JURIDIQUE  
PAR OLIVIER PAULHAN
La conduite des pourparlers dans le cadre de l'ouverture du capital à des investisseurs
De la lettre d'intention à l'élaboration des actes, les différentes étapes d'un processus très précis.   (Mardi 26 juin 2001)
 
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S'il est un domaine où l'ancienne économie rejoint la nouvelle, c'est dans le processus juridique qui préside à la conduite des pourparlers préalablement à une prise de participation. La première vague importante d'investissements dans les jeunes pousses innovantes a été en effet l'occasion de vérifier que de nombreux points communs se retrouvent dans la conduite des pourparlers et la formalisation progressive des accords et dans la nature des pactes d'association entre investisseurs et fondateurs de l'entreprise.

La lettre d'intention ("Letter of Intent")
Un investisseur séduit par une perspective de prise de participation n'en est pas moins prudent. Aussi se contente-t-il généralement de manifester sa volonté d'investir par un document (lettre d'intention, "memorundum of understanding", protocole d'investissement, etc..) qu'il s'efforcera d'assortir de conditions suspensives. A cet égard, la plupart des lettres d'intention précisent qu'elles n'engagent pas l'investisseur ("non binding") tant que n'est pas réitéré son accord dans un protocole d'acquisition.

Outre le montant de l'investissement envisagé et le pourcentage de participation, la lettre d'intention fera référence aux investigations ("due diligence") que souhaite mener l'investisseur : audit comptable, financier, juridique, fiscal, social, technique, vérification de la titularité des droits sur la technologie etc.. La lettre d'intention prévoira enfin la liste des engagements réciproques que l'investisseur souhaitera obtenir des fondateurs si les "due diligence" s'avèrent être positives .

L'engagement d'exclusivité des négociations ("Exclusivity Agreement")
La lettre d'intention est également généralement assortie d'une demande d'engagement d'exclusivité des négociations de la part des fondateurs à l'égard de l'investisseur. Cette demande est la plupart du temps mal ressentie par les fondateurs, qui y voient le risque de se couper de la communauté financière à un moment où l'entreprise à un besoin crucial de financement sans pour autant avoir l'assurance que le processus d'investissement ira à son terme.

La demande d'exclusivité trouve néanmoins son fondement dans le fait que l'investisseur devra engager des frais et du temps durant les négociations (honoraires d'audit comptable, juridique, frais de déplacement, etc…) sans pour autant être assuré lui non plus, du succès des pourparlers. En présence de plusieurs candidats à l'investissement, elle peut être aussi motivée pour l'investisseur, par sa crainte de voir les fondateurs utiliser l'offre d'investissement formulée dans la lettre d'intention comme un moyen de faire monter les enchères entre les différents Investisseurs.

L'engagement de confidentialité ("Non Disclosure Agreement")
Si l'exigence d'exclusivité de la part de l'investisseur peut être débattue, la demande de confidentialité de la part des fondateurs ne souffre aucune contestation possible. Son objet est d'assurer aux fondateurs que les informations portées à la connaissance de l'investisseur ou de ses conseils durant la phase des pourparlers ne puissent être divulguées ou exploitées à son propre compte par l'investisseur.

Le champ d'application d'un tel accord portera tant sur les informations comptables, financières et juridiques que sur le know-how lui-même de l'entreprise, à l'exception des informations relevant du domaine public. Sa durée sera généralement fixée à deux ou trois ans à compter de la signature de l'accord, de telle sorte qu'en cas d'échec des pourparlers, lesdites informations ne puissent être exploitées à l'insu de l'entreprise. L'engagement de confidentialité est le plus souvent assorti d'un engagement de non concurrence et surtout de non sollicitation du personnel de la start-up.

Les "due diligence"
Elles ont pour but de permettre à l'investisseur de valider les termes de son offre telle que formulée dans la lettre d'intention. Les audits et investigations menées à cette occasion permettront de vérifier la consistance de l'entreprise et de sa valeur. Les fondateurs auront alors intérêt à encadrer le déroulement de ces investigations dans le temps et dans l'espace : dans le temps car elles ne doivent pas empiéter sur la négociation proprement dite des actes matérialisant l'entrée au capital de l'investisseur. Dans l'espace, en mettant par exemple à la disposition des conseils de l'investisseur une "data room" regroupant toutes les pièces nécessaires à la réalisation de ces vérifications. La "data room" présente également l'avantage de pouvoir, en cas de pluralité d'Investisseurs, donner à chaque investisseur les mêmes informations et de planifier les visites des différentes équipes d'auditeurs sans qu'elles se rencontrent.
Lorsque les "due diligence" ont confirmé la situation de l'entreprise et de ses fondateurs telle que l'investisseur l'avait appréhendée au stade de la lettre d'intention, il est alors temps de passer à l'élaboration des actes matérialisant cet investissement.

