Chaque
semaine, gros plan sur la loi et l'Internet
Les
nouvelles règles de la TVA appliquée au commerce électronique
1. Biens
commandés et prestations de services
- Mercredi 26 juin 2002 -
Comment la
TVA s'applique-t-elle au commerce électronique, quels sont
les projets de réforme achevés ou en cours? Tour d'horizon
en deux volets.
Livraison
de biens commandés en ligne
Le
système de la TVA, uniformisé au niveau communautaire, repose
sur une distinction fondamentale entre les livraisons de biens
et les prestations de services. Lorsque la transaction électronique
se limite à passer commande d'un produit qui fera l'objet
d'une livraison physique (par exemple un CD), il s'agira d'une
livraison de biens "classique", soumise aux règles habituelles
de localisation pour la perception de la TVA
Sans entrer
dans les détails, la TVA est due à chaque fois que la livraison
a lieu sur le territoire de l'Union européenne. Dans les relations
intracommunautaires, les achats effectués par des assujettis
à la TVA sont en principe soumis à un régime de report. Le
consommateur particulier acquitte généralement la TVA dans
le pays d'achat, mais les fournisseurs étrangers qui effectuent
des livraisons en faveur de particuliers, et au-delà d'un
certain montant annuel, sont soumis à une règle spéciale en
vertu de laquelle la TVA imputée est celle de l'Etat membre
du consommateur (ventes à distance). Pour les importations
en provenance de pays tiers, la règle générale prévoit le
paiement de la TVA au moment de l'introduction des biens sur
le territoire de l'Union européenne.
Prestations
de services en ligne
Lorsque la transaction est totalement dématérialisée,
par exemple lorsqu'un livre, un disque ou un logiciel est
directement téléchargé sur l'ordinateur du client, la qualification
s'avère plus délicate.
Une première
approche serait de considérer que la qualification de l'opération
doit dépendre de la "cause" réelle du contrat dans l'intention
commune des parties. Ainsi, le consommateur qui achète un
CD sur support physique ou le télécharge contre paiement dans
sa version numérisée entend "acquérir" le même bien. De surcroît,
de nombreux sites marchands permettent d'obtenir livraison
d'un CD ou d'un CD-Rom en tant que copie de sauvegarde d'un
fichier téléchargé, parfois contre paiement d'une somme supplémentaire.
Ce faisant,
l'acheteur a d'autant plus la conviction qu'il achète le même
bien, mais livré sur des supports différents. Toutefois, les
instances européennes (la Commission et le Conseil), s'inspirant
de la position de l'administration française en matière de
fourniture de logiciels, ont clairement opté pour la qualification
de prestation de services dès lors que l'opération porte sur
la livraison de biens dématérialisés.
En matière
de droit d'auteur, où le même problème s'était posé en ce
qui concerne la question de l'épuisement communautaire, cette
interprétation a été également consacrée dans la directive
sur la protection des bases de données ainsi que dans la directive
sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société
de l'information. Les conséquences au regard du taux de TVA
sont importantes. Ainsi, le taux applicable à l'acquisition
d'un livre électronique par voie de téléchargement sera très
supérieur à celui dont bénéficie la vente d'un livre sur support
imprimé.
La position
européenne s'avère donc discriminatoire à l'égard du commerce
électronique de biens digitalisés.
Prestations
de conception et d'hébergement de sites Web
La règle de principe en matière de TVA applicable aux
prestations de services est l'imposition au lieu d'établissement
du prestataire (article 9 § 1 de la sixième directive TVA).
Cette règle par défaut ne s'applique pas aux cessions de biens
dématérialisés. Ces prestations font partie de la liste spécifique
de l'article 9 § 2, e) de la sixième directive énumérant les
prestations de services pour lesquelles l'imposition a lieu
dans l'Etat du preneur de services (à savoir "l'acheteur"
des biens digitalisés). Par contre, la règle de l'article
9 § 1 s'applique aux prestations de conception de sites web
("webdesign") et d'hébergement ("webhosting").
Cette
localisation au siège de l'activité économique du prestataire
est de nature à créer d'importantes distorsions de concurrence.
En effet, la TVA communautaire ne sera pas due si le preneur
du service contracte avec une entreprise établie en dehors
de l'Union européenne. Ainsi, si un bénéficiaire belge ou
français fait appel à une société américaine pour la conception
d'un site web, la TVA ne sera pas due, tandis que, si une
société belge ou française contracte avec une société allemande,
elle recevra une facture mentionnant la TVA allemande, qu'il
ne pourra récupérer que moyennant le respect de la procédure
de remboursement (longue et fastidieuse) prévue par les articles
3 et suivants de la huitième directive TVA.
Les règles
actuelles favorisent donc les entreprises d'outre-Atlantique
au détriment des sociétés établies dans l'Union européenne,
et préjudicient par voie de conséquence le budget des États-membres
ainsi que les ressources communautaires constituées à 44 %
des recettes TVA.
[thibault.verbiest@brussels.ulys.net]
A
ire également :
2. La nouvelle
législation européenne
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