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Jean-Baptiste Rudelle
PDG
Criteo
Jean-Baptiste Rudelle
"Tous les sites qui gèrent d'énormes volumes de contenus auront besoin d'une technologie de filtrage"
Activité, partenariats, Web 2.0, ressources techniques, projets... Jean-Baptiste Rudelle a présenté pendant une heure le modèle Criteo, moteur de recommandations qui a levé 3 millions d'euros en avril dernier.
(31/08/2006)
 
En quelques mots, qu'est-ce que Criteo ? Que m'apporte votre société à moi, ménagère de moins de 50 ans ?
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Dossier Web 2.0
Jean-Baptiste Rudelle. Criteo est un moteur collaboratif. Le principe est d'utiliser l'expérience des autres internautes pour découvrir plus rapidement ce qui est pertinent pour soi. Pour la ménagère, cela permet d'aller directement sur les produits qui sont susceptibles de lui plaire, sans devoir browser pendant des heures.

En quoi votre service est-il différent de celui d'Amazon ?
Excellente question que nous ont posée tous les financiers qu'on a rencontré ! Le moteur d'Amazon permet de comparer les produits entre eux, alors que Criteo compare les utilisateurs de manière relative. Pour donner un exemple, si vous aimez Matrix, mais que vous n'avez pas aimé le deux, Amazon va vous recommander le trois. Pourtant on constate statistiquement que ceux qui n'ont pas aimé le deux, n'ont en général pas aimé le trois. Et puis, Amazon est disponible uniquement en Internet ! Notre moteur, au contraire, est offert à tous les sites qui le souhaitent en marque blanche.

Chez quel client avez-vous intégré la solution Criteo ? Des grands comptes ? Quand pourrons-nous profiter des recommandations de votre moteur sur un grand site d'e-commerce ?
On vient de signer un très gros compte, qui devrait être livré en octobre prochain. Il faut en moyenne 2 à 3 semaines pour intégrer la technologie Criteo sur un site marchand.

Votre business model repose-t-il sur la vente aux grands comptes ou sur les commissions que vous récupérez quand un internaute achète via votre site ?
Notre site est essentiellement un site de démonstration. Il n'a pas vocation à être une source de revenus. Nous vendons la techno en marque blanche à des grands portails verticaux et à des sites de commerce électronique. La technologie est diffusée en ASP sous forme de Web services, ce qui facilite l'intégration. La facturation s'effectue selon le nombre d'utilisateurs actifs par mois. C'est très simple et transparent.

Nous nous plaçons en amont des comparateurs"
Quelle différence avec les comparateurs de prix ?
On vient en amont d'un comparateur. Un comparateur de prix suppose que vous savez ce que vous recherchez. Or bien souvent, l'internaute n'a qu'une idée très vague de ce qu'il veut. Par exemple, il veut "un film sympa" ou "un nouveau T-shirt cool", mais n'est pas capable d'être plus explicite. Le comparateur de prix est pertinent quand l'internaute a déjà fait un premier choix parmi une liste de produits.

Le moteur Criteo est-il spécifique aux films ? Pourriez-vous me recommander des restaurants ou des voyages ?
Le moteur Criteo compare les utilisateurs les uns avec les autres. Donc, il peut s'appliquer virtuellement sur toutes les catégories de produits. Bien sûr, ça marche mieux sur les gros catalogues et les produits où il existe une certaine subjectivité (produits culturels, vêtements, restaurants, blogs...) que les produits purement techniques (barrette mémoire...) où une simple description technique et la moyenne des avis suffissent.

Un partenariat avec DailyMotion est-il envisageable même s'ils ne font pas de e-commerce (donc pas de commission) ?
Ce type de partenariat est en effet très pertinent. D'ailleurs on vient de faire une démonstration de notre technologie de filtrage collaboratif sur le catalogue YouTube. La démo est visible sur l'onglet vidéo du site www.criteo.com. Cela permet d'avoir un filtrage plus précis que les tags. Car ces sites de vidéo ont tellement de succès que le système de tags est débordé. Quand vous tapez "chien" et qu'on vous sort 5.000 résultats, on voit qu'un autre niveau de filtrage est nécessaire. Le filtrage collaboratif (sur les goûts des autres internautes) est particulièrement pertinent dans ce cas. On vous montre que ce les gens qui vous ressemblent ont aimé.

Un partenariat avec YouTube et Myspace est-il possible ?
Le partenariat avec YouTube est déjà sur les rails. Avec Myspace, pourquoi pas. On n'a pas encore discuté avec eux. Mais il est clair que tous les sites qui gèrent d'énormes volumes de contenus auront besoin tôt ou tard d'une technologie de filtrage.

