JURIDIQUE 
PAR MARIE ANNE GALLOT-LE-LORIER
Peer to Peer : Télécharger coûte moins cher...
Le 21 avril 2005, le Tribunal correctionnel de Meaux a condamné quatre internautes adeptes du peer-to-peer à des amendes avec sursis et à des dommages et intérêts symboliques. Cette décision tranche par sa clémence.  (31/05/2005)
 
Marie Anne Gallot-Le-Lorier Avocat associé, responsable du département Droit des créations au cabinet Flecheux & Associés
 
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Le développement des échanges illicites de fichiers numériques protégés par le droit d'auteur a atteint sur Internet une ampleur sans précédent. Un succès massif auprès du grand public qui s'explique par la possibilité d'échanger ainsi gratuitement des fichiers musicaux et vidéos. Pour endiguer ce fléau du peer-to-peer, les juges français étaient apparus, jusqu'à présent, plus sévères que leurs homologues étrangers.

Cependant, la lecture des décisions les plus récentes fait apparaître que cette tendance semble s'inverser. La dernière décision rendue montre que si les juges rejettent l'exception de copie privée, dont se prévalent les internautes, et accueillent les actions civiles en contrefaçon des sociétés de perception et syndicats professionnels, ils allouent des dommages et intérêts d'un montant qui reste généralement symbolique et peu dissuasif.

De la sévérité...
Le 29 avril 2004, le Tribunal de grande instance de Vannes a lourdement condamné six internautes pour s'être constitués une collection de films, albums musicaux, jeux ou logiciels en les téléchargeant puis en les copiant sur support CDR ou DVDR et imprimant les jaquettes afin de les conserver ou de les envoyer par courrier à ceux qui leur en faisaient la demande. Le juge les a condamnés à des peines allant de 1 à 3 mois de prison avec sursis ainsi qu'à verser entre 2.000 et 5.800 euros de dommages et intérêts aux parties civiles, auteurs, sociétés d'auteurs, syndicats professionnels.

Le montant des dommages et intérêts est ici conséquent. Il convient cependant de relativiser la sévérité de cette condamnation. A titre d'illustration, un des prévenus a été condamné à la somme de 5.300 euros de dommages et intérêts pour avoir téléchargé 814 CD-Rom de films au format divX et de logiciels et 13 CD d'œuvres musicales au format mp3. Dans ce cas, le prix de revient du CD-Rom piraté est donc de 6,5 euros alors que le prix d'un Cd-Rom de film commercialisé par les détaillants est d'environs 20 euros.

Le 29 décembre 2004, le Tribunal de grande instance de Blois n'a pas plus reconnu aux prévenus le droit de copie privée : adresser un disque gravé à un ami n'est pas de "l'usage privé". Les juges se sont montrés, dans cette affaire également, très rigoureux à l'égard des prévenus, en les condamnant à verser la somme de 20.000 euros aux parties civiles pour 200 CD de films et logiciels trouvés à leur domicile.

Le 2 février 2005, le Tribunal de Pontoise a condamné un internaute pour contrefaçon, suite au téléchargement d'environ 10.000 œuvres musicales. L'internaute a été condamné à régler une amende de 3.000 euros avec sursis et à verser, à titre de dommages et intérêts, aux parties civiles (SACEM, SCPP, SDRM) une somme d'un montant de 10.200 euros. Or, cette somme correspond, en réalité, au prix total que cet internaute, adepte de l'échange numérique, aurait payé s'il avait téléchargé les morceaux incriminés sur un site légal.

A la clémence...
La décision récente du 21 avril 2005, rendue par le Tribunal correctionnel de Meaux, marque une rupture. Elle ne condamne, en effet, les quatre internautes adeptes du peer-to-peer qu'à des peines d'amende avec sursis ainsi qu'à des dommages et intérêts bien symboliques. D'après les calculs effectués par l'avocat des prévenus, le montant des dommages et intérêts alloués aux sociétés de gestion des droits ne dépasserait pas, ainsi, les 0,75 centimes d'euros par titre, alors qu'il en coûte 0,99 centimes par titre à l'internaute qui téléchargerait l'œuvre sur un site légal.

Dans de telles conditions, il est clair que le téléchargement d'œuvres, quelles soient musicales ou cinématographiques, conserve un intérêt financier évident pour les adeptes de l'échange numérique. Il en sera ainsi tant que le montant des dommages et intérêts à verser aux ayants droit restera inférieur au prix que l'internaute aurait dû payer s'il avait acheté le support physique de l'œuvre, CD ou DVD, ou bien s'il avait téléchargé l'œuvre sur un site légal. Même dans l'hypothèse où il serait convoqué devant une juridiction pénale, l'internaute apparaît financièrement gagnant.

Ces décisions ne sont donc pas assez sévères pour être dissuasives. Alors que l'industrie de la musique ressent, depuis déjà quelques années, les graves conséquences économiques du peer-to-peer et que l'industrie du cinéma est de plus en plus confrontée à ce phénomène, il serait grand temps de trouver des solutions cohérentes. 

 
 

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