JURIDIQUE 
PAR ERIC CAPRIOLI
Les ventes en ligne de plus de 120 euros gardées en mémoire
Depuis le 18 février, les e-marchands ont l'obligation de garder trace pendant 10 ans du contrat de vente de toute commande d'un minimum de 120 euros. Une décision qui impose une politique d'archivages scrupuleuse.  (01/03/2005)
 
Avocat à la Cour de Paris et docteur en droit
 
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Le premier décret pris en application de la Loi pour la Confiance dans l'économie numérique (LCEN) a été publié au Journal officiel du 18 février 2005. Il est pris par le Premier ministre en application de l'article L. 134-2 du code de la consommation et il va sans dire qu'il était très attendu des professionnels du commerce en ligne.

Désormais, lorsque le contrat est conclu par voie électronique et qu'il porte sur une somme égale ou supérieure à un montant de 120 euros, le contractant professionnel assure la conservation de l'écrit qui le constate pendant un délai de 10 ans, et il en garantit à tout moment l'accès à son cocontractant (le consommateur) si celui-ci en fait la demande. Le texte ne s'applique pas aux relations entre professionnels (BtoB).

Déjà l'article 1369-1 du code civil, introduit par la LCEN, prévoyait que "Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. Sans préjudice des conditions de validité mentionnées dans l'offre, son auteur reste engagé par elle tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait."

On pouvait s'interroger sur le positionnement du seuil au-delà duquel le cybercommerçant serait tenu d'archiver les contrats et les conditions générales de ventes ou de services. Une première approche aurait pu consister à choisir le même montant que celui fixé par le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 portant modification de la procédure civile (JO du 22 août 2004, p. 15032) soit 1.500 euros.

Mais un tel choix aurait eu pour conséquence de ne toucher qu'une faible minorité des contrats de consommation en ligne, même si avec la LCEN de nouvelles offres de contrats vont apparaître sur le marché dans différents secteurs économiques (banque, industrie, assurance, …). Dans la pratique, on sait que la grande majorité des achats sur l'internet se situent en dessous de 100 euros.
 
"Le gouvernement a choisi de ne pas poser de règles pour les transactions courantes."
 
Le gouvernement a choisi une seconde approche qui consiste à ne pas poser de règles pour les transactions dites courantes (places de spectacles, livres, musique, Dvd, etc.) et à ne protéger que les consommateurs en ligne pour des montants de 120 euros et plus. Le délai de conservation fixé à 10 ans court pour la livraison du bien ou l'exécution de la prestation immédiate à compter du moment de la conclusion du contrat. En cas de livraison ou de prestation différée, le délai court à compter de la date de livraison ou d'exécution de la prestation.

Le délai est certainement trop long, mais c'est un délai de conservation pré-fix, ce n'est pas un délai de prescription qui lui peut être interrompu, notamment par une action en justice pouvant ainsi reporter de quelques années le délai réel du besoin juridique de l'archivage. Toutefois, on remarquera que rien n'est précisé quant au contrôle (la DGCCRF ?) et aux sanctions de l'obligation.

Une telle obligation pesant sur les cyber-commerçants n'existe pas au plan communautaire. Elle est censée avoir un double objectif : protéger les consommateurs en leur permettant d'accéder à leurs contrats et assurer la sécurité juridique des conventions pour les professionnels. On peut néanmoins estimer qu'elle risque de freiner le développement du commerce électronique ou de contribuer à la hausse des prix à la consommation.

Ces nouvelles dispositions ont des conséquences économiques importantes pour les entreprises qui proposent la vente de biens ou la prestation de services sur l'internet. Elles ont désormais l'obligation, depuis le 19 février 2005, date de son entrée en vigueur, de mettre en place des solutions d'archivage adaptées aux nouvelles exigences légales.
 
"Les e-marchands vont devoir mettre en place une politique d'archivages des contrats et conditions contractuelles."
 
Pour ce faire, il conviendra de mettre en place une politique d'archivage des contrats et des conditions contractuelles à des fins de preuve et de validité en cas de litige. La politique comportera des règles sur la fiabilité du système, la documentation des procédures, la sécurité (ex : horodatage) et l'auditabilité. La mise en place d'une solution d'archivage implique une forte imbrication des dimensions juridique, technique et organisationnelle qui doivent être menées de concert en fonction des besoins d'archivage des documents de l'organisation en cause. Actuellement, les professionnels du commerce en ligne disposent des moyens juridiques et techniques pour archiver leurs documents électroniques contrairement.

Or, le texte ne précisant pas si l'obligation de conservation doit s'entendre à titre gratuit, on peut supposer que certains professionnels intègreront ce service dans leur stratégie commerciale en le faisant payer ou en l'offrant à leurs clients.

En outre, plusieurs organismes ont entamé des travaux sur la question de l'archivage (comme la Fédération Nationale des Tiers de Confiance, l'Agence pour le Développement de l'Administration Electronique ou le forum des droits sur l'internet). De ces réflexions devraient émerger des recommandations, de nouveaux usages et des normes nécessaires à la confiance du marché de l'économie numérique.

Outre cette nouvelle obligation qui pèse sur les cyber-commerçants dans les conditions mentionnées ci-dessus, plus généralement, les entreprises doivent mettre en œuvre leur politique globale d'archivage électronique en assurant sa sécurité.
 
 

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