Avec
Alain Bensoussan Avocats
VENTE
AUX ENCHERES ET INTERNET
|
par
Brigitte Misse, avocat à la Cour, directeur du Département
Communication Concurrence et Consommation de
Alain
Bensoussan - Avocats,
|
"L'Internet est une vaste
salle de vente modulable et extensible à l'infini pour tenir
compte des modifications de l'espace physique dans lequel
sont diffusées les offres de vente aux enchères."
L'Internet est une vaste salle de vente, qui même si elle
se situe au fin fond de l'espace virtuel, se retrouve soumis
aux droits du pays où elle accessible.
C'est ce que viennent de rappeler
les juges du Tribunal de grande instance de Paris, dans une
décision du 3 mai 2000 :
- qui précise les principales
règles afférentes, à ce jour, aux ventes aux enchères organisées
sur l'Internet ;
- qui rappelle
très clairement que ces ventes relèvent du monopole des commissaires-priseurs
et ce, peu importe qu'elles soient organisées, via un site
Internet, localisé aux Etats-Unis.
Cette première décision pose donc
les prémices de la réglementation applicable, à ce jour, sur
le Web.
Réglementation, qui devrait néanmoins évoluer compte tenu
du projet de loi visant à encadrer les enchères
Loi applicable et enchères
La société Nart
Inc. organisait sur son site Web, hébergé par Victoire Multimédia,
société de droit américain, des ventes aux enchères d'objets
mobiliers, tandis que la société Nart Sas, société d'édition
et de presse en ligne, de droit français, apportait à la société
Nart Inc. une assistance logistique pour la première vente.
Bien que cette vente s'organisait
aux Etats-Unis et que les informations étaient hébergées par
une société de droit américain, le Tribunal de grande instance
de Paris vient de faire application de la loi française à
cette vente.
En effet, les demandeurs,
la Chambre nationale des commissaires-priseurs et la Chambre
de discipline des commissaires-priseurs, avaient fondé leur
action sur le terrain délictuel en considérant que ces sociétés
avaient violé les dispositions de la loi du 25 juin 1841 sur
les enchères.
Dès lors, ils avaient pu saisir la juridiction du lieu du
fait dommageable et ce, conformément aux dispositions de l'article
46 du nouveau Code de procédure civile.
Les juges ont pu préciser qu'en l'espèce, "le dommage ayant
été subi en France et plus particulièrement à Paris, la loi
française est incontestablement applicable au litige".
Une décision qui s'inscrit dans
la droite ligne des différentes jurisprudences sur Internet
et qui appliquent la loi française dés lors que le préjudice
est subi en France. Une décision qui s'inscrit également dans
la droite ligne des autres médias, puisqu'une publicité comparative,
diffusée dans un journal américain, doit respecter la loi
française dès lors que l'annonceur cité dans cette publicité
est installé en France.
Internet et Enchères
En second lieu, le Tribunal de grande instance de Paris
a considéré que les ventes organisées par ces sociétés NART
présentaient toutes les caractéristiques d'une vente publique
aux enchères. En cela, il a plus particulièrement examiné
si les principales caractéristiques des ventes aux enchères
étaient réunies en l'espèce.
En effet, seules certaines ventes sont susceptibles d'être
qualifiées d'enchères. S'entendent généralement comme telles,
celles où le vendeur met publiquement la chose qu'il désire
vendre avec engagement de la céder au plus offrant. Deux caractéristiques
essentielles doivent dés lors être réunies pour qu'une vente
soit qualifiée d'enchères : être publique et aux enchères.
Sur la première caractéristique, les juges ont considéré que
la vente des sociétés NART "présentait en réalité toutes les
caractéristiques d'une vente publique puisqu'elle était accessible
à tout internaute intéressé". De même, s'agissant du critère
de l'enchère publique, ils ont pu relever que "l'émulsion
provoquée par le feu des enchères, de même que la simultanéité
des enchères, subsiste dans le cas d'une vente aux enchères
en ligne, l'internaute qui participe à la vente ayant une
connaissance des enchères portées et pouvant former une enchère
plus élevée, dans des conditions de délai certes différentes,
mais adaptée à la nature de la vente en ligne et aux exigences
techniques spécifiques qui en découlent." Dès lors, cette
vente ne pouvait n'être organisée que par les seuls commissaires-priseurs.
Enchères et évolution
Même si les juges viennent de condamner, pour la première
fois, une vente aux enchères sur l'Internet, ceci ne saurait
permettre de considérer que toutes ces ventes sur ce média
sont interdites. En effet, seules sont visées celles concernant
soit les biens d'occasion, soit les biens neufs et sous réserve
que le processus de vente utilisé présente les caractéristiques
susvisées.
Par ailleurs, est actuellement en cours de discussion auprès
du Parlement français, un projet de loi visant à redéfinir
les règles afférentes aux enchères. Or, ce projet vise, en
l'état actuel de sa rédaction, les ventes sur l'Internet.
S'il a essentiellement pour objet de définir les nouvelles
modalités de ventes volontaires de meubles d'occasion aux
enchères publiques, de supprimer le monopole des commissaires-priseurs
ou bien encore d'ouvrir cette activité aux ressortissants
européens, l'adoption de ce texte ne signifiera pas la fin
de la réglementation de ces ventes.
Désormais, seules les ventes aux enchères publiques portant
sur des biens d'occasion ou sur des biens neufs issus directement
de la production du vendeur - si celui-ci n'est ni commerçant,
ni artisan - pourraient être organisées. De même, elles ne
pourraient être réalisées que par des sociétés commerciales,
dites sociétés de ventes volontaires, qui devront obtenir
un agrément du Conseil des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques, présenter des garanties suffisantes en
terme d'organisation, de moyens techniques, d'assurance ...
et disposer de comptes destinés exclusivement à recevoir des
fonds détenus pour le compte d'autrui... De même, s'agissant
de la publicité des ventes volontaires de meubles, des conditions
précises devront être respectées.
C'est ainsi que le prix de réserve
devra être connu. Si le bien est estimé, ce prix ne peut être
fixé à un montant supérieur à l'estimation la plus basse figurant
dans la publicité ou annoncée publiquement par une personne
qui procède à la vente.
Considérer aujourd'hui que l'ensemble
des ventes aux enchères en ligne sont interdites suite à la
décision du Tribunal de grande instance de Paris ne saurait
être une certitude, puisqu'encore conviendra t-il d'examiner
qu'elles sont les prestations proposées aux enchères et qu'elle
est la méthode commerciale retenue pour savoir si cette activité
est interdite. Enfin, avec l'adoption du nouveau projet de
loi en cours, de tels sites pourraient se développer en toute
légalité. [B.M., mai
2000]
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