Tirer parti de la "validation des acquis de l'expérience"
Par Martine
Gaillard, ingénieur d'affaires de l'Afpa (Association nationale
pour la fomation professionnelle des adultes)
Il est assez évident aujourd'hui, pour un certain nombre de directions
des ressources humaines, de responsables de PME- PMI, de directeurs
d'entreprises ou d'associations, que la validation des acquis de
l'expérience (VAE) peut favoriser la réussite de leur politique
de gestion du personnel. Encore faut-il que les liens entre les
différents partenaires, porteurs du projet, soient établis de manière
très étroite dès le début et tout au long du parcours.
Quel
parcours ? Pour quels partenaires ?
Le parcours, qu'il soit à l'instigation du salarié ou de l'entreprise,
doit, pour réussir, être individualisé, accompagné et, naturellement,
validé par des reconnaissances partielles, capitalisées ensuite
et définitivement reconnues par la délivrance d'un diplôme. Cela
nécessite la participation active et concertée de tous les partenaires
concernés : le salarié, l'entreprise, le "valideur".
Le salarié peut, bien entendu, être à l'origine de la demande de
validation puisqu'il s'agit avant tout d'un droit individuel, non
contestable. Cependant, l'expérience montre que les chances de réussite,
c'est-à-dire l'obtention du diplôme par validation des acquis, sont
nettement plus importantes lorsque le projet de validation est porté
conjointement par le salarié et l'employeur.
Comment l'un et l'autre peuvent-ils dès lors se positionner de
manière à ce que cette démarche soit, à la fois, source de progrès
social et acte de management pour l'entreprise ? Chaque situation
est particulière.
La relation entre les anciens et les nouveaux
salariés
Prenons le cas d'entreprises où une majorité de salariés,
relativement âgés, ne possèdent aucun diplôme. Ces salariés ont
acquis, au fils des ans, un certain nombre de compétences, non reconnues,
non identifiées, non définies, voire non exploitées. Ces entreprises
peuvent rencontrer un problème au moment du recrutement de nouveaux
salariés, souvent diplômés, eux, et dont les "connaissances", sanctionnées
par un diplôme, viennent se heurter aux "compétences", au "savoir-faire"
des plus anciens.
Cet impact des "nouveaux" diplômés (quelquefois, par-là même, mieux
rémunérés) sur les "anciens" (compétents, mais non officiellement
"reconnus"), peut créer de véritables tensions, particulièrement
là où, peu à peu, la génération du baby-boom se trouve confrontée
aux jeunes qui entrent sur le marché du travail, mieux formés.
Chez Danone, par exemple, six secrétaires, salariées de l'entreprise
depuis de nombreuses années, étaient en situation délicate par rapport
à de nouvelles collègues, embauchées avec le BTS et mieux rémunérées,
bien qu'occupant les mêmes fonctions. Les anciennes ont entamé un
parcours de validation de leurs acquis et cinq d'entre elles ont
obtenu le diplôme visé.
Expérience réussie : l'entreprise a joué le jeu et a permis
à cinq de ses salariées de se qualifier tout en évitant les tensions
internes. La validation peut, dans une telle situation, servir de
facteur de régulation permettant aux uns, et aux autres de définir
clairement les savoirs, savoir-faire, savoir être de chacun.
Pouvoir reconnaître certaines fonctions
Ailleurs, peuvent se rencontrer des problèmes de reconnaissance
d'une fonction précise dans l'entreprise. Ainsi, la fonction tutorale
ou celle de formateur
occasionnel qui mettent en uvre de véritables compétences,
entre autres de "face à face pédagogique", sont souvent non reconnues,
voire totalement ignorées (volontairement ou non) par les autres
salariés ou la ligne hiérarchique.
La validation des compétences se révèle alors un vecteur de positionnement
de ces salariés, un outil de management par la reconnaissance de
leur statut et de leur place spécifique dans l'entreprise. Ainsi,
Conforama accompagne certains de ses salariés vers la validation
du titre "Formateur professionnel d'adulte" afin que leur fonction
de formateur occasionnel soit clairement identifiée et reconnue
par l'ensemble des salariés du groupe.
