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Spam : ce que va changer
la directive du 12 juillet"

- Mardi 8 octobre 2002 -

Nombreux sont les textes visant à réglementer et sanctionner les pratiques de prospection électronique. La directive communautaire du 12 juillet 2002 vient clarifier la situation. En attendant sa transposition en droit français, un double régime subsiste pour les opérations de marketing direct.

par Sylvain Staub,
Avocat à la Cour,
Clifford Chance

L'opposition entre les principes de l'opt-in et de l'opt-out est désormais classique. La solution de l'opt-in interdit les envois de communications promotionnelles non sollicitées, sauf si le destinataire y a préalablement consenti. La solution de l'opt-out autorise de tels envois sauf si le destinataire s'y est expressément opposé. Il est évident que la première solution favorise le droit à la tranquillité des abonnés, là où la seconde favorise la liberté de prospection des annonceurs. Or, aujourd'hui encore, les différents types de prospection ne suivent pas le même régime.

L'actuelle situation pour la prospection par télécopies et automates d'appel
Les directives communautaires du 20 mai 1997 (Directive 97/7 du 20 mai 1997 "Vente à distance") et du 15 décembre 1997 (Directive 97/66 du 15 décembre 1997 "vie privée et télécommunication", art. 12, abrogée par la directive 2002/58) retiennent le système de l'opt-in pour les télécopieurs et les automates d'appel. Le Code des Postes et Télécommunications ( Article L. 33-4-1 inséré par l'ordonnance n°2001-670 du 25 juillet 2001.) interdit "la prospection directe, par automates d'appel ou télécopieurs, d'un abonné ou d'un utilisateur d'un réseau de télécommunications", sans que ce dernier n'ait exprimé son consentement à recevoir de tels appels. Cette interdiction vise la prospection de tous types d'abonnés, y compris les professionnels (L'article L.121-20-5 du Code de la consommation reprend le même principe).

Il n'y a toutefois aucune sanction spécifique à cette interdiction. Ces sanctions devront être fixées dans le futur décret "sur l'annuaire universel" actuellement pour avis devant le Conseil d'Etat. Il devrait s'agir d'une sanction par infraction (c'est-à-dire pour chaque télécopie ou appel) correspondant à une contravention de 5ème classe, sans préjudice de l'application des sanctions prévues par l'article 226-18 du Code Pénal (300.000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement).

Cette absence de sanction spécifique n'empêche toutefois pas la CNIL d'adresser des mises en garde aux annonceurs dont les télécopies ont fait l'objet de plaintes de la part de personnes physiques (entendues au sens large, c'est à dire : salariés d'entreprises nommément visés comme destinataires des télécopies, professions libérales, artisans...). La CNIL peut également dénoncer au Parquet les infractions dont elle a connaissance.

L'actuelle situation pour la prospection par emails, SMS et MMS
Ces directives communautaires de 1997 ont laissé aux Etats membres le choix du régime pour la prospection par emails. La France, à l'inverse de l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Italie et la Belgique, n'a pas tranché pour un régime d'opt-in, autorisant ainsi implicitement une pratique d'opt-out.

Cela ne veut pour autant pas dire que la prospection par emails, SMS ou MMS peut se faire sans limite. Bien entendu, les destinataires doivent pouvoir s'opposer à recevoir de nouveaux messages. De même, les adresses ou numéros de téléphone doivent avoir été collectés loyalement. Enfin, les règles classiques en matière de publicité, concurrence déloyale et atteinte à la vie privée s'appliquent. Même en l'absence de sanction spécifique, les prospections par emails, SMS et MMS peuvent ainsi être sévèrement sanctionnées si elles ont un caractère illicite (La CNIL a ainsi récemment dénoncé au Parquet deux opérations d'envoi de SMS en masse, à des fins commerciales).

Cette absence d'harmonisation en Europe génère une grande insécurité pour les professionnels de la prospection électronique et pour les annonceurs.

Les clarifications de la directive du 12 juillet 2002
La récente directive "Vie privée et communications électroniques" du 12 juillet 2002 prévoit que "l'utilisation (…) d'automates d'appel (…), de télécopieurs ou de courriers électroniques à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable". Elle définit le courrier électronique comme "tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d'image envoyé par un réseau public de télécommunications qui peut être stocké dans le réseau ou dans l'équipement terminal du destinataire jusqu'à ce que ce dernier le récupère".
Les SMS, cités dans la directive, mais aussi les MMS sont ainsi visés.

En conséquence, lorsque cette directive aura été transposée, les modes de prospection directe par télécopie, automate d'appel, emails, SMS ou MMS seront soumis à un même régime de l'opt-in : les prospecteurs devront établir ou acquérir des listes "positives" d'abonnés ayant clairement consenti à être prospectés. Cette clarification n'est toutefois que relative, car la directive laisse une possibilité de choix pour les Etats membres et introduit une exception.

Le principe de l'opt-in s'applique-il lorsque la prospection vise des personnes morales ?
La directive laisse aux Etats membres le choix du régime concernant la prospection des personnes morales. Concernant les télécopies et automates d'appel, la position française a déjà été arrêtée par les deux ordonnances précitées des 25 juillet et 23 août 2001 : le régime de l'opt-in demeure. Ce principe continue donc de s'appliquer sans exception aux prospections par télécopie et automates d'appel.

Concernant les emails, SMS ou MMS, il convient d'attendre le texte de transposition français. Toutefois, on peut penser, et espérer, que la France suivra la doctrine classique de la CNIL selon laquelle les adresses emails et les numéros de téléphone portable sont des données personnelles, même lorsqu'ils ont un caractère professionnel. En conséquence, le régime de l'opt-in serait applicable également aux prospections de personnes morales par courriers électronique et par SMS ou MMS.

Pour les emails, le principe de l'opt-in ne s'applique pas aux relations post-contractuelles
Par exception, la directive du 12 juillet 2002 prévoit que lorsqu'une personne physique ou morale a obtenu "directement" une adresse électronique dans le cadre d'une "vente d'un produit ou d'un service", il lui est possible d'exploiter cette adresse afin de proposer des "produits ou services analogues", dès lors que l'internaute a la faculté de s'y opposer.

Il s'agit donc, dans ce cas précis, d'un retour au système de l'opt-out. A nouveau, il conviendra bien évidemment de s'assurer que l'adresse électronique obtenue "directement", a également été obtenue loyalement, aux regard des dispositions de la loi Informatique et libertés de 1978. Par ailleurs, il y a fort à parier que le législateur puis les tribunaux auront à interpréter les conditions de cette exception, et notamment la notion de "produits ou services analogues". D'une manière générale, il s'agira de s'interroger sur la valeur et la portée du consentement préalable des destinataires de prospection.

Les codes de conduites adoptés par les fédérations de marketing direct et de vente à distance fixent des lignes de conduite visant au respect des garanties en matière de collecte de données et d'information. Ces codes devront désormais rappeler également à leurs adhérents le respect du principe de l'opt-in.

[Sylvain.Staub@CliffordChance.com]

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