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Giuseppe de Martino
Président
Association des fournisseurs d'accès et de services Internet
Giuseppe de Martino
"Les négociations sur la VoD sont au point mort"
Le président de l'Association des fournisseurs d'accès Internet a répondu avec bonne humeur aux questions des internautes, sur des sujets variant de l'amélioration de la relation client à la consolidation du marché, en passant par les hotlines et la revendication d'une fenêtre à six mois sur la VoD.
(29/03/2007)
 
Quels sont les chartes et principes de fonctionnement de l'AFA ? Combien comptez-vous de membres ?
Giuseppe de Martino. L'AFA existe depuis 1997 (une grande fête cette année pour les 10 ans...) et réunit les principaux fournisseurs d'accès fixes et mobiles B2C et B2B, ainsi que les portails comme MSN, Yahoo et AOL. Google vient de nous rejoindre et Darty également. Le but de l'association est de mettre en avant les pratiques de notre industrie, ses "codes et usages", et de faire de la pédagogie tous azimuts pour mieux expliquer nos objectifs et nos difficultés.

Pourquoi Google a-t-il intégré l'AFA ?
Parce que nous sommes représentatifs, parce que nous avons une déontologie dans laquelle Google s'est reconnu et parce que pour nous c'était important d'accueillir un acteur aussi important que Google, dont certaines problématiques sont très proches des acteurs classiques de l'association.

Etes-vous toujours directeur juridique d'AOL ?
Oui. AOL est devenu un portail avec une ambition très forte de distributeur de divertissements. Nous avons - enfin :-) - trouvé un type super qui a tout compris au business des portails, Benjamin Faes, et je suis très fier d'être à ses côtés ! Mais je suis ici pour parler de l'AFA.

Pourquoi Free ne fait-il pas partie de votre association ? Cela ne décrédibilise-t-il pas votre action (Free est le 2ème FAI en France) ?
Free a longtemps été membre de l'AFA et nous a quittés il y a quelques années car nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes en matière de "codes et usages" évoqués plus haut. Free est le seul acteur qui manque à l'association, on vit très bien sans eux mais la porte ne leur est pas fermée à double tour.

Avez-vous une éthique pour les membres ?
L'amélioration de la relation client est l'un de nos cinq dossiers prioritaires."
Et toc ? Une éthique évidemment, nous partageons la même volonté de présenter nos activités de la façon la plus claire possible, de faire de la p-é-d-a-g-o-g-i-e envers tous les décideurs et envers le public et de démontrer quelle chance Internet est pour les Français et comment on doit préserver cette chance.

Combien coûte l'adhésion à l'AFA ?
C'est en fonction du chiffre d'affaires, les barèmes sont en ligne sur notre site qui comprend plein d'informations à mon sens très utiles : www.afa-france.com.

L'AFA se sent-elle concernée par l'amélioration des relations client de la part des FAI ?
Bien sûr, c'est l'un de nos cinq dossiers de référence : nous participons par exemple depuis septembre 2005 aux tables rondes du ministre de l'Industrie : plus de 60 réunions avec associations de consommateurs et DGCCRF qui se sont soldées par plus de 20 engagements très précis.

Quelle réponse apporter face aux plaintes relevées par l'Afutt et la DGCCRF dans le secteur de l`Internet ?
Tout d'abord une idée de base qu'on ne met pas assez en avant : nos clients sont sacrés. Nous sommes dans un secteur hyper concurrentiel et chaque acteur ne pense qu'à une chose : comment satisfaire ses clients, pour les fidéliser et leur donner le meilleur service possible. Ensuite, rappelons-nous que notre technologie Internet n'est pas totalement mature mais que tout va s'améliorer, nous sommes confiants. Enfin, rappelons-nous que les abonnés haut débit ont augmenté de plus de 30 % pour atteindre presque 13 millions. Cela compense le nombre de plaintes même si ce n'est pas absolument une excuse.

