JURIDIQUE 
PAR ARNAUD DIMEGLIO
Prospection directe : J - 8
A partir du 22 décembre, les collecteurs d'e-mails devront avoir obtenu l'autorisation des personnes pour réaliser de la prospection directe.  (14/12/2004)
 
Avocat à la Cour, docteur en droit
 
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La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) a posé un principe clair d'interdiction de la prospection directe par courrier électronique à l'égard des personnes physiques, sans autorisation préalable de leur part. La LCEN met ainsi fin à l'ancien système dit de "l'opt-out", qui permettait la prospection sauf opposition des destinataires des messages, pour laisser place au système dit de "l'opt-in" lequel exige une autorisation préalable. Mais en pratique, faute de sanctions prévues par le législateur, il n'est pas certain que cette interdiction soit respectée, et par suite condamnée par les tribunaux.

La loi du 21 janvier 2004 a introduit le principe de l'interdiction de la prospection électronique directe, dans les articles L. 33-4-1 du Code des postes et des télécommunications, et L. 121-20-5 du code de la consommation. Le principe est rédigé de la manière suivante : "Est interdite la prospection directe au moyen d'un automate d'appel, d'un télécopieur, ou d'un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d'une personne physique qui n'a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospection directe par ce moyen". La loi ajoute une définition du consentement, et de la prospection directe.

Toutefois, comme le précise la LCEN, la règle de l'interdiction ne s'applique pas si les coordonnées du destinataire du message ont été recueillies directement auprès de lui, en conformité avec la loi de 1978, et à l'occasion de la vente d'un bien ou de la fourniture d'un service.

Mais pour que cette exception s'applique, il faut en outre que la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne, avec possibilité offerte au destinataire de s'y opposer.

Obtenir l'autorisation des personnes
Afin de permettre la transition entre les systèmes de l'opt-out et de l'opt-in, la loi 21 juin 2004 a en outre prévu une période de 6 mois à compter de sa publication, pendant laquelle peut être sollicité le consentement des personnes dont les données ont été collectées avant sa publication.

La loi ayant été publiée le 22 juin 2004, les collecteurs de données personnelles ont jusqu'au 22 décembre prochain pour obtenir l'autorisation des personnes concernées. A défaut de consentement dans ce délai, une présomption de refus s'appliquera. Le titulaire des données devra alors re-collecter les données, avec l'autorisation des personnes s'il souhaite effectuer de la prospection directe.

Ceux sont donc principalement les annonceurs acheteurs d'adresses e-mails qui ne pourront plus expédier de courriers publicitaires. Il convient néanmoins de préciser que la loi du 21 juin ne vise que la prospection directe des personnes physiques, et non des personnes morales. Par ailleurs, si le principe d'interdiction est certain, on peut légitimement se demander quelle sanction serait appliquée en cas de non respect.

Des sanctions incertaines
La loi du 21 juin 2004 n'a prévu aucune sanction au principe d'interdiction de la prospection directe. Le fait de violer ce principe d'interdiction serait bien entendu considéré comme une faute par le tribunal qui aurait à trancher entre un individu spammé, et l'expéditeur du message. On peut néanmoins se demander quel serait le préjudice réel que pourrait invoquer le particulier, et parier que le montant des dommages et intérêts alloués serait moindre.

Certes le spammeur pourrait voir son contrat d'abonnement au fournisseur d'accès résilié, mais contrairement au mail bombing, le spam commercial ne vise pas à entraver le fonctionnement des fournisseurs d'accès. Dans une affaire jugée en 2001 par la Cour d'appel de Paris, un individu a ainsi été relaxé faute de preuve par le FAI de cette entrave (Paris, 18 déc. 2001, C Y c/Grolier Interactive). Le spammeur n'encourrait ainsi que des sanctions civiles (dommages et intérêts, résiliation de contrat), et non pénales (prison, amende).

Dans le prolongement de cette jurisprudence, on peut s'interroger sur l'application aux spammeurs de l'infraction d'introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé (art. 323-3 du Code Pénal). En effet, à notre connaissance, la jurisprudence n'a jamais sanctionné sur ce fondement un spammeur, et il n'est pas évident qu'un mail adressé à une personne puisse rentrer dans le cade de cette qualification.

Anachronismes possibles
On pourrait alors songer à l'application des infractions pénales relatives au traitement des données à caractère personnel, récemment toilettées par la loi du 6 août 2004, et codifiées aux articles 226-16 à 226-23 du Code pénal.

Cependant la loi du 6 août 2004 modifiant la loi de 1978, a été adoptée dans le but de transposer une directive européenne de 1995 (directive 95/46/CE), laquelle prévoyait alors encore le système du opt-out et non de l'opt-in. Ce qui implique que le nouvel article 226-18-1 du Code pénal prévoit de sanctionner la prospection uniquement si le destinataire n'a pas fait opposition, et non s'il n'a pas donner son consentement préalable...

Resterait alors le pouvoir de sanction de la CNIL. Mais la CNIL est compétente pour sanctionner des manquements à la loi de 1978, et non des interdictions fixées dans le Code des Postes et des Télécommunications, ou encore le Code de la consommation.

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Il en résulte par conséquent des incohérences, et des anachronismes dans les sanctions, qui à n'en pas douter, seront exploitées par les annonceurs. On peut ainsi s'attendre à ce que nombre d'entre eux tentent de passer au travers les mailles du filet, et qu'au final, la règle d'interdiction des mails commerciaux reste un beau principe inappliqué.

 
 

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