JURIDIQUE 
PAR THIBAULT VERBIEST
Quel statut pour un service de quasi vidéo à la demande ?
La cour de justice des communautés européennes a tranché en indiquant que ce service relevait de la notion de radiodiffusion télévisuelle.  (18/08/2005)
 
Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, chargé d'enseignement à l'Université Paris I (Sorbonne)
 
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La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) vient de rendre un premier arrêt important (2 juin) dans le débat houleux de la convergence des médias, de l'Internet et des télécoms. Cet arrêt aura sans nul doute des répercussions importantes en droit national, en particulier au moment où fleurissent de nouvelles offres de télévision interactive (TNT, téléphonie mobile etc.).

La Cour devait, en l'espèce, se prononcer sur la qualification d'un service de "quasi vidéo à la demande" (ou "near video on demand"). Un tel service est-il un service de radiodiffusion télévisuelle au sens de la directive 89/552 (dite "Télévisions sans frontières"), ou un service de la société de l'information au sens de la directive 98/34 et de la directive sur le commerce électronique, avec les conséquences que cela pose en termes de régulation (soumission au contrôle d'une autorité de régulation audiovisuelle, respect de l'obligation de consacrer un certain pourcentage de temps d'antenne à des oeuvres européennes etc.) ?

En droit français, ces notions renvoient respectivement à celles de "service de télévision" et de "communication au public en ligne" ( loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique).

Les faits
La société néerlandaise Mediakabel propose à ses abonnés le service "Mr. Zap", qui leur permet de recevoir, grâce à un décodeur et une carte à puce, des programmes télévisés qui complètent ceux diffusés par le fournisseur du réseau. Mediakabel propose, par ailleurs, l'accès payant ("pay per view") à des programmes supplémentaires dans le cadre d'un service appelé "Filmtime".

Si un abonné de "Mr. Zap" souhaite commander un film du catalogue "Filmtime", il en fait la demande séparée par sa commande à distance ou par téléphone et, après s'être identifié par un code personnel et avoir payé par encaissement automatique, il reçoit une clé individuelle qui lui permet de regarder, aux horaires déterminés par Mediakabel, un ou plusieurs des 60 films proposés mensuellement.

La question posée par la cour
Pour l'essentiel, le juge national voulait savoir si le fait, pour un émetteur, d'offrir des films qui sont diffusés sur un réseau à des horaires préétablis et sous une forme codée, et qui peuvent être regardés par des clients au moyen d'une clef de décodage particulière qui leur est envoyée après le versement du paiement prévu, constituait une "radiodiffusion télévisuelle" au sens de la directive 89/552, ou un "service de la société de l'information", au sens de la directive 98/34.

L'arrêt de la cour
La Cour précise qu'un service relève de la notion de "radiodiffusion télévisuelle", visée à la directive européenne, s'il consiste en l'émission primaire de programmes télévisés destinés au public, c'est-à-dire à un nombre indéterminé de téléspectateurs potentiels, auprès desquels les mêmes images sont simultanément transmises. La technique de transmission des images n'est pas un élément déterminant dans cette appréciation.

Un service tel que "Filmtime", qui consiste à émettre des programmes télévisés à destination du public et qui n'est pas fourni à la demande individuelle d'un destinataire de services, est un service de radiodiffusion télévisuelle.

Le critère déterminant de cette notion est bien celui de l'émission de programmes télévisés "destinés au public". Le point de vue du prestataire du service doit par conséquent être privilégié dans l'analyse de cette notion.

Conclusion
Cet arrêt n'est pas réellement une surprise pour les juristes. En effet, la directive 98/34 prévoit expressément au quatrième alinéa de l'article 1er, point 2, qu'elle ne s'applique pas "aux services de radiodiffusion télévisuelle visés à l'article 1er, point a), de la directive 89/552/CEE".

Ensuite, dans la même directive 98/34, à l'annexe V, point 3, sous a), après qu'il est répété que la définition précitée ne couvre pas les services de "transmission télévisuelle visés à l'article 1er, point a), de la directive 89/552/CEE", il est expressément prévu que les services de "quasi vidéo à la demande" sont "compris" dans cette dernière notion.

La CJCE n' a donc fait que confirmer, en l'argumentant, une qualification déjà convenue et consacrée par le législateur européen. Cette qualification vaut d'ailleurs aussi pour les services de "quasi vidéo à la demande" disponibles sur l'Internet ou via téléphonie mobile, comme l'insinue la Cour lorsqu'elle précise que "La technique de transmission des images n'est pas un élément déterminant dans cette appréciation."

Logique au lendemain de l'adoption du "paquet télécom" qui consacre le principe de la neutralité dans le traitement des réseaux de communication électronique. L'arrêt commenté ne constitue donc pas une révolution, d'autant qu'il ne porte pas sur la qualification des vrais services de vidéo à la demande, caractérisés par une réelle interactivité avec l'utilisateur, qui choisit son programme comme bon lui semble. Pour ces services, le débat juridique continue à faire rage, notamment entre le CSA et les opérateurs…

 
 

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