par
Franklin Brousse,
Avocat,
D&B Legal
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Dans
le cadre de la libéralisation des marchés des télécommunications
lancée par la Commission européenne en 1999 et notamment
de la procédure de réexamen du cadre réglementaire des
télécommunications, la Commission a apporté cette année,
dans un paquet de cinq directives, des réponses aux
problématiques juridiques liées à la convergence entre
les télécommunications, les technologies de l'information
et les médias.
Désormais,
des règles communes s'appliqueront pour réglementer
les différents types de réseaux et services de télécommunications
ou plutôt de "communications électroniques", notion
consacrée par les directives du 7 mars dernier. L'objectif
déclaré est d'intégrer la convergence de manière à ce
que tous les services puissent être fournis librement
quels que soient les types de réseaux empruntés..
Poursuite
de la libéralisation
La directive du 16 septembre 2002 s'inscrit dans la
continuité du mouvement de libéralisation du secteur
des télécommunications et de simplification du cadre
réglementaire (anciennement composé de 20 directives
réduit aujourd'hui à 8). Le projet de texte, publié
en mars 2001 sur la base de l'article 86 du Traité CE,
a été adopté le 16 septembre 2002 dans le cadre de la
refonte de la directive de la Commission du 28 juin
1990 relative à la concurrence dans les marchés des
services de télécommunications (modifiée par la directive
du 10 juillet 1999).
Cette directive
apporte d'importantes précisions sur l'organisation
effective de la concurrence dans le secteur des communications
électroniques.
Précisions
sur la notion de services communications électroniques
Tout d'abord, elle apporte quelques modifications à
la définition des notions de réseaux et de services
de communications électroniques. La directive distingue
les services de communications électroniques accessibles
au "grand public" des services qui ne le sont pas, mais
n'indique pas si cette modification introduit une nouvelle
distinction avec des services destinés au professionnel
par exemple.
S'agissant
de la définition de notion générique de services de
communications électroniques, la directive précise la
nature des services qui sont exclus du nouveau cadre
réglementaire lorsqu'ils consistent à fournir des contenus
à l'aide de réseaux et de services de communications
électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale
sur ces contenus. La directive vise désormais les services
exclus comme étant "ceux fournissant ou exerçant un
contrôle rédactionnel sur le contenu transmis au moyen
de réseaux et de services de communications électroniques".
Cette
précision confirme une nouvelle fois la distinction
opérée par le nouveau cadre réglementaire entre les
services et les contenus transmis au moyen de réseaux
et de services.
Vers
la fin des monopoles
Outre ces quelques précisions,
la directive aborde une problématique réglementaire
essentielle liée à la fin des droits exclusifs ou spéciaux
accordés par les états membres pour l'établissement
et/ou l'exploitation de réseaux de communications électroniques
ou pour la fourniture de services de communications
électroniques accessibles au public. En application
de la nouvelle directive, chaque état devra prendre,
avant le 24 juillet 2003, toutes les mesures nécessaires
afin de garantir à toute entreprise le droit de fournir
des services ou d'exploiter des réseaux, sans qu'aucune
restriction ne soit maintenue ou imposée.
L'objectif est toujours
le même ; il s'agit de donner les moyens aux entreprises
bénéficiaires d'une "autorisation générale" d'exploiter
des réseaux et des services sans aucune contrainte,
même justifiée par des raisons historiques, et ce conformément
aux critères objectifs, non discriminatoires, proportionnés
et transparents désormais incontournables en matière
de communications électroniques.
Seule une décision motivée
de la part de l'autorité de régulation compétente dans
le cadre d'une demande d'autorisation générale pourra
faire échec à l'exploitation de réseaux et de services
de communications électroniques, cette décision étant
susceptible de recours devant la dite autorité et en
dernier ressort devant la Cour d'appel de Paris seule
compétente en la matière pour la France.
Dans le même esprit, la
nouvelle directive vise les entreprises publiques intégrées
verticalement dans l'exploitation de réseaux de communications
électroniques qui occupent une position dominante. Les
états membres devront veiller à ce que ces entreprises
n'opèrent aucune discrimination en faveur de leurs propres
activités. Cette disposition concerne les entreprises
publiques qui seraient tentées de faire obstacle aux
développements de réseaux et de services concurrents
à ceux qu'elles exploitent à travers leurs propres réseaux.
Enfin, le mouvement de
libéralisation s'étend aux services annuaires papier
ou électronique, aux fréquences, aux satellites et aux
réseaux câblés de télévision avec toujours pour objectif
d'éliminer toute contrainte non justifiée susceptible
de constituer un obstacle au développement de services
concurrents.
Perspectives
et mise en uvre de la nouvelle directive
Afin de donner une force
contraignante à ces nouvelles dispositions, la directive
du 16 septembre 2002 prévoit que les états membres devront
fournir à la Commission avant le 25 juillet 2003, les
informations lui permettant de confirmer le respect
et la mise en uvre effective de ces dispositions.
Bien qu'elle puisse apparaître
presque anodine par rapport aux "paquets" de directives
du 7 mars 2002, la nouvelle directive du 16 septembre
2002 devrait avoir une influence majeure sur le développement
du marché des communications électroniques dans les
prochains mois. Elle signifie la fin des droits exclusifs
et spéciaux en matière de réseaux et de services de
communications électroniques et l'obligation pour chaque
état de faire respecter cette nouvelle donne.
Les
entreprises disposeront donc prochainement du droit
de fournir et d'exploiter librement et sans contrainte
des services et des réseaux de communications électroniques,
sous réserve de bénéficier d'une autorisation générale.
Compte tenu des contraintes
existantes et la situation concurrentielle actuelle
sur ce marché, le nombre de recours contentieux devrait
à moyen terme augmenter de manière significative sur
la base des dispositions de cette nouvelle directive.
Tout obstacle à la libre exploitation de réseaux et
de services pourrait être considéré comme non justifié
au regard de la nouvelle réglementation communautaire.
A cet égard, il ne serait
pas surprenant que des recours contre l'état français
soient intentés si des dispositions législatives et/ou
réglementaires ne sont pas mises en place et appliquées
en France avant le 24 juillet 2003, date à laquelle
chaque état devra avoir justifié des moyens mis en uvre
pour assurer le respect de ces dispositions. La France,
comme les autres états membres, ne dispose donc que
de peu de temps pour mettre fin aux droits exclusifs
et spéciaux encore existants et libéraliser définitivement
le marché des réseaux et de services de communications
électroniques.
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