Enfin bis, nous pensons que les abonnés vont aussi acquérir une meilleure maîtrise de nos outils et que certains types de plaintes vont diminuer : on donne toujours le même chiffre mais il est bon de rappeler que 60 % des appels vers une hotline FAI ne concernent pas la relation FAI-abonné, mais des problèmes d'ordinateurs (comment changer de clavier, l'imprimante a des ratés, etc.). Nous sommes un peu le "grand frère" féru de nouvelles technos et on a un peu le réflexe de nous appeler pour tout ce qui touche de près à l'ordinateur familial.

L'AFA n'est pas un médiateur. Notre rôle est d'informer nos membres."
Noos Numericable fait-il partie de l'AFA ? Si oui, comment pouvez-vous agir pour satisfaire ses clients ? De manière générale, avez-vous une force de contrainte sur vos membres ?
Noos Numericable fait bien partie de l'AFA et, croyez-moi, fait tout pour faire oublier ses difficultés. Notre rôle à l'AFA est de transmettre à nos membres toutes les informations des pouvoirs publics, toutes les avancées de nos discussions pour que les membres les mettent en pratique. Notre "force de contrainte", pour reprendre votre expression, c'est relayer ce que nous entendons par ailleurs à nos membres et veiller à nos fameuses pratiques et usages.

Etes-vous vraiment sûrs que les clients sont sacrés, sachant qu'ils sont plus ou moins captifs (surtout en dégroupage total), face à la montagne de démarches à réaliser pour changer de fournisseur. Est-ce que ce ne sont pas plutôt les prospects qui sont sacrés ? Et est-ce que la priorité n`est pas la pub plutôt que la relation client ?
Nous investissons 200 millions d'euros par an en relation client car nous savons que c'est un poste crucial. Quant au caractère captif, il ne dure qu'un temps. Rien n'est pire pour le bouche à oreille que des mauvaises expériences.

Peut-on adresser une plainte à l'AFA en cas d'insatisfaction ?
Nous ne sommes pas un médiateur, votre FAI est votre interlocuteur naturel et croyez-moi encore une fois, la loi du marché fait qu'il se doit de vous satisfaire.

Est-ce que l'AFA va prendre d'avantage d'initiatives contre les sites a caractère raciste, violent ou pédophile pour la jeunesse sur Internet ?
Deux initiatives clés : nous avons créé en 1998 une hotline électronique, via mail, qui réceptionne et transmet aux autorités répressives (environ 10.000 par an) les signalements qui sont faits par les internautes en matière de pédo-pornographie et d'incitation à la haine raciale. De plus, s'il s'agit de sites étrangers, nous transmettons également au réseau mondial de hotlines à laquelle nous appartenons (Inhope). Tous les renseignements sont à l'adresse suivante : www.pointdecontact.net

Sur le contrôle parental, la France grâce à l'AFA est à la pointe de ce qui se pratique : dans le cadre d'un accord de novembre 2005 avec le ministre de la Famille, chaque FAI membre de l'AFA fournit un outil de contrôle parental sans surcoût à chacun de ses abonnés. Libre à eux ensuite de l'installer, d'un simple clic.

Où en sont les accords avec le gouvernement pour améliorer la satisfaction des consommateurs ? Le report du vote de la loi sur la consommation remet-il tout en cause ?
La vingtaine d'engagements auxquels nous sommes parvenus depuis fin 2005 a donné lieu à divers textes : guide pédagogique sur l'Internet, grille standardisée sur les offres commerciales, meilleure lisibilité des publicités. Quant à la gratuité du temps d'attente des hotlines, nous n'avons pas eu besoin d'une loi : presque tous les acteurs la pratiquent et les autres vont s'y mettre bientôt. Comme le gouvernement lui même l'a constaté, ce n'était pas une mesure simple car avec des points techniquement très complexes.

Nous voulons que les films soient disponibles en VoD avant 33 semaines"
Où en sont les négociations sur la vidéo à la demande ?
Nulle part, nous n'avons plus de réunions depuis que l'accord est tombé en décembre dernier. Nous le regrettons car au-delà d'un accord sur la place (la "chronologie") de la VoD, nous estimons qu'il est primordial de développer une offre de VoD riche et attractive. Avec seulement 1.000 films disponibles aujourd'hui, la VOD ne peut décoller et contrer la contrefaçon.

