JURIDIQUE 
PAR MARC D'HAUTEFOEUILLE ET FLORENCE ZAUDERER
Vidéo à la demande : des enjeux juridiques complexes
Outre l'intégration de la VoD dans la chronologie des médias, le développement de la vidéo à la demande en France va soulever de multiples questions sur les droits d'auteur.   (08/06/2004)
 
Avocats à la Cour, Clifford Chance
 
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Le marché de la vidéo à la demande ("Video on Demand" ou VoD) est un marché émergent en France et prometteur, grâce notamment à l'envolée du haut débit. Fondé sur la diffusion, à la demande du client, d'œuvres audiovisuelles sur un ordinateur, un téléviseur ou un téléphone mobile, à travers un réseau et souvent grâce au système du streaming, la VoD offre aux particuliers la possibilité de choisir à tout moment un film ou tout autre œuvre audiovisuelle (documentaire, bandes annonce) et de la visualiser.

Techniquement innovante, cette activité crée des enjeux juridiques nouveaux liés à son insertion dans la réglementation de la diffusion des œuvres cinématographiques (1). Il faut pourtant la relier aux questions maintenant classiques des contrats de concession ou de cession de droits d'auteur (2) et des risques de contrefaçon inhérents à la numérisation des œuvres et à leur diffusion sur le réseau des réseaux (3).

1. Comment la réglementation de la diffusion des oeuvres cinématographiques s'applique-t-elle à la VoD ?
La chronologie des médias définit l'ordre d'exploitation des œuvres cinématographiques sur les différents supports (salles, vidéogrammes, télévision). Visant en premier lieu à protéger l'exploitation en salles, elle privilégie donc ce mode de diffusion et en fait le point de départ du cycle d'exploitation de l'oeuvre. Ainsi, en principe, l'exploitation d'une œuvre cinématographique sous forme de vidéogrammes (vidéocassettes, DVD) ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la délivrance du visa d'exploitation en salle (Décret du 4 janvier 1983). Ce délai est fréquemment raccourci à neuf ou même six mois. La diffusion par voie télévisuelle est, elle, réglée par des accords interprofessionnels.

La VoD n'est pas, en tant que telle visée par la réglementation. En pratique, les détenteurs de droits VoD débutent leur exploitation en même temps que les détenteurs de droits vidéogrammes, soit six mois après la sortie des films en salles et six mois avant la diffusion sur les télévisions payantes. Néanmoins, cet ordre reste sujet à changement : l'impact en termes de concurrence est tel qu'il est probable que les acteurs du secteur viendront à en débattre.

Pour ce qui est de l'intégration de la VoD dans le système d'aide au cinéma français, le projet de loi sur les communications électroniques discuté le 3 juin devant la commission mixte paritaire, prévoit également son assimilation à la vente ou à la location de vidéogrammes (article 92 Ter du projet de loi communications électroniques). Ainsi, la VoD pourrait être assujettie à une taxe de 2 %.

2. VoD et droit d'auteur : quelle structure contractuelle ?
Selon l'article L.113-7 du Code de la propriété intellectuelle, l'œuvre audiovisuelle (dont fait partie l'œuvre cinématographique) est une œuvre de collaboration dont les droits sont détenus conjointement par le scénariste, l'auteur de l'adaptation, le dialoguiste, le compositeur de la bande musicale et le réalisateur. Habituellement, un producteur prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'œuvre. Au titre de l'article L.132-24 du Code de propriété intellectuelle, il devient, sauf clause contraire du contrat de production, cessionnaire des droits exclusifs d'exploitation de l'œuvre. C'est donc en principe auprès du producteur que la société exploitant des œuvres en VoD devra négocier les droits nécessaires.

Outre le caractère continue de la chaîne de contrats, la société de diffusion doit s'assurer que l'étendue des droits cédés correspond à ses besoins. En effet, conformément aux dispositions de l'article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle, l'ensemble des droits cédés doivent être mentionnés dans l'acte de cession, et l'étendue des droits doit être précisée quant à sa destination, sa durée et son territoire. Pour une diffusion en VoD sur Internet ou sur ADSL, les droits peuvent être acquis pour le monde entier, ou pour une zone géographique déterminée, un système de geo-blocking garantissant alors la diffusion restreinte des oeuvres. Mais une question demeure : les droits d'exploitation (reproduction et représentation) sur Internet recoupent-ils les droits d'exploitation en VoD ? Tout dépend de la rédaction de la clause en question.

De plus, le diffuseur devra s'assurer qu'il peut valablement acquérir ces droits. En effet, le contrat de licence ou de cession de droits qui devra être négocié par la société de diffusion vient au bout d'une chaîne de contrats. Sachant que nul ne peut céder plus de droits qu'il n'en détient, les droits acquis ou concédés au diffuseur doivent avoir été préalablement cédés ou concédés par leurs précédents titulaires. Le Registre Public du Cinéma et de l'Audiovisuel auprès duquel les contrats de production et de coproduction sont inscrits peut être utilement consulté à cet effet.

Enfin, l'article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle précise que l'auteur d'une œuvre doit être rémunéré par une participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation. Dans ces conditions, il sera plus difficile, mais pas impossible, de mettre en place une rémunération forfaitaire.

3. VoD et droit d'auteur : les risques d'atteinte aux droits de l'auteur
Le droit moral de l'auteur tout d'abord, imprescriptible et inaliénable, peut pâtir de la numérisation de l'œuvre cinématographique.

Il faut rappeler à cet égard que l'auteur peut faire valoir son droit moral pour interdire la diffusion de l'œuvre si cette dernière subit une dénaturation. En matière d'œuvre musicale, le Tribunal de Grande Instance de Paris, dans son arrêt du 7 novembre 2003, a pu juger que la réduction de deux compositions de MC Solaar à de simples mélodies numérisées passées en boucle sous forme de sonneries téléchargeables était constitutive d'une atteinte au droit moral de leur auteur. Leur diffusion a ainsi été interdite. En matière cinématographique, la Cour d'Appel de Versailles a ordonné l'interdiction de diffusion d'une version en couleur d'une œuvre cinématographique sur le même fondement du droit moral de l'auteur, dans sa décision du 19 décembre 1994.

Mais c'est surtout le piratage qui se pose comme le risque majeur, bien que des multiples procédés de protection existent. La numérisation de l'œuvre et sa diffusion en ligne paraissent en effet ouvrir la voie aux copies non autorisées (au delà de la simple copie privée). Des parades technologiques existent néanmoins, bien qu'elles soient vite dépassées par les techniques de piratages. Dans ce contexte général, les sanctions de la contrefaçon ont été d'ailleurs récemment aggravées en France et la lutte contre le piratage s'organise aujourd'hui au sein de l'Union Européenne.

La VoD promet donc de nombreux débats juridiques. Mais les accords d'ores et déjà négociés dans les pays anglo-saxons peuvent servir de points de repères.
 
 

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