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par
Thibault Verbiest
Avocat aux Barreaux
de Paris et de Bruxelles,
chargé d'enseignement
à l'Université Paris I (Sorbonne)
Cabinet
Ulys
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Les
pharmacies en ligne se multiplient. La plupart sont
installées en dehors de l'Union européenne, souvent
aux Etats-Unis, où elles profitent d'une législation
plus clémente. Quelle est la légalité des cyber-pharmacies
en droit français ?
La
publicité en ligne
La publicité en faveur des médicaments
est réglementée par les dispositions du Code de la santé
publique. La publicité auprès du grand public ne peut
concerner que des médicaments qui ne sont ni soumis
à prescription médicale obligatoire, ni remboursables
par des régimes obligatoires d'assurance maladie et
dont l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ne comporte
aucune restriction en matière de publicité auprès du
public (article L. 5122-6 du Code de la Santé publique).
Elle est, en outre, soumise à un contrôle a priori de
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé (Afssaps). Ainsi, la publicité pour tout autre
médicament, sauf exceptions prévues par les textes,
n'est pas accessible au grand public. En outre, toute
publicité auprès du public pour un médicament doit comporter
des mentions obligatoires.
Toutefois,
la publicité auprès des professionnels de santé peut
concerner des médicaments. Elle fait l'objet d'un dépôt
auprès de l'Afssaps dans les huit jours qui suivent
sa diffusion. Toute publicité pour un médicament auprès
des professionnels de santé doit comporter les informations
prévues par l'article R.5047 du code de la santé publique.
Ces informations doivent être accessibles de façon simple
et claire par le professionnel de santé.
Afin de clarifier l'application
des règles précitées à la publicité opérée sur l'Internet,
l'AFSSAPS et le Syndicat National de l'Industrie Pharmaceutique
(SNIP) ont élaboré une "Charte pour la communication
sur Internet des entreprises pharmaceutiques".
Selon cette charte, dans le
cas de publicité auprès de professionnels par bandeaux
publicitaires, les mentions obligatoires complètes devront
être rendues accessibles par un lien incitant clairement
l'internaute à cliquer à partir du bandeau d'appel.
Il sera notamment précisé "mentions obligatoires" en
toutes lettres. En outre, la Charte préconise des "restrictions
réelles d'accès" à l'entrée du site, à savoir l'attribution
d'un code d'accès personnel, remis après avoir vérifié
la qualité de professionnel de santé (numéro d'inscription
au conseil de l'Ordre par exemple).
La
vente en ligne de médicaments : un contrat à distance
Dans quelle mesure de tels produits
peuvent-ils être vendus sur l'Internet ? En droit, la
vente par l'Internet de médicaments est une vente à
distance. C'est donc le Code de la Consommation qui
s'appliquera à la commercialisation à distance de produits
pharmaceutiques.
Toutefois, avant d'appliquer
la réglementation des contrats à distance, encore faut-il
déterminer si la vente en ligne de médicaments soumis
à prescription est permise au regard des dispositions
du Code de la santé publique (CSP) et des règles déontologiques
applicables aux pharmaciens ainsi qu'aux médecins prescripteurs.
L'ouverture
d'une officine virtuelle en France
Les autorités publiques et ordinales
françaises sont réticentes à accepter l'idée d'une officine
pharmaceutique virtuelle. Une analyse des textes applicables
mène toutefois à penser que l'officine virtuelle n'est
pas impossible, même si les contraintes réglementaires
et déontologiques en rendront l'exploitation particulièrement
mal aisée. La vente de médicaments ne peut avoir lieu
que dans une officine pharmaceutique, et sous la surveillance
attentive d'un pharmacien (art. L. 4221-1, L. 5125-8,
et L. 5125-20 CSP).
Première certitude : seuls
des personnes disposant des diplômes et des titres requis
pour exercer la profession de pharmacien pourraient
envisager, en toute hypothèse, d'administrer le site
d'une officine électronique.
Une vente en dehors de l'officine
"physique" est-elle légale ? Le Code de la santé publique
prévoit cette hypothèse : toute commande livrée en dehors
de l'officine par toute autre personne que le pharmacien
ne peut être remise au domicile du patient qu'en paquet
scellé portant son nom et son adresse (art. L. 5125-25
CSP). Dans un arrêt du 16 mai 2000, la Cour de Cassation
a estimé que le code de la santé publique autorise le
portage à domicile de spécialités pharmaceutiques, dès
lors qu'il est effectué à la demande du patient et sous
pli scellé. Toutefois, demeurent interdits la vente
de médicaments par des non pharmaciens ainsi que la
sollicitation de commandes auprès du public et le recours
à des courtiers (art. L. 5125-25 CSP).
Le portage de médicaments au
domicile du patient suite à une commande en ligne est
donc en principe possible. Mais toute distribution en
ligne devra respecter la répartition légale obligatoire
des officines sur le territoire, en fonction du nombre
d'habitants de la commune concernée (art. L. 571 et
s. CSP). Une solution avancée par certains serait de
réserver l'exploitation d'officines électroniques aux
titulaires d'officines de pharmacie physiques.
Une autre difficulté devra
être résolue : le pharmacien responsable a l'obligation
de refuser la dispensation d'un médicament si l'intérêt
de la santé du patient le requiert, et ce, à condition
d'en informer immédiatement le prescripteur et de mentionner
le refus sur l'ordonnance qui lui est présentée par
le patient.
Comment assurer cette obligation
dans un univers électronique où, par hypothèse, le contact
physique est inexistant ? Une réponse partielle peut
être apportée dans le cas où l'ordonnance est susceptible
d'être télétransmise selon une procédure sécurisée qui
garantisse l'identification du médecin prescripteur,
du patient et du pharmacien. Dans ce cas, le refus du
pharmacien de dispenser un médicament pourrait être
indiqué sur l'ordonnance électronique. En l'état actuel
de la technique et du droit, la signature électronique
certifiée, conforme au décret d'application du 31 mars
2001, est la seule voie possible. Les systèmes CPS et
Sésam-Vitale en sont d'ailleurs déjà des applications
dans le domaine des feuilles de soin électroniques.
La télétransmission sécurisée
de l'ordonnance ne permet toutefois pas au pharmacien
d'estimer s'il doit ou non refuser la dispensation du
médicament "dans l'intérêt de la santé du patient".
Dans une affaire de parapharmacie
en ligne, la Cour d'appel de Versailles a ainsi jugé
que la vente des produits par Internet n'était pas possible,
notamment parce qu'elle ne permettait pas le contact
visuel et personnel avec le pharmacien.
C'est en fait la technologie
mise en place qui a été critiquée par la Cour : une
simple "hotline" par courrier électronique a été jugée
insuffisante au regard de l'obligation de conseil personnalisé.
Il n'est donc pas exclu que la technique permette un
"dialogue" en ligne dans des conditions acceptables
pour la pharmacien (par exemple par l'intermédiaire
de webcams). Le processus de commande en ligne devra
en tous cas intégrer cette obligation légale imposée
au pharmacien d'officine.
[thibault.verbiest@ulys.net]
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