Une manière de fidéliser ses salariés
D'autres entreprises encore ont des difficultés de recrutement dues
à des causes diverses parmi lesquelles on peut citer : la mauvaise
image du secteur, les horaires décalés, le temps partiel, les basses
rémunérations réelles ou supposées. Le "turn-over" important qu'elles
constatent peut être notablement diminué par la perspective d'une
filière professionnelle possible, dont le salarié va pouvoir gravir
la première marche par l'obtention d'un premier niveau de qualification.
Les salariés peuvent trouver un intérêt à aller vers un secteur
généralement peu apprécié si la VAE leur offre la possibilité d'obtenir
une certification, à l'issue d'un parcours porté par l'entreprise,
alternant des phases de formation et la validation d'acquis expérientiels.
C'est le cas des centres d'appels, des parcs à thème, de la branche
hôtellerie restauration, de certains secteurs du bâtiment qui ont
bien compris l'attrait que constitue, à l'embauche, la promesse
d'obtenir, à terme, un titre national dans le cadre d'un contrat
de travail.
Au Club Med ou à Eurodisney...
Citons le cas du Club Med qui avait des difficultés de recrutement
puis de fidélisation de ses salariés sur des postes de restauration.
Il a été proposé aux personnes qui le souhaitaient de faire valider
leurs compétences sur un titre nouveau du secteur loisirs/tourisme,
"agent de loisirs", qui permettait de valider, outre les compétences
liées à la restauration, celles liées à l'accueil, à l'animation
et à la vente. Les salariés entrés dans le programme ont pu acquérir
un diplôme national, une polyvalence reconnue sur le marché du travail,
une reconnaissance de la part de leur entreprise et de leurs collègues.
Face aux difficultés liées à l'application des 35 heures, au temps
partiel, aux amplitudes horaires importantes, certains secteurs
peuvent également trouver intérêt à envisager, pour leurs salariés,
l'obtention d'un titre polyvalent, à compétences diversifiées mais
cependant clairement identifiées et reconnues pour une gestion souple
et concertée des plannings. C'est ce qu'a fait Eurodisney. Avec
la mise en place, depuis deux ans, de son programme de VAE "agent
de loisirs" pour plus de 500 salariés de ses parcs à thème.
L'individualisation porte, c'est donc une réalité, sur les situations
spécifiques observées au sein de chaque entreprise ou branche. Mais
l'individualisation doit également porter sur chaque individu.
De nouveaux métiers en émergence
Chaque salarié devant être accompagné dans son parcours
spécifique vers la validation de ses acquis pour avoir le maximum
de chances d'obtenir le diplôme souhaité, de nouvelles fonctions
vont apparaître.
La validation s'appuie sur une problématique de succès. L'individu
a besoin d'être aidé, guidé, à la fois dans le choix du diplôme,
du "valideur", de la voie à suivre, et des moyens à mettre
en uvre pour y arriver. Il y a ainsi émergence de toute une lignée
de "nouveaux métiers" de la guidance, du conseil, du positionnement,
voire de l'orientation, qui s'ouvre aujourd'hui en France pour les
salariés et leurs entreprises, en lien avec les différents"valideurs"
et en cohérence avec les directives européennes de "formation tout
au long de la vie".
PARCOURS
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Martine Gaillard est entrée à l'Afpa en 1998, comme
chargée de mission, pour mettre en place une première expérimentation
de la VAE, en anticipation du vote de la loi de "modernisation
sociale". En 2001, elle est nommée au poste chargée
de direction et responsable de formation à l'Afpa Paris. Elle
assure, à ce titre, le développement, sur le département de
Paris, de la gamme de services de l'Afpa : évaluation,
formation, validation. Fin 2002, elle devient ingénieur d'affaires
à la direction régionale Ile-de-France. Elle est chargée,
depuis cette date, de la promotion de toutes les prestations
de l'Afpa auprès des grands comptes.
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