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Expert 
 
mai 2004

Par Joël Berger (Tripôle)
La théorie du tabouret : comment asseoir son efficacité personnelle

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  Tripôle

L'efficacité personnelle, au sens où nous l'entendons ici, consiste à obtenir dans son environnement un effet conforme à ses intentions. On comprendra aisément que cela nécessite d'abord d'avoir des intentions, d'en développer la puissance et de savoir les engager dans l'environnement par la communication et par l'action.

Mais ce n'est pas tout : aussi fort poussera-t-on sur une table pour la déplacer, nous n'aurons guère d'effet si nous sommes assis sur un tabouret à roulette. Pour prétendre créer ou imprimer un mouvement, disposer d'une source d'énergie n'est pas suffisant. Il faut qu'elle trouve un point d'appui, de la stabilité desquels dépendront la force et la précision de l'impact développé.

En ce qui concerne notre efficacité personnelle, on ne peut pas échapper à une évidence : le point d'appui est en nous-même. C'est notre "assise personnelle", cette stabilité sur laquelle nous pourrons appuyer la puissance que nous saurons développer, cette aptitude à reposer sur soi-même de manière stable.

C'est en partant de ce constat simple qu'est née la "théorie du tabouret". Pourquoi le tabouret ? Le tabouret, dans sa forme classique à trois pieds, évoque trois idées :
1) Il est stable, si ses trois pieds sont solides, simplicité qui lui a valu un succès constant à travers les âges.
2) La faiblesse d'un seul pied suffit pour faire tomber celui qui repose dessus, ce que chacun a toute chance d'avoir observé au moins une fois à son détriment.
3) Un bon tabouret évoque une position assise stable mais peu confortable, qui ne permet pas de s'endormir sans risque.

La pratique de l'accompagnement et de l'entraînement de nombreux responsables professionnels m'a en effet amené à mettre en évidence trois éléments clés de l'assise personnelle, inconfortables à maintenir, qui demandent une vigilance constante, mais dont un seul, s'il faiblit exagérément, peut diminuer considérablement l'énergie que nous déployons dans le sens de nos objectifs.

Pied N°1 : la responsabilité ou "la conscience du pouvoir de choix"
La responsabilité est définie ici comme la capacité à considérer toute situation comme résultant de ce que l'on a dit et fait (ou omis de dire ou faire), et de ne jamais considérer que le changement viendra de l'extérieur. Autrement dit, qu'une situation est le résultat de choix et ne persiste que si on l'accepte. Il ne s'agit pas de philosopher sur la place du hasard dans la réalité, nombreux étant ceux qui l'on déjà fait avec talent. Restons sur un plan strictement d'efficacité : être responsable signifiera pour nous de ne pas subir les situations, en gardant la juste conscience de sa liberté de choix. Quelle que soit la vérité sur le sujet, accepter d'adopter le point de vue que rester dans une situation donnée procède toujours d'un choix, non d'un fatalité, est la seule voie possible de sortie.


Plus on accepte de subir, plus on dégrade la détermination"


C'est un point de vue qui n'est pas trop difficile à adopter dans le cadre d'un plan d'action, mais dont on décroche dès qu'il s'agit de sujets plus graves comme une situation sociale ou économique, pire encore, de santé. Pourtant, plus on peut développer cette aptitude, dans tous les domaines, plus elle marque une capacité à agir plutôt qu'à subir, à entreprendre plutôt qu'à se plaindre, et assure ainsi une concentration de son énergie sur des issues positives.

Plus on accepte de subir, en considérant qu'on n'est pas responsable du changement possible ou "qu'on n'a pas le choix", plus on dégrade la détermination qui est nécessaire pour faire aboutir nos intentions de changement. La responsabilité consiste à savoir établir un juste pouvoir de choix et d'initiative, pour ne pas resté enfermé dans la position de se plaindre.

