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Expert
 
octobre 2004

Par Clem Garvey (NRG France)
Histoire d'une fusion réussie

En mai 2000, j'ai fusionné Gestetner et Nashuatec, deux acteurs du monde de la bureautique, avec comme mission de créer une nouvelle entité capable de devenir leader.
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Les motivations qui poussent les entreprises à fusionner sont particulières à chaque cas précis. Il est aussi légitime de mener une fusion dans un but d'éliminer un concurrent que dans le but de s'octroyer de nouveaux moyens ou de nouveaux talents afin d'aborder de nouveaux marchés ou clientèles. Mais fusionner deux entreprises consomme des ressources. Une telle opération coûte de l'argent, perturbe le personnel, dérange la clientèle, remet en question les pratiques du business. Il s'agit, donc, d'une prise de risque et d'un investissement de ressources importants.

Et comme n'importe quel investissement, les lois économiques exigent que ce dernier soit rémunéré à un taux de retour acceptable. Nous pouvons en conclure, donc, qu'une fusion réussit quand elle permet de créer un retour sur investissement associé qui est supérieur aux autres alternatives présentes au moment de la décision de fusionner.

Le retour sur l'investissement se trouve dans les bénéfices marginaux de l'opération de fusion, ayant principalement pour origine :
1. Une croissance en chiffre d'affaires et de la marge brute.
2. Une croissance de la profitabilité.
En synthèse, on dit depuis fort longtemps qu'une fusion réussie est une où
1 + 1 = 2, ou plus.

NRG France S.A. : un cas d'école
En mai 2000, j'ai fusionné Gestetner et Nashuatec, deux anciens acteurs du monde de la bureautique avec comme mission de créer une nouvelle entité capable de devenir un leader dans un nouveau marché émergent, à la convergence de la "bureautique" et de l'"informatique", entre le monde de la copie et l'impression.

Nashuatec et Gestetner avant la fusion
Entité
Effectifs
CA (millions d'euros)
Nashuatec
260
54
Gestetner
576
67
NRG en 2002
NRG
850
170

Quatre ans plus tard, NRG France est devenu le troisième acteur du marché en France et en Europe. Le chiffre d'affaires cumulé des deux entreprises en 1999 était de l'ordre de 120 millions d'euros. En 2004, il avoisinera les 270 millions d'euros.

Les clés de la réussite

Bien fondé de la fusion
Si notre hypothèse de base est valable, un projet de fusion devrait permettre un retour sur investissement au travers un repositionnement dans le marché et/ou au travers des synergies entre les éléments constituant.

Dans le cas de NRG France, filiale de Ricoh, le bien fondé de la fusion était évident. Les deux entreprises Gestetner et Nashuatec possédaient :
- des canaux de distribution complémentaires;
- des marques qui se positionnaient par rapport à des clientèles différentes;
- des besoins identiques au niveau logistiques, support technique et marketing.


Si vous ne savez pas où vous allez, n'importe quelle route servira aussi bien"


Ceci fournissait une opportunité de gérer l'ensemble de ces activités au sein d'une seule structure dans un seul bâtiment avec une seule équipe de direction regroupant la responsabilité pour l'ensemble des fonctions "back-office" classiques : entreposage et transport, comptabilité et finance, informatique, ressources humaines et administration.

Clairvoyance sur l'évolution du marché ciblé
A l'université à Dublin pendant les années 80's, un de mes professeurs citait souvent Lewis Carroll, auteur d'Alice aux pays des merveilles, "If you don't know where you're going, any road will do" (si vous ne savez pas où vous allez, n'importe quelle route servira aussi bien).

Mener une fusion exige une clairvoyance du marché qui sera ciblé par la nouvelle entité. C'est cette vision des quatre P's du marketing mix suite à la fusion qui servira de ligne de conduite pour la stratégie pendant la conduite de la fusion et après.

Lors de cette fusion nous avons créé un ensemble de slides afin d'expliquer clairement tant à l'actionnaire qu'au personnel de l'entreprise exactement où nous allions aller et par quels chemins nous allions passer.

