01.

par Eric Barbry, avocat au barreau de Paris, président de Cyberlex

1. Les dispositifs sécurisés de création
Pour être qualifié de "dispositif sécurisé de création de signature électronique", un tel système doit impérativement garantir, par des moyens techniques et des procédures appropriées, que les données de création de signature électronique :
1. Ne peuvent être établies plus d'une fois et que leur confidentialité est assurée ;
2. Ne peuvent être trouvées par déduction et que la signature électronique est protégée contre toute falsification ;
3. Peuvent être protégées de manière satisfaisante par le signataire contre utilisation par des tiers .

En dehors de la confidentialité qui paraît naturelle, sur un plan technique, le système devra donc être d'usage unique, comporter un mécanisme de nature à éviter les copies et contrefaçons et reposer sur un dispositif de contrôle d'accès évitant tout usage par des tiers. De plus, le dispositif de création ne doit pas entraîner la moindre altération quant au contenu de l'acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que le signataire en ait une connaissance exacte avant de signer.

La notion "d'altération" est délicate à apprécier dans la mesure où si le décret interdit l'altération du contenu de l'acte, la loi impose qu'il y ait un lien, pour le moins technique, entre la signature et l'acte auquel il s'attache. C'est d'ailleurs l'un des points fort de la signature que d'être "liée", c'est à dire ne faire qu'un acte sur lequel elle est apposée. Mais répondre en tous points à ces critères techniques du décret ne suffit pas dans la mesure ou pour être qualifié de "dispositif sécurisé de création de signature électronique", ledit dispositif doit être certifié conforme à ces mêmes critères soit par les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information, après une évaluation réalisée par des organismes agréés par ces services; soit par un organisme désigné à cet effet par un Etat membre de la Communauté européenne.

Le parcours du combattant n'est donc pas terminé pour les sociétés qui souhaiteraient être certifiées dans la mesure ou le texte du décret prévoit que les modalités d'évaluation seront définies dans … un arrêté. Ceux qui attendait avec impatience le décret devront donc redoubler de patience.

L'article 4 du décret précise en effet que " le contrôle de la mise en œuvre des procédures d'évaluation et de certification prévues (…) est assurée par un comité directeur de la certification, institué auprès du Premier ministre " et que pour ce faire un arrêté du Premier ministre " précise les missions attribuées à ce comité, fixe sa composition, définit les procédures de certification et d'évaluation des dispositifs de création de signature électronique (…) ainsi que les procédures d'agrément des organismes d'évaluation ". Les dispositifs de vérification de signature électronique qui sont des matériels ou logiciels destinés à mettre en application les données de vérification de signature électronique font eux aussi l'objet d'une certification en application des dispositions de l'arrêté à intervenir et sous réserve de respecter la liste des prescriptions techniques et juridiques de l'article 5 du décret.

2. Les certificats électroniques qualifiés
et prestataires de services
Rappelons que celui qui souhaite utiliser un système lui garantissant une fiabilité par principe (c'est à dire sauf preuve contraire) doit s'assurer qu'il répond aux critères cumulatifs suivants :
- qu'il utilise une signature électronique sécurisée ;
- établie grâce à un dispositif sécurisé de création ;
- et que la vérification de cette signature repose sur l'utilisation de certificats qualifiés.

Le décret précise donc également ce qu'il faut entendre par "certificat électroniques qualifiés" et qui sont les "prestataires de services de certification électronique". Pour être reconnu comme un certificat électronique qualifié au sens du décret ledit certificat doit répondre à deux critères :
1. Il doit d'abord comporter un certain nombre d'éléments techniques ou technico-juridiques dont la liste est énumérée au point I. de l'article 6 du décret. A titre d'exemple, le certificat doit comporter "une mention indiquant que ce certificat est délivré à titre de certificat électronique qualifié", "l'identité du prestataire de service de certification électronique ainsi que l'Etat dans lequel il est établi"...
2. Il doit être délivré par un prestataire de service de certification électronique qui satisfait aux exigences du point II de l'article 6 du décret. Le prestataire devra par exemple "faire preuve de la fiabilité des services de certification électronique qu'il fournit", "appliquer des procédures de sécurité appropriées"…

