Thibault
Verbiest, Avocat aux Barreaux de Paris et de
Bruxelles, chargé d'enseignement à l'Université
Paris I (Sorbonne)
Pascal Reynaud, Avocat au Barreau de Paris |
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A la recherche de la bonne affaire,
le consommateur prend confiance dans le commerce électronique
et n'hésite plus à acheter des produits ou des services
à l'étranger. Quelle est la loi applicable à ce contrat ?
Cette question est complexe et va sans doute connaître
une modification importante.
Rappel
du régime actuel de la Convention de Rome
Aujourd'hui, la question de la loi applicable aux obligations
contractuelles est réglée par la Convention de Rome du
19 juin 1980. Celle-ci consacre le principe fondamental
de la "loi d'autonomie" : les parties sont en principe
libres de choisir la loi qui régira leurs relations contractuelles,
et ce même si la loi qu'elles désignent n'a aucun lien
avec le contrat (sous réserve d'une fraude à la loi, et
de l'application par le juge saisi de ses lois de police
ou d'ordre public).
Toutefois, l'article 5.2 introduit une importante dérogation
au principe de l'autonomie de la volonté : la liberté
de choix ne peut pas avoir pour résultat de priver le
consommateur de la protection que lui assurent les dispositions
impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence
habituelle dès lors que l'une des deux hypothèses suivantes
est rencontrée
1. la conclusion du contrat a été précédée dans le
pays du consommateur d'une proposition spécialement faite
ou d'une publicité et le consommateur a accompli dans
ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat,
ou
2. le cocontractant du consommateur ou son représentant
a reçu la commande dans ce pays.
En pratique, l'article 5.2 donne lieu à de sérieuses difficultés
d'application. Notamment, comment déterminer si la disposition
litigieuse issue de la loi du consommateur est une règle
impérative ?
Devant les difficultés d'application de la Convention
de Rome de 1980, la Commission propose de donner compétence
à la seule loi du consommateur, sans autre possibilité
de choix dans le contrat. Elle reprend aussi le critère
de "l'activité dirigée" déjà utilisé dans le Règlement
du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire,
la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
civile et commerciale.
La solution
du projet de Règlement Rome I : La loi unique du
consommateur
Le Règlement proposé par la Commission apporte
une solution simple : elle consiste dans la seule
application de la loi de la résidence habituelle du consommateur
(art. 5.1).
Art. 5-1 : Les contrats de consommation au sens
et dans les conditions prévus au paragraphe suivant, sont
régis par la loi de l'Etat membre dans lequel le consommateur
a sa résidence habituelle.
Pour éviter les difficultés relevées ci-dessus, la Commission
propose de choisir une seule loi pour l'ensemble du contrat.
Le choix de la loi du commerçant ne paraît pas équitable.
Il ne reste donc que la loi du consommateur. La portée
pratique de cette nouvelle solution :
1. Le commerçant devra nécessairement prendre connaissance
des lois nationales des consommateurs.
2. Les clauses relatives à la loi applicable deviendront
très souvent sans effet. Une mise à jour des contrats
pourrait s'imposer.
3. Une attention toute particulière doit être portée à
la question de la résidence du consommateur dans les formulaires
proposés sur les sites de vente à distance.
4. Il existe une protection pour le commerçant :
en cas de mensonge du consommateur sur son lieu de résidence,
le choix de la loi du consommateur ne s'impose plus. Le
projet tient ainsi compte de l'ignorance de la résidence
du consommateur non imputable au commerçant.
Principale
condition d'application de la loi du consommateur :
"l'activité dirigée"
La loi du consommateur sera applicable à la
condition que le site de commerce électronique dirige
ses activités vers l'Etat du consommateur (projet d'article
5.2). En simplifiant, le raisonnement sera le suivant
:
- S'agit-il d'un contrat B to C ?
- L'activité du commerçant vise-t-elle l'Etat du consommateur ?
Si les réponses sont positives, la loi du consommateur
s'appliquera, sans autre choix.
En cas de réponse négative, il conviendra de s'en remettre
aux mécanismes généraux du projet de Règlement Rome I :
- Choix de la loi applicable par les parties ?
- Loi applicable à défaut de choix ?
- Rôle des lois de police ?
Le critère de "l'activité dirigée", figure déjà à l'article
15 c du Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, du 22 décembre
2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance
et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Pour interpréter cette notion, dont le champ d'application
est très large, on reprendra les indications fournies
par la Commission : "Le simple fait qu'un site
Internet soit accessible ne suffit pas à rendre applicable
l'article 15, encore faut-il que ce site Internet invite
à la conclusion de contrats à distance et qu'un contrat
ait effectivement été conclu à distance, par tout moyen.
A cet égard, la langue ou la monnaie utilisée par un site
Internet ne constitue pas un élément pertinent".
Un site qui se limiterait donc à donner des informations
sur un produit ou un service sans aucune possibilité de
commande ne tombera pas dans le champ d'application des
futures dispositions de Rome I. |