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20/04/2005
Par
Michel Authier (Trivium)
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Un
arbre de compétence est une représentation graphique dont la
forme est déterminée par les profils de compétences des collaborateurs.
Les briques ou feuilles de l'arbre sont des compétences : - rouges si elles sont maîtrisées par beaucoup; - bleues si elles sont maîtrisées par peu. Les branches révèlent les grands types de portraits de compétences. |
Le
départ des seniors : un évènement marquant
S'il fallait illustrer l'effet du départ de quelques seniors d'une
entreprise, il suffirait de regarder ces deux images :
- la première est la représentation des compétences des collaborateurs
d'une entreprise,
- la deuxième est la représentation de la même entreprise après
le départ à la retraite des seniors.
Si le lecteur est patient il pourra remarquer que le nombre de compétence n'a pas beaucoup changé ; par conséquent, ce n'est pas la disparition de compétences qui menace l'entreprise, contrairement à ce que l'on dit quand le départ des anciens est évoqué. En revanche, la forme générale de l'arbre a subi une forte évolution dont l'évènement le plus marquant est la quasi disparition du tronc commun transformé en deux fortes branches. Comment analyser ce phénomène ?
Travail individuel ou collectif
Nous savons depuis longtemps qu'un mélange ne se réduit
pas à la somme de ses composants. Ainsi, dix personnes apportant
chacune une et une seule compétence n'offrent pas à l'entreprise
la même richesse qu'une personne possédant ces dix compétences.
On perçoit à travers cette simple arithmétique deux types extrêmes
d'entreprises :
Si les
tâches accomplies grâce aux compétences peuvent être isolées les
unes des autres l'organisation tentera une rationalisation maximale
et la performance du salarié sera basée sur la contrainte ;
Si les
tâches ne peuvent être dissociées, seule la complicité entre les
individus garantira la performance grâce à leur plus grande implication.
Pour ceux qui gardent une vision dépassée, les "vieux" ne servent plus à rien" |
Pour résumer : pour ceux qui gardent une vision dépassée de l'entreprise, les "vieux" ne servent plus à rien. Bien évidemment, les "vieux chefs" sont l'exception qui confirme la règle.
Voyons maintenant, si dans une vision "rajeunie" de l'entreprise, les "vieux" rajeunissent et peuvent servir un management profitable pour l'entreprise.
Parler autrement pour penser autrement
Même dans les entreprises les plus classiques on raconte volontiers
des histoires de "vieux" salariés détenteurs de savoir-faire qu'aucune
rationalisation n'a pu réduire en savoirs codés, brevetables, transmissibles.
On entend alors parler de dons, d'alchimie, d'osmose, bref on utilise
tout un vocabulaire combattu par le rationalisme.
La dynamique d'innovation et non la conservation de l'organisation" |
L'évolution du vocabulaire est d'ailleurs une des manifestations les plus visibles d'un changement de mentalité. La compétence prend le pas sur la qualification, la connaissance sur le savoir, les ressources (bientôt les richesses) humaines sur "le personnel", les manager sur les directeurs, le management sur la gestion. De plus en plus de concepts flous se substituent à des concepts précis afin de mieux refléter une réalité devenue de plus en plus instable, évolutive, incertaine, complexe, vivante, faite d'interactions entre les éléments encore plus que par les éléments eux mêmes.
Adaptation et capital connaissance
Dans un contexte sans cesse mouvant, l'adaptation est la clé de
la prospérité des entreprises qui courent un grand risque à camper
sur leur excellence. En effet, nombreuses ont été les entreprises
détentrices de savoirs uniques, de techniques de pointe, d'organisations
parfaites qui ont finalement été dominées par de petites entreprises
pleines d'incompétences, dispendieuses d'énergie et débordantes
de motivation.