Quelles sont les revendications des FAI sur la VoD ? Pourquoi ne trouvez-vous pas d'accord ?
Nous voulons que les films soient disponibles en VoD le plus rapidement possible après la sortie en salles. Avec l'accord de 2005, les films n'étaient disponible que 33 semaines et demi après cette sortie et c'était bien trop tard ! Dans le même ordre d'idée, 70 % des films sont disponibles en DVD six mois après leur sortie, alors que 25 % seulement sont disponibles en VoD 33 semaines et demi après la sortie en salles : c'est trop peu !

La filière cinéma n'est pas unanime sur le bon délai pour la VoD, mais ce sont surtout les craintes des chaînes de télévision payantes et de l'industrie de la vidéo, que la VoD phagocyte leurs fenêtres, qui bloquent les discussions. Résultat : on n'avance pas et l'habitude de pirater s'ancre dans les habitudes des internautes, faute encore une fois d'une offre légale riche et attractive.

Qu'est-ce que l'impôt Internet dénoncé par Free ? Tous les FAI vont-ils devoir le payer ?
Ce n'est pas un impôt Internet ! Il s'agit d'une taxe liée à la distribution de services télévisuels quel que soit le support (satellite, câble ou ADSL). Pour nous, c'est une chose normale d'entrer dans ce cercle vertueux de la taxe si nous accédons effectivement à la distribution de ces services TV. Le problème est que nous n'avons pas la possibilité d'offrir la même richesse de contenus et de chaînes que les autres supports.

Les FAI devront aider la production audiovisuelle française, bonne nouvelle non ?
Si on distribue effectivement les chaînes, on paie une taxe. Mais celle-ci n'aidera effectivement la production audiovisuelle que lorsque elle sera importante, et elle ne pourra l'être que si nous réalisons un gros chiffre d'affaires sur les offres de TV sur ADSL. Or cela n'est possible encore une fois que si nous pouvons accéder à l'ensemble du contenu (chaînes) disponible. Et ce n'est pas le cas aujourd'hui !

Pensez-vous que les FAI vont continuer à négocier des exclusivités avec les majors de l'industrie du cinéma concernant leur projet de VoD ?
Tout est une question de négociations de gré à gré avec ces majors : si un FAI représente une alternative crédible aux acteurs traditionnels, pourquoi pas. Et en dehors des majors, on a vu par exemple avec le film de Karl Zéro que la VoD peut être une fenêtre très intéressante pour la renommée d'un film. Même chose pour la production indépendante, la VoSD représente la "Long tail" idéale pour une exploitation pérenne.

Le tout répressif de la loi DADVSI ne peut fonctionner..."
Que pense l'AFA de la loi DADVSI ?
Nous avions travaillé avec l'industrie du cinéma à un mécanisme d'"approche graduée" : il s'agissait pour nous de relayer des messages des ayants droit de plus en plus gradués à des internautes présumés contrefacteurs. C'était pour nous la bonne solution car elle privilégiait l'information et la pédagogie sur le caractère sacré du droit de la propriété intellectuelle. Notre proposition n'a pas été débattue, on se rappelle pourquoi… Depuis, on est dans le statu quo et le tout répressif ne peut fonctionner...

Il y a de moins en moins de FAI en France suite aux mouvements de consolidation… Que deviendra l'AFA lorsque le marché n'en comptera plus que trois ?
Mais l'AFA comprend également des portails, des "petits" FAI et, croyez-moi, avec dix ou trois grands FAI, les problématiques doivent toujours être traitées que ce soit en matière de conservation des données, de protection de l'enfance, de consommation, d'accès aux contenus ou de spam.

Qui va racheter selon vous Club Internet ? Allez, un scoop... Maintenant que vous êtes chez Neuf, savez-vous si Neuf a fait une proposition ?
Je ne suis pas chez Neuf, AOL a simplement cédé son activité accès à Neuf Cegetel pour se concentrer sur son vrai savoir-faire : le portail et la régie publicitaire. Et croyez-moi ça marche ! Quant à Club, je fais confiance au talent de Marie-Christine Levet, qui m'a précédé à la présidence de l'AFA, pour trouver le bon partenariat.