Pied N° 2 : intégrité personnelle et sincérité
Nous définirons ici l'intégrité personnelle comme une cohérence entre la pensée, les communications et les actes. Une cohérence totale entre ce que l'on croit, ce que l'on pense, ce que l'on communique et ce que l'on fait. Une transparence parfaite, que l'on appelle couramment la sincérité. Nous avons été marqués par une civilisation dans laquelle dire ce que l'on pensait pouvait valoir de sérieuses réprimandes. Quant à faire ce que l'on voulait, ce n'était pas forcément l'apanage d'une "bonne éducation".

Les enfants ont peut-être plus de liberté aujourd'hui, mais dans le fond peu de choses ont changé. Nous sommes jugés par l'entourage sur ce que nous montrons. On s'en préoccupe par un tout naturel souci de sécurité ou d'image, mais on ne se méfie pas toujours que c'est au détriment du jugement que nous portons sur nous-même. C'est pourtant le premier qui devrait être pris en compte, car on est sûr de se retrouver face à soi un jour ou l'autre. Ce que beaucoup appellent "pouvoir se regarder en face dans une glace".


Etre confronté à deux pulsions contraires"


Plus grave encore, nous avons pris l'habitude de rechercher des coupables, ne fut-ce que pour se dédouaner, et il n'est pas souhaitable de se retrouver dans la peau de celui qui assume le rôle d'expiateur. Nous ne sommes donc pas pressés de dire la vérité, par souci d'efficacité, lorsque avouer signifie être puni.

Plus pernicieux encore sont les valeurs imposées qui créent le "sens du devoir" contraint, qui part pourtant d'un bon sentiment. Faire "ce que l'on doit faire" contre sa conviction profonde peut être sain sur un plan collectif et social, mais peut ébranler notre assise personnelle. Nous sommes en effet confrontés inconsciemment à deux pulsions contraires.

Ceci est d'autant plus persistant que nous sommes dotés d'un outil mental qui nous rend d'une totale cécité sur ce que notre fort intérieur nous conseille de ne pas voir. C'est une des fonctions de notre inconscient, indispensable à beaucoup de points de vue, mais sur ce plan notre pire adversaire, notamment par ce besoin incoercible, si bien développé par Arthur Koestler (Janus), de nous aféoder à des propositions à caractère dogmatiques.

Cacher, craindre d'être surpris ou découvert, communiquer en masquant une partie de la vérité, autant de manière de consommer une énergie nécessaire pour impacter notre environnement. La sincérité, qui consiste à dire ce que l'on souhaite dire, ne pas avoir à cacher ce que l'on fait, penser et agir conformément à ses intentions, est un constituant inconfortable mais déterminant de notre assise personnelle.

Pied N° 3 : autonomie de pensée et détermination personnelle
L'homme est un loup pour l'homme, à en croire Jean-Jacques Rousseau, ce que démontre aussi une rapide observation du comportement de certains automobilistes. Mais il a également besoin de l'homme. Ce besoin est inscrit dans nos gênes au point que nous cherchons à évacuer une grande partie de nos incertitudes et de nos peurs en faisant partager nos opinions, adopter nos valeurs ou approuver nos comportements. C'est une attitude qui nous prive de la liberté d'esprit nécessaire à la mise en oeuvre de nos intentions.

En savoir +

Pour une bonne assise, il faut s'affranchir un minimum de la pression "normative", du besoin d'obtenir l'approbation de l'entourage, pour s'investir sans réserve selon notre seule détermination. C'est ce que nous appellerons l'autonomie mentale.

Avoir besoin du secours de la norme ou de l'approbation des autres est une source inépuisable de déstabilisation de nos intentions. Notre détermination est d'autant plus forte que nous réussissons à nous en affranchir.

Parcours

Joël Berger est le fondateur de la société Tripôle. Il se consacre à l'accompagnement et l'entraînement des dirigeants et des cadres d'entreprise depuis une dizaine d'années, après 25 ans de management dans de grandes entreprises. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "La théorie du tabouret", livre d'auto-formation sur l'efficacité personnelle.

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