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La
protection des capital-investisseurs : les clauses de "ratchet"
et de liquidation préférentielle
- Mardi 12 mars 2002 -
Les
nouvelles levées de fonds pour lesquelles les investisseurs
sont à nouveau sollicités leur donnent l'occasion de réaménager
les pactes d'actionnaires dans le but de réviser les conditions
de leurs investissements initiaux.
Les
difficultés rencontrées par les entreprises du secteur des
NTIC ont conduit les capital-risqueurs à constater d'importantes
dépréciations dans leur portefeuille de participations. Les
nouvelles levées de fonds pour lesquelles ils sont à nouveau
sollicités leur donnent l'occasion de réaménager les pactes
d'actionnaires dans le but de réviser les conditions de leurs
investissements initiaux
au détriment des autres actionnaires.
La préoccupation
du capital-investisseur est double : payer son investissement
au juste prix et rentabiliser cet investissement. Ce double
objectif peut-être atteint par la mise en place dans le cadre
de conventions d'actionnaires de clauses de "ratchet" et de
liquidation préférentielle.
1.
Les clauses de "ratchet"
Principe
Elles ont pour objectif de corriger la valeur initiale d'entrée
au capital des investisseurs. Bien souvent en effet, les investisseurs
ont souscrit à des augmentations de capital dans des sociétés
entièrement nouvelles, dont les espérances de rentabilité
étaient lointaines et sur des bases de valorisation élevées
eu égard à l'engouement général pour les valeurs NTIC. Après
le dégonflement de la bulle spéculative, les investisseurs
ont mesuré à quel point les valorisations initiales pouvaient
être disproportionnées par rapport à celles proposées à de
nouveaux investisseurs prêt à souscrire à de nouvelles levées
de fonds pour assurer la pérennité de ces entreprises. La
chute des valeurs NTIC a ainsi conduit certains investisseurs
à payer très cher leur entrée au capital de ces entreprises
et de surcroît, à s'exposer à être fortement dilués lors des
levées de fonds successives. Les clauses de "ratchet" ont
vocation à limiter les effets de cette dilution. Elles sont
désormais négociées par les investisseurs lors de leur entrée
initiale au capital.
Ces clauses
prévoient qu'en cas de futures levées de fonds sur des bases
de valorisation inférieures à celle ayant été appliquées aux
investisseurs initiaux, ces derniers auraient la faculté de
souscrire pour un montant symbolique, un nombre d'actions
nouvelles tel qu'il leur permette d'ajuster leur niveau de
participation en fonction de la dernière valorisation proposée.
Par cette technique, leur pourcentage de participation devient
égal à leur investissement initial ramené au montant de la
dernière valorisation de l'entreprise proposée à tout nouvel
entrant. Ainsi, plus la nouvelle valorisation est faible,
plus l'augmentation de la participation des premiers investisseurs
est forte.
En pratique,
ce droit consenti à ces capital-risqueurs consiste à émettre
à leur profit des bons de souscription autonomes (BSA) dès
leur entrée au capital, leur donnant la possibilité de souscrire
à l'occasion de futures augmentations de capital le nombre
d'actions appropriés, en général au nominal. Bien évidemment,
la conséquence est la dilution des autres actionnaires et
en particulier des fondateurs. Les clauses de "ratchet" sanctionnent
donc les valorisations exagérées lors des premiers tours de
table.
Recommandations
Pour contrer cet important effet dilutif, les fondateurs et
autres actionnaires disposent de certaines marges de manuvre.
Ils peuvent ainsi demander à ce que le niveau de participation
des capital-investisseurs soit recalculé en prenant en compte
tant le montant de la nouvelle levée de fonds que la valorisation
de la société (méthode dite de "weighted average").
Si les
capital-investisseurs s'y opposent en demandant l'application
radicale de la clause afin de bénéficier de la même valorisation
que les nouveaux entrants (méthode dite de "full ratchet"),
ils peuvent légitimement demander que la clause ne s'applique
qu'au delà d'un certain montant d'augmentation de capital
et, qu'en toute hypothèse, la clause soit limitée aux premières
années d'existence de la société.
Enfin,
ils pourront faire valoir les risques de l'effet dilutif sur
la motivation des fondateurs dans le développement de la société.
2.
Les clauses de liquidation préférentielle
Principe
Elles ont pour objet, en cas de cession de l'entreprise, de
permettre aux-dits investisseurs de retrouver leur investissement
initial en se faisant payer par le tiers acquéreur, prioritairement
aux autres actionnaires. Ces clauses trouvent également leur
place dans le cadre des pactes d'actionnaires en distinguant,
dans le cadre de catégories d'actions, celles des investisseurs
et celles des autres actionnaires.
Les clauses
de liquidation préférentielle ont comme conséquence pour les
fondateurs, qu'ils ne percevront leur fruit de leurs efforts
qu'après que les investisseurs aient " recoupé " le montant
de leur investissement.
De telles
clauses peuvent être plus ou moins élaborées. Leur application
peut être ainsi limitée au seul cas de cession totale de l'entreprise,
ou au contraire étendue au cas de cession totale et partielle.
Elles peuvent s'appliquer également en cas de cession sous
forme d'échange de titres dans le cadre de fusion et pas seulement
dans le cadre d'une cession payée en numéraire.
Recommandations
Les
fondateurs conservent une certaine marge de négociation sur
la portée de cette clause. Différentes déclinaisons de telles
clauses se pratiquent. On peut ainsi envisager qu'après paiement
de l'intégralité de l'investissement initial des investisseurs,
le solde soit partagé entre les autres actionnaires à l'exclusion
des investisseurs déjà servis au lieu d'être partagé au prorata
de la participation de tous les actionnaires, évitant ainsi
de créer une sur-prime au profit des investisseurs.
Les investisseurs
souhaitent souvent que le prix de revient de leur investissement
soit calculé en prenant en compte un taux de rendement (qui
peut aller jusqu'à 25% par an). Dans ce cas, c'est le montant
de l'investissement initial des capital-investisseurs plus
ce taux d'intérêt, qui leur sera payé en cas de cession de
la société. Le principe, le montant et la durée d'application
de ce taux d'intérêt sont largement négociables.
Enfin,
si la dilution résultant de la mise en uvre de la clause
de ratchet évoquée plus haut est jugée trop pénalisante par
les fondateurs, ils pourront proposer aux investisseurs en
contrepartie de leur renonciation à cette clause de ratchet
la mise en place ou l'extension d'une clause de liquidation
préférentielle.
3.
Conclusion
Les mécanismes décrits ci-dessus sont souvent l'objet d'âpres
négociations entre investisseurs et fondateurs. Elles sont
le reflet du rapport de force existant entre ces deux groupes
d'actionnaires à un moment crucial de la vie de l'entreprise,
puisque bien souvent la nouvelle levée des fonds conditionne
la survie de l'entreprise.
Ces dispositifs
se justifient pourtant par la nature même du capital-risqueur.
Son rôle primordial d'apporteur de capitaux à la formation
du projet d'entreprise, lui confère légitiment certains privilèges.
Même si elles heurtent les actionnaires fondateurs, au risque
parfois de les démotiver, ceux-ci doivent désormais les considérer
comme une pratique courante du capital-risque de nature à
encourager les investisseurs, assurer la fluidité des capitaux
et ainsi faciliter les levées des fonds.
[legal@paulhan-avocat.com]
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