Avocat aux Barreaux
de Paris et de Bruxelles,
chargé d'enseignement
à l'Université Paris I (Sorbonne) |
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Le 19 octobre, le gouvernement britannique a déposé à la Chambre des Communes un projet de loi très attendu par l'industrie du jeu : le "Gambling Bill", qui vise à modifier de manière fondamentale la réglementation des jeux et paris au Royaume-Uni.
Avec cette nouvelle loi, le Royaume-Uni est sur le point de rejoindre Malte, premier Etat membre de l'Union européenne à s'être doté d'une législation complète sur les jeux et paris par voie électronique.
Le projet de loi britannique s'inscrit aussi dans le débat houleux de la libéralisation du marché européen des jeux, lancé par l'arrêt Gambelli de la Cour de justice des Communautés européennes (lire l'article du 14/11/03). Depuis, la Commission européenne ne fait pas mystère de son intention de réguler, au grand dam des loteries nationales.
Nul doute donc que la future législation britannique mettra de l'huile sur le feu
Rétroactes et philosophie du projet de loi
En 1999 déjà, le gouvernement britannique avait annoncé son intention d'étudier sérieusement la possibilité de revoir la législation sur les paris et jeux de hasard afin de permettre aux bookmakers et casinos britanniques d'opérer sur Internet.
C'est que de plus en plus de bookmakers établissent leurs serveurs dans des contrées offshore afin d'échapper (ou tenter d'échapper) à la rigueur de la législation britannique en la matière.
Conséquence : les taxes sur les paris et les jeux avaient alors chuté de 10 % en un an.
Depuis plus de trois ans, les autorités britanniques planchent sur une nouvelle législation visant à rationaliser le système de licences et de contrôles des jeux et paris, en intégrant les nouvelles formes de jeux de hasard par voie électronique (internet, télévision interactive etc.).
Le processus a été jalonné de plusieurs rapports, dont le Livre Blanc de mars 2002 ("A Safe Bet for Success") du gouvernement et l'avant- projet de loi publié en novembre 2003.
La future loi sur les jeux s'articule autour de trois principes fondamentaux :
- la protection des mineurs et d'autres personnes vulnérables contre les dommages causés par le jeu
- la lutte contre le crime organisé (blanchiment de capitaux, etc.)
- le contrôle de l'honnêteté du jeu
Afin d'atteindre ces objectifs, le projet de loi crée un nouvel organe de régulation : la "Gambling Commission", qui succédera à l'actuel "Gaming Board", et qui supervisera tous les types de jeu et paris, à l'exception des jeux de la Loterie Nationale.
Une régulation des jeux "à distance"
La grande nouveauté de la future loi est sans conteste la régulation annoncée de tous les types de jeux à distance ("remote gambling"), définis comme étant "tout jeu de hasard organisé au moyen de communications à distance".
Le projet vise explicitement internet, la téléphonie mobile, la télévision interactive, la radio et "toute autre technologie électronique permettant une communication à distance".
En outre, il est prévu que le Secrétaire d'Etat ("Secretary of State") pourra préciser par voie de règlements qu'un système donné de communication à distance doit, ou ne doit pas, être traité comme une forme de communication à distance au sens de la loi.
Un opérateur pourra donc solliciter une licence ad hoc afin d'offrir des jeux et paris par voie électronique. Des infractions sont prévues en cas d'organisations de tels jeux sans licence.
Il est ainsi illégal d'offrir des jeux à distance sans licence lorsqu'"au moins un des éléments de l'équipement de jeu à distance est situé en Grande-Bretagne". Par équipement de jeu à distance ("remote gambling equipment"), la loi en projet entend tout équipement électronique ou autre utilisé par ou au nom d'une personne offrant des jeux à distance dans le but de :
- enregistrer des joueurs
- présenter des jeux virtuels
- déterminer le résultat du jeu
- accepter des paiements
La future loi précise que les joueurs eux-mêmes ne sont pas punissables (comme en France et Belgique), à l'exception des joueurs de moins de 18 ans.
Est également réprimé le fait de mettre à disposition un moyen de communication à distance (un ordinateur connecté à l'internet par exemple) configuré de manière à faciliter la participation à un jeu de hasard non autorisé. Cela peut viser notamment les cybercafés qui mettent sur la page d'accueil de leurs ordinateurs des liens vers des casinos virtuels offshore.
Il est aussi prévu que "commet une infraction à la présente loi toute personne qui utilise en Grande-Bretagne un équipement de jeu à distance dans le but de faciliter ou d'inciter une personne à participer à un jeu de hasard à distance dans un territoire prohibé". Est considéré comme "territoire prohibé" tout pays désigné comme tel par le Secrétaire d'Etat. Une manière de préserver les bonnes relations diplomatiques de la Grande-Bretagne avec les pays étrangers qui se plaindraient de l'invasion de bookmakers anglais sur la toile
Protection des mineurs
Le projet prévoit d'incriminer le fait d'inciter un mineur à jouer, notamment en envoyant tout document publicitaire au profit du jeu ou en portant à la connaissance du mineur toute information au sujet du jeu dans le but de l'encourager à jouer.
La portée de cette incrimination n'est pas claire lorsqu'il s'agit de l'appliquer à des sites web de jeu. En particulier, le simple fait de proposer des jeux de hasard via le web est-il suffisant pour caractériser l'infraction ou faut-il en plus "cibler" spécifiquement des mineurs (par l'envoi de mails par exemple) ?
Les opérateurs de jeu devront-ils mettre en place des systèmes de vérification de l'âge des joueurs afin d'échapper à la prohibition ?
Selon les premières déclarations officielles, l'intention du gouvernement serait bel et bien d'imposer le recours à des systèmes de vérification de l'âge.
Il appartiendra in fine à la future "Gambling Commission" de se prononcer. Elle pourra à cet égard développer et rendre obligatoires des codes de conduite, tels que prévus dans la loi en projet.
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