Combien d'utilisateurs réguliers compte Criteo ?
Le modèle mathématique de la technologie a été calé sur plus de 150.000 profils clients. Le trafic sur le site Criteo n'est pas très significatif. Mais c'est avant tout un site de démonstration et non un site B2C.

Votre équipe compte combien de collaborateurs ?
On est 15 personnes. Et à la recherche de commerciaux pour ceux que cela intéresse. La conduite de projets de transformation Web 1.0 à Web 2.0 que l'on fait pour nos clients nécessite des gens avec une bonne culture Web. Voilà pour la pub RH !

Et comment faites-vous pour financer une telle équipe ?
Nous avons levé 3 millions d'euros auprès de capitaux-risqueurs : AGF, PE, et ELAIA.

Nous atteindrons l'équilibre fin 2007"
A quand l'équilibre opérationnel ?
D'ici la fin 2007. Les investissements en R&D sont en effet très importants

Plus les membres de Criteo évaluent de films plus ma recommandation est pertinente. Je souhaiterai connaître quel est le taux maximum de fiabilité que vous ayez constaté sur la partie DVD ? En gros, à quand le 99 % ?
99 % est malheureusement impossible ! Mais on y travaille. En effet, le principe est que plus les gens évaluent de produits, plus les recommandations sont pertinentes. De même pour les produits. Il y a un effet boule de neige vertueux qui va très vite sur les sites à fort trafic.

Quel a été l'investissement de départ ? Quel est le ticket d'entrée pour vos clients ?
Pour Criteo, l'investissement c'est essentiellement 2 ans de R&D avec les labos de l'INRIA et de Supélec. En effet, la techno est vraiment nouvelle. En ce qui concerne nos clients, ils ne payent que ce qu'ils utilisent. C'est tout l'intérêt pour eux d'externaliser cette brique technologique.

Filtrage de contenus, approche collaborative,... cela suppose que les sites soient fortement tournés vers l'expérience client. Plus que vers le mode catalogue un peu brutal. Comment jugez-vous l'état de maturité des portails média et de commerce de ce point de vue ?
Bonne question ! Les grands leaders de l'Internet sont encore vraiment au démarrage de leur réflexion sur le sujet. Pour l'instant, la recherche par mots clés domine encore les esprits. Mais il faut réaliser que rechercher par mot clé suppose de... savoir ce qu'on cherche ! Or on l'a vu, c'est loin d'être toujours le cas. Par ailleurs, le système de tags est victime de son succès. Vous tapez "CPE" dans un moteur de recherche de blogs et vous avez 90.000 résultats de postes. Comment savoir ceux qui sont pertinents pour vous ?

En quoi Criteo est-il Web 2.5 ?
Haha, j'adore ce concept. Plus sérieusement, on peut dire que le Web 2.0, c'est le web collaboratif. Avec pour conséquence une explosion de l'information disponible. Le Web 2.5, c'est le filtrage intelligent de cette information. Le Web 2.0 c'est aussi les tags. On a vu que sans des nouveaux outils au dessus, le Web 2.0 risque de buter sur ses propres limites en termes de complexité pour l'utilisateur. D'ou l'idée de Web 2.5 !

Marc Simoncini de Meetic estimerait que le Web 2.0 c'est du vent. Votre point de vue ?
Le problème c'est qu'on met tout et n'importe quoi sous ce mot. Ce qui est vrai, c'est qu'une nouvelle génération de sites a des taux de croissance énormes alors qu'ils étaient inconnus il y a deux ans. On a l'impression que les lignes du Web se remettent à bouger. C'est cela le Web 2.0, un grand vent de fraîcheur après la gueule de bois de l'après bulle.

Le Web 2.0 c'est du Web 1.0 mais sans frein technologique pour le grand public ?
D'une certaine manière, oui. C'est le grand public qui s'approprie des outils qui avant, étaient réservés aux pros. Par exemple, le fait de pouvoir publier son propre Webzine sous la forme d'un blog. Alors que faire un vrai site Internet reste compliqué pour le grand public. La conséquence est un effondrement du coût de production de l'information. D'ou une nécessité encore plus criante de la filtrer. Sinon on sera submergé sous tout et n'importe quoi.

Il y a un risque d'emballement, mais les fondamentaux restent sains"
Ne craignez-vous pas une bulle comme en 99 ? Ce serait un coup dur pour une boite 100 % virtuelle ?
Il y a toujours un risque d'emballement. Néanmoins, les fondamentaux restent beaucoup plus sains. Les gros sites sont presque tous rentables, et l'audience est devenue énorme. C'est rigolo de voir que beaucoup d'élucubrations qu'on proférait en 2000, sont en passe de devenir vraies. On s'est simplement trompé sur le timing.