 
"Les accords accessoires tels que le pacte d'actionnaires ou la garantie de passif sont souvent plus sensibles que le protocole d'investissement lui-même."
 

Le protocole
Cet investissement prendra la forme d'une augmentation de capital et/ou d'une cession de droits sociaux de la part des fondateurs dont les modalités seront fixées par le protocole d'investissement. Si ce protocole formalisant l'entrée au capital de l'investisseur ne pose pas de difficulté particulière, en revanche, les autres actes accompagnant cet investissement méritent une grande vigilance de la part des fondateurs. Car, concomitamment à son entrée au capital, l'investisseur exigera des fondateurs un pacte d'actionnaires et une garantie d'actif et de passif.

Le pacte d'actionnaires
Le pacte a pour vocation d'organiser, au delà même des règles de fonctionnement interne de l'entreprise édictées dans les statuts, les relations entre associés. C'est ainsi que l'on trouvera tout ou partie des clauses suivantes dans un tel pacte :
- Droit à dividende prioritaire de l'investisseur.
- Droit d'agrément et/ou de préemption en cas de cession de droit sociaux.
- Droit d'information ou de communication de l'investisseur.
- Droit de veto sur certaines opérations (investissement, fusion, cession d'actif, emprunt etc…)
- Droit de sortie conjointe et proportionnelle pour le cas où les fondateurs envisageraient de céder tout ou partie de leur participation ("take along").
- Droit d'exiger des minoritaires la cession conjointe de leur participation en cas d'offre portant sur l'intégralité du capital ("trade sale")
- Droit d'exiger des fondateurs qu'ils mettent en vente leur participation en même temps que celle de l'investisseur à une certaine échéance, ceci pour garantir la "liquidité" de l'investisseur.
- Droit de racheter la participation des fondateurs à un prix significativement décôté si ceux-ci venaient à quitter l'entreprise dans les deux ou trois ans suivant l'investissement.
- Engagement de non-concurrence et d'exclusivité de la part des fondateurs.
- Droit de suivre toute nouvelle augmentation de capital social (même en cas de suppression de droit préférentiel de souscription) afin d'éviter d'être dilué (non-dilution clause ").
- Droit de pouvoir renégocier le montant de son investissement si une nouvelle levée de fonds intervenait postérieurement à l'investissement sur la base d'une valorisation inférieure à celle réservée à l'investisseur ("rachet clause").
- Droit de pouvoir souscrire à une future augmentation de capital sur la base d'une valorisation d'ores et déjà figée, par l'émission de Bons de Souscription Autonomes d'actions.

La garantie d'actif et de passif
Cet acte est largement aussi important que le protocole formalisant l'investissement lui-même car il engage la garantie des fondateurs pour l'avenir et mérite à ce titre la plus grande attention. Il consiste pour eux à garantir que toutes les informations comptables juridiques et financières communiquées à l'investisseur ainsi que les déclarations faites dans les actes liés à l'investissement relativement à la situation de l'entreprise sont scrupuleusement justes.

Toute information qui se révélerait erronée (par exemple une dette fiscale mal appréciée et qui résulterait d'un redressement de la part de l'administration ou un contentieux n'ayant pas été provisionné ou déclaré par les fondateurs et dont l'origine prendrait sa source avant la date de l'investissement), entraînerait l'obligation pour les fondateurs d'indemniser l'investisseur ou la Société sur leurs deniers personnels.

Il sera donc non seulement prudent de s'assurer de l'exhaustivité des informations portées à la connaissance de l'investisseur dans cet acte, mais également de limiter une telle garantie dans le temps, et en montant par un plancher et un plafond. L'investisseur exigera le cas échéant une garantie de la garantie (garantie bancaire, séquestre d'une partie du prix…). Le chemin conduisant à l'accord entre investisseurs et fondateurs est donc jalonné de différentes étapes que chaque partie aura intérêt à protocoler afin de ménager ses droits à l'égard de l'autre partie.

 
 

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