A la différence des dispositifs de création de signature, pour lesquels la certification est impérative, les prestataires de services de certification électronique qui satisfont aux exigences du décret peuvent "demander à être reconnus comme qualifiés". Une telle certification, qui vaudra là encore présomption simple de conformité aux dispositions du décret, sera délivrée par une instance désignée par arrêté du ministre chargé de l'industrie. Cet arrêté détermine la procédure d'accréditation des organismes et la procédure d'évaluation et de qualification des prestataires de services de certification électronique.

Les certificats délivrés par des prestataires étrangers pourront être admis à titre de certificats qualifiés à la condition de répondre aux critères définis dans le décret et avoir été accrédités au sens de la directive communautaire sur la signature électronique. L'article 9 du décret rappelle pour sa part que le prestataire qui souhaite délivrer des certificats qualifiés, dès lors qu'il est tenu à la déclaration préalable prévue pour la fourniture de prestations de cryptologie (article 28 de la loi du 29 décembre 1990), doit le préciser. Mais le même article prévoit un mécanisme de "contrôle" assez innovant. Les prestataires visés à l'article 9 sont en effet contrôlés par un organisme public désigné par arrêté du Premier ministre et agissant sous l'autorité des Services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information.

Ce contrôle porte sur le respect des dispositions de l'article 6 du décret, autrement dit sur les critères qui permettent de qualifier un certificat et les obligations imposées aux prestataires désireux de proposer ce type de service mais l'intérêt même du contrôle est ailleurs qui porte sur ses modes de mise en œuvre et sur ses conséquences. Ce contrôle peut être effectué d'office mais aussi à l'occasion de toute réclamation mettant en cause l'activité d'un prestataire de services de certification. Si le ou les organismes ne souhaitent pas être submergés de demandes en tout genre, il reviendra au rédacteur de l'arrêté d'être très attentif quant à la définition même du terme "tout réclamation mettant en cause"…

S'agissant des conséquences du contrôle, on peut se féliciter d'une part qu'en cas de contrôle non satisfaisant (le prestataire ne respecte pas l'article 6 du décret), les résultats soient publié,s encore que les modalités pratiques de cette publication ne soient pas précisées et que le décret ne prévoit aucune sanction spécifique (il est vrai que la publicité mensongère ou d'autres fondements d'ordre pénal pourraient suffire). A l'inverse, lorsque le contrôle se sera révélé satisfaisant, on peut se féliciter du fait que l'organisme de contrôle ait à en aviser l'organisme certificateur, même si là encore rien ne précise les modalités et les effets de cette "information". Le prestataire contrôlé "positif" (autrement dit "satisfaisant") bénéficiera t-il alors d'une certification ?

Les mesures (au moins pour la publicité) pouvant s'apparenter à une sanction, le décret prévoit qu'elle s'inscrivent dans une procédure contradictoire "permettant au prestataire de présenter ses observations", cette procédure n'étant pour l'heure, là encore, pas précisée.

Conclusion provisoire
De ce qui précède, il faut rappeler que ce n'est pas un arrêté mais au moins deux qu'il nous faudra encore attendre pour pouvoir appréhender l'environnement juridique de la signature électronique. Rappelons également que la loi du 13 mars 2000 prévoyait aussi l'adoption d'un autre décret pris, celui-là, en application de l'article 1317 du code civil pour ce qui concerne les supports électroniques. Affaire à suivre donc, d'autant plus que la loi annoncée dite LSI (Loi sur la société de l'Information) semble traiter sous le titre "liberté d'utilisation des moyens et prestations de cryptologie" certains aspects juridiques de la signature électronique.

Début de l'article

[ebarbry@club-internet.fr]

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