Etes-vous confiant pour l'avenir de Criteo ?
OUI ! Le besoin de filtrage est énorme. Comme cela nécessite des technos très complexes (pour fonctionner en temps réel sur de gros volumes), c'est un métier de spécialiste. La demande est donc très forte pour des solutions comme la nôtre. En tant que premier entrant, on a une position privilégiée. Mais bon, il faut toujours rester un peu paranoïaque.

Prévoyez-vous une deuxième levée de fonds ?
Pour l'instant, ce n'est pas d'actualité. Notre cash burn est très raisonnable, et nous avons une forte visibilité.

Aux Etats-Unis, d'autres sites proposent déjà une technologie similaire à la vôtre. Quelles sont, vos opportunités de développement à l'International ?
Pour l'instant, il existe en effet un concurrent sérieux aux USA. Notre priorité est avant tout l'Europe. Sur cette zone, il nous semble qu'on a pas mal d'avance. Beaucoup de sites prétendent savoir faire des recommandations personnalisées. Mais quand on creuse, très peu sont capables de proposer une offre industrielle qui peut convenir aux exigences d'un grand compte.

Envisagez-vous d'ouvrir votre système de recommandations aux développeurs sous forme d'API comme Google, eBay, Amazon...
Oui, bien sûr on y pense. Pour l'instant la priorité est plutôt sur les grands comptes, mais si un développeur indépendant arrive avec un projet sympa, on est tout à fait disposé à lui ouvrir un accès.

Nous avons un label qui garantit que les recommandations ne sont pas orientées commercialement"
La DGCCRF enquête sur "l'objectivité" des comparateurs de prix. Doit-elle aussi s'inquiéter de l'objectivité de votre moteur de suggestions ?
Plutôt qu'objectivité, je parlerai de transparence. Pour qu'un système de recommandation soit efficace, il est essentiel que les internautes jouent le jeu. Cela nécessite d'avoir leur confiance, donc d'être transparent. C'est la raison pour laquelle on propose des explications et des indices de fiabilité à toutes nos recommandations. Nous avons aussi un label Criteo qui garantit que les recommandations ne sont pas orientées commercialement.

Puisque le filtrage demande de grosses ressources, comment espérez-vous gérer la totalité du catalogue de YouTube et particulièrement les vidéos peu vues ?
C'est toute la complexité de l'algorithme et une grosse partie de la R&D qui a été réalisée. Non seulement il faut être capable de gérer des millions de produits, mais il faut pouvoir donner des réponses en temps réel, et cela à des milliers d'internautes de manière simultanée. C'est en général par ces problèmes de capacité qu'on fait la différence entre les systèmes commerciaux comme Criteo et les bouts de code en open source qu'on peut trouver sur Internet.

Quelles sont vos ressources techniques? Serveurs, bande passante...
On est hébergé chez Colt, à côté des plus grosses pointures de l'Internet Français. Pour avoir la confiance de grands comptes, il faut aussi leur montrer qu'on utilise des prestataires de premier plan.

Est-ce grâce à la revente de Kewee que vous avez financé le projet Criteo ?
Pour le démarrage, cela a été en effet une aide précieuse. A la fois financièrement, mais aussi pour tous les contacts et l'expérience de cette première expérience d'entrepreneur.

Ne craignez-vous pas des piratages de votre système ?
A priori notre système est difficile à tromper. Pour cela, il faudrait créer des milliers de profils, tous différents, ce qui est assez compliqué. Par ailleurs, les flux avec les clients sont sécurisés. Seuls des id anonymes circulent. Difficile de reconstituer quoi que ce soit avec cela.

Quel est donc votre salaire à ce stade ? Et dans un an une fois le break even atteint ?
Je me paye en dessous du marché (ce qui est la moindre des choses dans une start-up). Après le break even, on en reparlera avec nos financiers.

Qu'avez-vous fait comme études ?
J'ai fait une école d'ingénieur (Supelec) et un master en Télécom à Londres.

Qu'avez-vous fait depuis la revente de Kewee ?
J'ai d'abord pris un break de 6 mois où j'ai écrit un livre. L'idée était de montrer le regard d'un entrepreneur sur l'économie. Après, j'ai eu envie de replonger dans l'opérationnel : et hop, me voici jusqu'au cou dans Criteo et j'adore cela !

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Dossier Web 2.0

Que peut-on vous souhaiter pour cette année?
J'espère que nous allons permettre une prise de conscience des grands acteurs français que le filtrage de l'information est leur prochain défi majeur. Et puis, on s'éclate dans notre boulot, ce qui est déjà un grand plaisir.

Jean-Baptiste Rudelle. Merci à tous pour vos questions. Et vive le Web 2.5 !

 
 
Propos recueillis par Rédaction JDN & JDN Solutions

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