Aujourd'hui les hébergeurs et fournisseurs de plates-formes ne sont juridiquement pas responsables de ce qui circule sur leurs réseaux : c'est un peu facile, non ? Qui mieux qu'un FAI peut surveiller son réseau ?
La surveillance c'est en Chine que ça a lieu ! Nous avons une certaine éthique liée à la naissance de l'Internet et nous ne surveillons pas l'activité de nos abonnés : c'est impossible techniquement et c'est interdit par la loi (ce qui est une bonne chose). Un point simple qu'on ne met pas assez en avant : un FAI ne sait absolument rien sur la navigation de ses abonnés. La seule chose qu'il sait, c'est quand son abonné s'est connecté et pour combien de temps. On ne sait absolument pas si l'abonné surfe, s'il écrit un mail ou s'il télécharge, licitement ou pas.

Pensez-vous que la fibre optique va révolutionner le marché français de l'Internet ? N'est-ce pas une nouvelle fracture numérique ?
Nous sommes contre une obligation sur la hotline dans nos politiques commerciales."
En France, nous avons déjà les plus hauts débits d'Europe et les plus bas tarifs. On fait le maximum pour réduire cette fracture, mais il est vrai que presque 50 % des foyers n'ont pas encore franchi le Rubicon et découvert l'Internet. Nous sommes donc favorables à toute mesure (accompagnement des internautes néophytes, PC et Internet à bas prix pour les plus défavorisés) qui les inciterait. Le problème du très haut débit est surtout : qu'allons-nous mettre dans ces tuyaux quand la norme passera de 20 à 100 ou plus Mbits/s ? D'où la question cruciale pour nous de l'accès aux contenus (chaînes TV et VoD) que je mentionnais avant.

La hotline gratuite, une nécessité selon vous ?
Chaque acteur du marché doit être libre de faire ses choix commerciaux et le consommateur détaillera l'équation "abonnement + hotline + débit + services" pour faire son choix. Nous sommes contre une obligation quelle qu'elle soit dans nos politiques commerciales !

Pensez-vous que le prix moyen de l'accès Internet haut débit va remonter avec l'arrivée d'offres de fibre optique ?
Les tarifs sont très bas en France du fait de la pression concurrentielle. Donc ils pourraient remonter mais les différents acteurs présents nous réservent encore beaucoup de bonnes surprises.

L'AFA est-il un organe de lobbying à l'américaine ?
On se voit plutôt en tant que pédagogues essayant d'expliquer à des interlocuteurs qui ne connaissent forcément les spécificités d'Internet, ou qui ont des a priori primaires, ce que sont les véritables enjeux de notre industrie à la pointe de l'innovation dans le monde.

Aujourd'hui, c'est la course à la vitesse avec des offres à 30 euros. Demain, avec la fibre chez tout le monde, quel sera le facteur différenciant ?
Les contenus, les contenus, les contenus, et évidemment en socle la qualité de service.

Quels sont les grands dossiers de l'AFA et priorités pour cette année 2007 ?
Toujours les mêmes depuis 10 ans (d'où la grosse fête !) : responsabilité des intermédiaires techniques (nous) avec la problématique accès aux contenus, le contrôle parental avec l'amélioration des logiciels que nous fournissent des éditeurs qui devraient se "professionnaliser", la qualité de service, la conservation des données / collaboration avec les autorités judiciaires.

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 Giuseppe de Martino
 AFA
Dossier Très haut débit
Discutez-vous avec vos homologues européens, d'autres "AFA" ?
Oui, nous sommes membres de l'EuroIspa, l'association des "AFA" européennes, et ils nous regardent souvent avec des yeux ronds (d'envie ?) quand on leur raconte nos chartes (contre les sites odieux, pour la musique légale, pour la VoD ou pour un contrôle parental pour tous) : on est en avance en France !

Giuseppe de Martino. C'est fini pour aujourd'hui, merci au JDN pour ce qu'il est et à vous pour la richesse de vos questions ! A bientôt sur le Net...
 
 
Propos recueillis par Rédaction JDN & JDN Solutions

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