Les
entreprises procédant à des levées de fonds se trouvent
désormais systématiquement confrontées à la demande
des investisseurs de pouvoir corriger leur position
dans le capital de la société en vue de réduire le risque
de surévaluation de la valeur de l'entreprise. En effet,
la valorisation fixée lors de leur entrée au capital
est souvent assise sur un "business plan" dont la réalisation
est incertaine. Les praticiens du capital-investissement
ont donc développé des mécanismes permettant d'ajuster
le prix de leur entrée au capital ainsi que les conditions
de leur sortie. Ces techniques connaissant une sophistication
croissante, on se limitera ici à décrire les plus couramment
utilisées.
La
clause d'ajustement du prix d'entrée au capital : le
"ratchet"
Ce mécanisme très fréquemment employé en matière de capital
risque, consiste à permettre aux investisseurs de se "reluer" si la valorisation
de la société à l'occasion de "tours de table" ultérieurs était inférieure à celle
qui a servi de base à leur entrée au capital.
Il
consiste à émettre des Bons de Souscriptions Autonomes
(BSA) ou des ABSA au bénéfice des investisseurs leur
permettant de souscrire au nominal un nombre d'actions
variable en fonction, soit de la valorisation retenue
pour le tour suivant ("Full ratchet"), soit de la valorisation
moyenne du tour initial et du tour suivant ("Average
ratchet"). Exemples :
Full
ratchet :
- Capital constitué de 50 000 actions de 1.
- Valorisation "pré-money" lors de l'entrée des investisseurs
: 2 000 000 soit 40 par action.
- Augmentation de capital réservée aux investisseurs
: 1 000 000 donnant lieu à l'émission de 25 000 actions
nouvelles (1 000 000 / 40) assorties chacune d'un BSA
ratchet , soit 33,33% du capital.
- Tour suivant : valorisation "pré-money" 1 500 000
soit 20 par action (1 500 000 / 50 000 + 25 000).
Augmentation de capital de 800 000 , soit 40 000 actions
nouvelles.
- Sans ratchet les investisseurs initiaux disposeraient
de 21,77% du capital (25 000 / 115 000).
- Ces investisseurs qui ont investi 1 000 000 pourront
disposer grâce aux BSA ratchet de 50 000 actions (1
000 000 / 20) alors qu'ils n'en ont reçu que 25 000
lors de leur entrée au capital. Les BSA doivent donc
leur permettre de souscrire à 25 000 actions nouvelles
supplémentaires au nominal avant réalisation du nouveau
tour.
- Après exercice des BSA les investisseurs disposeront
de 50 000 actions sur un total de 140 000 soit 35,7%
du capital après réalisation de ce nouveau tour.
Average
ratchet :
- A la différence du premier exemple on retient ici
une valorisation moyenne des deux tours soit : (25 000
x 40 + 40 000 x 20 )/65 000 = 27,69 /action
- Le nombre de BSA à exercer doit permettre aux investisseurs
du tour initial d'amener leur niveau de participation
à : 1 000 000 / 27,69 = 36 114 actions et donc de
souscrire à 11 114 actions supplémentaires pour 1 000
000 avant réalisation du nouveau tour.
- Sans ratchet les investisseurs initiaux disposeraient
de 21,77% du capital (25 000 / 115 000).
- Les BSA ratchet leur confèreront 28,63% (36 114 /
126 114) après réalisation de ce nouveau tour.
- Cette deuxième méthode dite "Average ratchet" est
la plus couramment pratiquée. .
Un
des sujets de négociation les plus délicats entre investisseurs
et fondateurs porte sur la durée d'exercice des BSA
ratchet. En effet, les premiers souhaiteront pouvoir
les exercer sur la durée la plus longue possible contrairement
aux seconds. Une telle faculté de se reluer se justifie
dans les premières années suivant l'investissement initial
dès lors que le "business plan" servant de base à la
valorisation a, par nature, un caractère incertain.
Pour autant, au delà des trois ou cinq premières années,
il n'est pas illégitime d'estimer que ces deux catégories
d'actionnaires devraient partager le même risque d'entreprise
et que les BSA ratchet devraient être caducs.
Les
Obligations Convertibles à taux de conversion variable
La loi NRE du
15 mai 2001 permet désormais aux sociétés ayant moins
de deux d'existence d'émettre de tels instruments financiers.
Ils présentent plusieurs avantages.
Pour les investisseurs
: en sus de pouvoir convertir une créance en capital,
la possibilité de percevoir un coupon et une prime de
non conversion, ce qui est raisonnablement envisageable
dans les sociétés dégageant un cash flow positif. C'est
la raison pour laquelle ce mécanisme se pratique plus
dans le cadre de capital-développement que de capital-risque.
