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Eric Piétrac (Deloitte & Touche)
"La relation entreprises-salariés devient une relation marques-consommateurs"
Les marques doivent affronter la pression des citoyens en faveur du développement durable. Demain, les entreprises devront affronter des salariés en faveur du développement personnel.
(novembre 2003)

Dossier

Les marques connaissent déjà le phénomène : elles doivent satisfaire des consommateurs de plus en plus exigeants, informés et critiques. Un mouvement largement relayé, parfois amplifié, par le développement durable. Les entreprises doivent se préparer tôt ou tard à affronter le même phénomène dans leurs relations avec les salariés. Eric Piétrac, DRH de Deloitte & Touche France, et Serge Perez, PDG de l'agence de communication corporate Mediasystem, se sont penchés sur cette évolution. Dans Entreprises-salariés : une autre idée de la relation (Jacques-Marie Laffont Editeur), les deux hommes expliquent les conséquences de ce phénomène sous l'angle des ressources humaines. Rencontre avec Eric Piétrac.

Comment les relations entreprises-salariés ont-elles évolué ces dernières années ?
Eric Piétrac. La notion de travail a changé, elle est aujourd'hui très chargée en terme d'affect. Pour certains salariés, c'est une source de plaisir, pour d'autres de souffrance. La volonté de trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle est de plus en plus affichée. Jusqu'au début des années 90, la relation entreprises-salariés était basée sur un mode gagnant-perdant : les salariés obtenaient des avantages quand le marché de l'emploi leur était favorable, puis les entreprises en profitaient à leur tour quand le marché se dégradait. Depuis une dizaine d'années, nous sommes passés dans un rapport donnant-donnant, où chacun défend son pré carré. Avec le papy-boom et la maturité croissante des interlocuteurs, nous nous dirigeons cette fois vers un mode gagnant-gagnant, c'est-à-dire une négociation raisonnable du contrat de travail, tenant compte d'éléments légaux et psychologiques. Les entreprises doivent se préparer à ce changement de dimension, car il s'agit d'une évolution sociologique globale.

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Uneautreideedelarelation.com

Vous parlez d'une maturité croissante des interlocuteurs. A quoi correspond ce phénomène ?
L'évolution actuelle est très liée au développement des nouvelles technologies et des transports, à la mondialisation et à la forte progression du niveau de connaissance des individus. A long terme, la pression des citoyens pour le développement durable et celle des individus pour le développement personnel seront croissantes. Ces deux tendances vont se rejoindre en un point qui constituera dans les relations marques-consommateurs et entreprises-salariés un mode gagnant-gagnant. Ce phénomène mettra probablement au moins un siècle pour s'installer, mais paraît inéluctable.

Quelles influences aura cette évolution sur la gestion des ressources humaines ?
Longtemps les salariés ont constitué une variable d'adaptation, des ressources à optimiser. Or, dans les faits, on ne peut pas considérer les ressources humaines au même titre qu'une tonne de charbon. L'entreprise va devoir être capable d'appréhender la personne qui se situe derrière chaque salarié. Cette démarche est d'autant plus importante que nous nous orientons vers une guerre des talents. Non seulement il y aura une pénurie de main d'œuvre, mais en plus la différence se fera sur les talents, pas sur les process. Car les salariés vont devenir des ambassadeurs de l'entreprise.

Comment l'entreprise doit-elle se préparer à cette évolution ?
Le mouvement doit venir des deux parties, c'est-à-dire des entreprises et des salariés, chacune des parties devant comprendre les enjeux de l'autre. Suivant cette logique, les entreprises ont intérêt à écouter les salariés, à comprendre leurs attentes. Ensuite, à chaque entreprise de tracer son chemin, selon sa vision, sa culture, son histoire. Tout comme une marque avec la promesse produit, une entreprise devra instaurer une promesse salarié. Celle-ci devra être en adéquation avec ce qui se passe réellement en interne. Les individus sont de plus en plus exigeants sur la promesse produit : iI n'y a aucune raison pour que les salariés de demain se comportent différemment avec l'entreprise.

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Et comment le salarié doit s'y préparer ?
Le salarié doit avant tout garder à l'esprit son "employabilité". Car, avec cette évolution, les compétences vont suivre la courbe de vie d'un produit : elles monteront en puissance puis déclineront. Par exemple, vous pouvez être au début le seul à maîtriser une technologie, avant qu'elle ne se généralise puis qu'elle soit finalement remplacée par une autre. Il faut donc être conscient de l'usure de ses compétences, veiller à se former et à être à jour, être toujours "achetable". Le salarié devient ainsi sa propre entreprise. Cela va accroître la pression qui pèse sur lui, mais c'est la rançon de l'autonomie. Dans ce système, les plus faibles risquent d'être les plus exposés.

PARCOURS
Eric Piétrac est ingénieur des Mines d'Alès et diplômé du MBA de l'EM Lyon. Il a commencé sa carrière au sein de la Compagnie Saint-Gobain comme ingénieur de production puis dans des fonctions RH. Il est aujourd'hui DRH pour la France de Deloitte & Touche.

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Rédaction, Le Journal du Management
   
 
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