Le point le plus important à retirer de ces documents étaient que nous écrivions noir sur blanc certains éléments, qui se sont ensuite réalisés : l'anticipation du lancement des nouveaux canaux de distribution, de nouvelles activités et de nouveaux produits en phase avec notre vision de l'évolution du nouveau marché ciblé.

La juste répartition des fruits de la fusion
En juin 1999, j'ai écrit au domicile de chaque collaborateur de Gestetner et Nashuatec pour leur annoncer mon intention de fusionner les deux entreprises et pour marquer le lancement du projet de fusion.


La quasi-totalité des fruits de la fusion ont été réinvestis"


Notre objectif, que j'ai souligné, était de travailler la complémentarité des deux structures pour emmener l'entité fusionnée à une position dominante dans un nouveau marché. Implicitement, je m'engageais à réinvestir une partie importante des fruits de la fusion dans le développement des nouvelles activités, des nouveaux "business-models" et surout dans le personnel de l'entreprise pour y arriver.

En effet, trois choix évidents se présentent concernant les ressources dégagées lors d'une fusion :
- les déclarer en tant que bénéfices de l'entreprise et les remonter à l'actionnaire en dividendes;
- les déclarer en promotions afin de faire croître le part de marché;
- les réinvestir dans les ressources mises à disposition de l'entreprise même pour que son effectif soit : compétent (embauche de nouveaux métiers pour aborder nos nouveaux marchés), formé (formation aux nouvelles technologies de l'ensemble des populations administratives, techniques et commerciales), équipé (nouvel ERP, déploiement de PC sur l'ensemble des populations, nouveau centre d'appel, équipements nomades) et motivé (accord trsè favorable sur les 35 heures, maintien des acquis, aucune baisse de salaires)

Dans le cas de NRG France, l'actionnariat a accepté que dans un premier temps, la quasi-totalité des fruits de la fusion soit réinvestis dans l'entreprise.

Communication et culture
La motivation de l'effectif lors d'une opération de fusion passe par une communication claire et transparente. Afin d'impliquer le plus possible l'ensemble de nos collaborateurs nous avons mené un campagne de communication interne autour des projets stratégiques de l'entreprise.


J 'ai sous-estimé l'importance critique de l'engagement du middle management"


Nous avons privilégié :
- les envois des documents directement au domicile des collaborateurs;
- la communication des valeurs de la nouvelle entreprise avec des affiches dans tous les bureaux;
- les événements "festifs" pour tous les collaborateurs du siège, par exemple, le barbecue de la rentrée, le Beaujolais nouveau, un pot Champagne à noël, la galette des rois en janvier et - surtout - le Saint Patrick;
- une série de réunions en face à face entre le PDG et chaque équipe (maximum 12 personnes à la fois) pour que chaque personne puisse s'exprimer en direct.

Les erreurs et ce qu'il reste à faire
Ces derniers quatre ans, nous avons également vécu des difficultés et nous avons certainement fait beaucoup d'erreurs. A certains moments donnés, je n'ai pas été assez sensible aux difficultés culturelles qui persistaient des mois et des mois après la réalisation de la fusion légale. J'ai, certainement, sous-estimé l'importance critique de la motivation et l'engagement du middle management dans un contexte pareil.

Parcours

Né en 1965, à Cork, en Irlande, il obtient un diplôme de commerce et de gestion à l'Université College de Dublin. Il débute sa carrière professionnelle chez KPMG Peat Marwick. Il exerce ensuite les fonctions de Manager Corporate Finance au sein de Willis Faber PLC à Londres jusqu'en 1991. Puis il rejoint le Groupe Gestetner, où il se voit confier successivement la division financement puis celle du développement Europe. En 1994, il est nommé directeur financier de Nashuatec Belgique. Il a pour mission de regrouper les opérations belges et hollandaises pour créer NRG Bénélux. Il arrive en France en juillet 1995 pour occuper le poste de directeur général adjoint et directeur des opérations de Gestetner France S.A. En avril 1999, les actionnaires lui confient le poste de directeur général de Gestetner France S.A et de Nashuatec-NRG France S.A. En 2001, Clem Garvey est nommé PDG de NRG France S.A.

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