.
Pour les fondateurs : la
possibilité d'ajuster la participation des investisseurs
en cas de variation de la valorisation de la société
à la hausse comme à la baisse. En cas de variation baissière,
l'ajustement sera favorable aux investisseurs ; en cas
de variation haussière, elle sera favorable aux fondateurs.
Exemple :
- Détermination d'une valorisation moyenne de la société
permettant la conversion d'une obligation en 5 actions.
- Si la valorisation moyenne varie de plus de 25 % à
la baisse, le taux de conversion sera de une obligation
pour 7 actions.
- Si la valorisation moyenne varie de plus de 25 % à
la hausse, le taux de conversion sera de une obligation
pour 3 actions.
Les
clauses d'Earn Out
De telles clauses
consistent à assortir le prix d'acquisition d'actions
d'un complément de prix variable en fonction des résultats
futurs de l'entreprise. Elles se rencontrent beaucoup
plus fréquemment dans des montages de type LBO que dans
le domaine du capital-risque ou du capital-développement.
Pour
l'acquéreur, elles présentent l'intérêt de différer
le paiement d'une partie du prix d'acquisition et de
ne payer qu'en fonction d'une valorisation confirmée
par les performances effectives de l'entreprise, réduisant
de ce fait le risque de surévaluation de la société
cible. Pour le vendeur, elles lui donnent la possibilité
de valoriser les potentialités de l'entreprise qui ne
sont pas encore reflétées dans les comptes de celle-ci.
Les
clauses de garantie de passif
Ces clauses peuvent
être mises en place non seulement lors de la cession
de l'entreprise mais également à l'occasion de l'émission
de titres. Rien n'empêche la société émettrice de se
porter garante. En effet, les dispositions légales selon
lesquelles une société ne peut consentir une sûreté
en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres
actions par un tiers (art. L 225-216 du code de commerce)
ne s'appliquent pas en l'espèce puisque ce texte ne
vise que les garanties consenties auprès de tiers prêteurs.
Le mécanisme mis en uvre
consistera à dédommager les investisseurs en constatant
dans un premier temps la créance de la société à leur
égard au passif de la société puis dans un second temps,
en procédant à une augmentation de capital qui leur
sera réservée. L'automaticité entre les deux pouvant
être assurée par l'émission de BSA au profit des investisseurs.
Ainsi, les investisseurs se trouveront à l'abri de la
dépréciation patrimoniale résultant de la survenance
de l'événement prévu par la garantie de passif.
Les
clauses de répartition ou de liquidation préférentielle
A la différence
des mécanismes étudiés ci-dessus qui consistent à ajuster
le prix d'entrée au capital d'un investisseur, les clauses
de répartition ou de liquidation préférentielle permettent
de convenir une répartition du prix de sortie non proportionnelle
à la répartition du capital.
Ainsi, le prix de cession
sera différent selon chaque groupe d'actionnaires, les
investisseurs bénéficiant d'un droit de paiement prioritaire
du prix de cession entre leurs mains à concurrence de
leur investissement assorti le cas échéant d'un TRI.
Certains praticiens se
sont interrogés sur la validité de telles clauses susceptibles
de priver une catégorie d'actionnaires de toute contrepartie
financière à la cession de leurs titres. La jurisprudence
ne sanctionne pas les cessions réalisées pour des montants
inférieurs à leur valeur réelle dès lors qu'il existait
une contrepartie autre que le prix reçu au moment de
la vente consistant en l'espèce, en une contribution
financière des investisseurs lors de leur entrée au
capital. Mais lorsque l'on est amené à mettre en place
ce type de clause prévoyant l'obligation de payer en
sus de l'investissement initial un TRI (parfois à un
taux de 25%, composé durant toute la durée de l'investissement),
le risque que les autres actionnaires ne perçoivent
qu'un montant symbolique lors de la cession n'est pas
nul. Dans ce cas, la nullité de la clause pourrait être
invoquée par lesdits actionnaires pour vil prix. Aussi,
est-il prudent de prévoir que, préalablement à la répartition
préférentielle prévue par la clause, une partie du prix
de cession sera partagée entre les actionnaires au prorata
de leur participation respective.
Conclusion
La négociation
des mécanismes d'ajustement de prix entre fondateurs
et investisseurs est désormais devenue aussi importante
que celle relative à la valorisation de la société.
La sophistication croissante de ces techniques liée
au développement des pratiques de capital-investissement
mérite un intérêt renforcé de la part des entreprises
confrontées à la nécessité de lever des fonds. Au risque
de voir par l'effet de tels mécanismes, la valeur de
la participation des fondateurs réduite comme peau de
chagrin...
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