Depuis le début de l'été, les niveaux de rémunération
des PDG français des grandes sociétés cotées
alimentent la polémique. A tel point que la Commission des
lois de l'Assemblée nationale a demandé au Medef de "mettre
de l'ordre" dans les salaires des grands patrons. La Commission
reproche à ces grands patrons des niveaux de salaire en hausse
constante, alors que la plupart des entreprises accusent des résultats
en baisse. Mais
comment, en quelques semaines, ce débat s'est-il installé
sur la place publique ? Plusieurs études en sont à
l'origine. La première est à mettre à l'actif
de l'European Corporate Governance Institute (l'ECGI). Cet institut,
basé à Bruxelles, a publié mi-juin un rapport,
révélé par Le Nouvel Observateur, sur
les salaires des patrons
les mieux payés des 300 plus grosses entreprises cotées
européennes.
Selon l'ECGI, avec 1,85 million d'euros les grands patrons français
bénéficieraient du salaire annuel moyen le plus élevé,
devant leurs homologues britanniques qui pointent à 1,55
million. Sur les six pays européens étudiés,
le salaire moyen s'établit à 1,33 million d'euros.
Les patrons français arrivent également en tête
du classement sur un autre critère : la part variable
du salaire. En France, cette part serait de 47,12 % alors que
la moyenne européenne est de 39,61 %.
Rémunération
annuelle moyenne des PDG (source ECGI - en euros, brut
avant impôts)
|
Pays |
Salaire
moyen
|
Dont
fixe
|
Dont
variable
|
France |
1 849
899
|
51,77 %
|
47,12
%
|
Royaume-Uni |
1 546 408
|
56,23 %
|
31,59 %
|
Pays-Bas |
1 374
705
|
48,63 %
|
40,81
%
|
Allemagne |
1 182 435
|
42,47 %
|
47,06 %
|
Italie |
1 049
994
|
52,97 %
|
37,68 %
|
Suède |
982
943
|
64,56 %
|
33,43 %
|
Autre élément à verser au dossier, l'enquête
réalisée début juillet par Le Journal des
Finances. Selon l'hebdomadaire boursier, le salaire des patrons
du CAC 40 était, en moyenne, de 2,07 millions d'euros en
2002, en progression annuelle de 15 %. Sur la même période,
les pertes cumulées des entreprises du CAC 40 ont dépassé
les 20 milliards d'euros et le CAC 40 a reculé de près
de 34 %. La part variable du salaire des grands patrons français,
pourtant la plus élevée d'Europe, ne serait donc guère
en prise directe avec les résultats des entreprises.
Cette "panne de corrélation" entre le salaire des grands
patrons et le résultat financier des entreprises avait déjà
été soulevée dès l'année dernière
par Proxinvest. Dans une troisième étude qui alimente
aujourd'hui le débat, le cabinet indique qu'en 2001, les
salaires des PDG du CAC 40 ont augmenté de 18 % alors
que l'indice parisien a baissé de 23 %.
Deux facteurs expliquent principalement cette hausse accentuée
de la rémunération des PDG français depuis
quelques années : les "parachutes dorés" (c'est-à-dire
les primes de départ) et les plans de stock-options. Des
mécanismes qui se sont emballés entre 1998 et 2000,
lors de la bulle Internet. Curieusement, les salaires des patrons
des grandes entreprises traditionnelles sont devenus les derniers
vestiges vivants de la Nouvelle Economie.
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