Par conséquence, prenons le risque d'affirmer que le management des seniors ne saurait être la mise en conserve de leurs savoirs et des solutions qu'ils ont élaborées. Ce n'est pas en conservant ses richesses, tel un trésor, qu'une entreprise prospère ; c'est en exploitant son capital, c'est-à-dire en inscrivant ses richesses dans une dynamique de renouvellement permanent. Ce qui importe donc c'est la dynamique d'innovation et non la conservation de l'organisation. Seule la connaissance assure la maîtrise de cette dynamique quand le culte des savoirs fige les situations.
Une mise en culture qui nécessite un contact vivant entre l'ancienne souche et la nouvelle" |
En effet, dans sa définition la plus générale la connaissance est à la fois présente dans la mise en acte des savoirs (compréhension), dans la mise en situation des informations (interprétation), dans la mise en contact des personnes (relation). On comprend alors mieux pourquoi un senior peut être une richesse dans l'entreprise étendue, délocalisée, mondialisée. Non plus "usé par le travail" mais "riche de connaissance" c'est-à-dire d'expérience et de relation, il est tel un plexus nerveux essentiel à la vitalité d'un organisme complexe ; il capitalise une quantité de liens qui participe de la vie de l'entreprise.
L'expérience passée, une richesse pour
le futur
Manager les seniors revient donc à les ménager c'est-à-dire à les
entretenir, en mettant en valeur la richesse qu'il représente :
capacité d'adaptation liée aux diversités des expériences passées,
capacité d'interprétation des situations liée à la variété des tâches
exercées, capacité de collaboration liée à la multiplicité des relations
tissées dans et hors de l'entreprise durant la vie professionnelle.
Impliquant dans leur personne une quantité innombrable de liens,
les seniors sont la trame la plus profonde du tissu de l'entreprise.
Le management des seniors consisterait donc, non pas à conserver
cette trame, ce qui est impossible puisque consubstantiellement
liée aux personnes, mais à en cultiver une nouvelle. Comme en biologie,
cette "mise en culture" nécessite un contact vivant entre l'ancienne
souche et la nouvelle.
Un accès libre aux outils de capitalisation" |
Curieusement la solution est encore plus anthropologique que managériale. Quelles que soient les civilisations et les époques, la motivation des plus jeunes est provoquée par le récit des exploits des anciens. Ces récits parlent plus des risques encourus et des difficultés rencontrées que des solutions qui ont permis de les surmonter. L'énergie d'innovation essentielle à la survie des entreprises se trouve confinée dans la volonté de surpasser l'exemple.
Proposition pour agir
Nous proposons donc que les seniors, libérés de toute ambition
professionnelle, soient ménagés de telle manière qu'ils se valorisent
en témoignant des difficultés qu'ils ont rencontrées, des ennemis
qu'ils ont dû affronter, des pièges qu'ils ont dû déjouer
Ils tisseront
ainsi la trame profonde de l'entreprise sur laquelle de plus jeunes
pourront assurer des expériences nouvelles, originales, innovantes
et donc compétitives pour l'entreprise.
En
savoir +
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Bien évidemment, cela ne pourra pas se faire dans la vacuité éphémère du discours toujours coûteux en temps et vide de toute capitalisation. Il faudra pour tous un accès libre aux outils de capitalisation, un système de repérage des problèmes et des difficultés surmontées, une base de données capable d'accumuler tous les récits d'expérience, de les resituer dans les contextes de problèmes émergeant, mais aussi un système de visualisation capable de repérer en temps réel l'évolution du capital connaissance de l'entreprise, une cartographie de son tissu humain pour restituer en temps réel l'expansion de l'entreprise. De nombreuses expériences ont déjà démontré le réalisme de cette proposition.
Parcours
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Mathématicien, sociologue et philosophe, Michel Authier est ancien chargé de mission auprès du Premier ministre, expert auprès de l'Uesco et inventeur des arbres de connaissances. Il a étudié et enseigné les mathématiques et la sociologie, à l'université de Paris VII et à l'université Paris I Sorbonne. Il a publié de nombreux livres et articles. Il est fondateur et directeur scientifique de Trivium, entreprise spécialisée dans le management du capital humain et la gestion des compétences. |
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