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Courrier électronique : les suites de la décision de la Cour de Cassation
- Mardi 9 octobre 2001 -

La décision de la semaine dernière n'est pas une reconnaissance de la confidentialité des correspondances électroniques en entreprise. Deux limites doivent être faites au minimum.

par Olivier Iteanu, avocat.
"L'employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur.» Dans un arrêt du 2 octobre 2001, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, la juridiction suprême au sommet de l'ordre judiciaire français, a asséné sans ambiguïté le rappel d'un principe fort : un salarié a droit au respect de sa vie privée y compris sur son lieu de travail. Ce principe, rappelé tant au Code Civil qu'au Code du Travail et à la Convention européenne des droits de l'homme, bien connu lorsqu'il s'agit de supports tels que le papier, a donc été étendu au support électronique et en particulier au courrier électronique.

Même s'il s'agit d'une première, cela ne devrait pas étonner ceux qui se rappellent que depuis une loi du 13 mars 2000, la définition de l'écrit a adopté un principe de neutralité absolu par rapport aux supports. Ce qui est valable pour l'écrit papier, l'est tout autant pour l'écrit électronique.

En revanche, nous ne partageons pas les commentaires de certains qui voient dans cette décision la reconnaissance par la justice que "le secret des e-mails (est) reconnu dans l'entreprise". Deux limites doivent être faites au minimum.

Tout d'abord, il serait tout à fait trompeur de laisser croire que tout courrier électronique est par essence une correspondance privée. L'envoi dans une liste de diffusion d'une telle correspondance n'a rien de privé.

Ensuite, il serait faux de croire qu'un e-mail ne peut, par exemple, pas servir à justifier un licenciement. Dans l'entreprise, chaque salarié a l'utilisation du papier en tête de l'entreprise pour, selon les procédures internes, effectuer toutes commandes, échanger avec les clients et fournisseurs etc. Soit toutes correspondances, certes privées, mais qui sont la propriété de l'entreprise. Si le salarié a été, par exemple, défaillant ou insultant dans ses échanges avec un client, cette correspondance pourra parfaitement fonder un licenciement ou une sanction quelconque. Il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même avec le courrier électronique. Aussi, celui-ci n'a aucun caractère secret par essence.

Il y a dans l'entreprise des correspondances privées qui appartiennent à l'entreprise et d'autres aux salariés.

Nous voyons plutôt par les juges la consécration d'un principe selon lequel il y a dans l'entreprise des correspondances privées qui appartiennent à l'entreprise et d'autres aux salariés et que ces dernières ne peuvent venir prouver une faute ayant motivé un licenciement.

La seule question à laquelle n'ont pas répondu les juges est comment l'entreprise fait-elle pour distinguer une correspondance privée qui lui appartient de celle qui appartient à son salarié ? Car si elle accède à une correspondance qui appartient à son salarié, elle encourt le risque d'avoir commis le délit de violation de correspondance privée, comme cela a déjà été jugé en novembre 2000 par le TGI de Paris.

Pour répondre, une pratique tend à se développer qui consiste à imposer aux salariés, pour toute correspondance appartenant à l'entreprise, d'en adresser une copie à un administrateur de réseau ou aux autres membres de ses services.

Non, le principal apport de cette décision est de faire entrer un peu plus la Société de l'information dans l'Etat de droit. Il ne devrait y avoir là aucune matière à étonnement. [oiteanu@iteanu.com]

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