18/05/2005
Martine Charbonnier (Euronext) Alternext doit permettre aux PME de revenir en Bourse
A l'occasion du lancement d'Alternext, la directrice exécutive de la cote et des émetteurs chez Euronext détaille les raisons de la création de ce nouveau marché boursier dédié aux PME.
Inauguré le 17 mai avec l'introduction en Bourse de la société
Internet MeilleurTaux, Alternext se présente comme une alternative au très
réglementé nouveau marché unifié Eurolist. Martine
Charbonnier, directeur exécutif de la cote et des émetteurs chez Euronext, revient
sur les objectifs de cette nouvelle plate-forme de financement destinée
aux petites et moyennes entreprises et sur ses spécificités.
Pour
quelle raison Euronext a-t-il décidé de lancer un nouveau marché ?
Martine Charbonnier. L'évolution du cadre réglementaire européen renforce
les conditions d'accès aux marchés réglementés et les obligations d'information
des sociétés cotées, et ne prévoit pas de traitement spécifique pour les PME.
Cette évolution risque de décourager certaines petites et moyennes entreprises
de faire appel au marché boursier afin de financer leur croissance. Partant de
ce constat, Euronext a décidé de créer une structure adaptée, Alternext, qui propose
des conditions d'admission assouplies tout en assurant un niveau d'information
suffisant pour les investisseurs.
Quelles sont les principales caractéristiques
de ce marché ?
Les conditions d'admission et les obligations d'information sont adaptées. La
société qui demande son admission sur Alternext doit placer sur le marché au moins
2,5 millions d'euros de titres, présenter un historique de deux années de comptes,
qui n'est pas nécessairement aux normes IFRS. Il est par ailleurs possible de
se faire coter sur Alternext sans avoir à fournir de prospectus visé par le régulateur
dans le cadre d'un placement privé, ce qui permet, en théorie, à une entreprise
de s'introduire en une vingtaine de jours. Enfin, une entreprise cotée sur Alternext
n'a pas l'obligation de publier son chiffre d'affaires trimestriel et les comptes
semestriels requis ne sont pas soumis à une revue limitée. En conséquence, outre
une plus grande flexibilité pour la société, être coté sur Alternext représente
une réduction des coûts récurrents de cotation de l'ordre de 30 à 40 % par rapport
aux marchés réglementés.
Pourquoi avoir choisi de créer un nouveau marché
plutôt que de conserver le Nouveau ou le Second marché ?
Alternext n'a pas le même positionnement que ces deux précédents marchés qui sont
aujourd'hui fusionnés dans un seul marché réglementé, l'Eurolist. D'un côté, le
Nouveau marché s'adressait aux entreprises jeunes, en croissance, principalement
dans des secteurs technologiques. De l'autre, le Second marché était principalement
destiné aux sociétés familiales. Alternext s'adresse à toutes les PME-PMI de la
zone euro, quelle que soit leur appartenance sectorielle. Nous estimons que les
entreprises dont la capitalisation boursière se situe entre 10 et 80 millions
d'euros environ sont susceptibles d'être intéressées par Alternext.
Combien de PME ont déclaré vouloir s'introduire
sur le marché Alternext ?
A l'heure actuelle, une dizaine de candidats a été identifiée pour une introduction
d'ici la mi-juillet. Le 17 mai, l'introduction de MeilleurTaux, société qui propose
des solutions de financement pour les crédits immobiliers, a marqué le lancement
d'Alternext tandis que celle de CBo Territoria, filiale immobilière du Groupe
Bourbon, est prévue pour le 19 mai. Nous estimons que le rythme des introductions
sera de deux par semaine en moyenne jusqu'à la mi-juillet. Nous avons identifié
des sociétés envisageant une introduction au cours du second semestre ou en 2006.
Une dizaine de PME est candidate à une introduction
sur Alternext"
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Une des critiques que l'on pouvait opposer au Nouveau ou
au Second marché était des volumes insuffisants sur certaines valeurs.
Avez-vous pris des mesures pour lutter contre cela sur Alternext ?
Nous avons en effet mis en place sur Alternext un modèle de marché novateur qui
doit permettre de développer la liquidité sur des valeurs au flottant plus étroit.
Ainsi, chaque séance de cotation est organisée autour d'une période de market
making (tenue de marché), suivie d'une période de fixing (carnet d'ordres
central (*)) en fin de journée. Ces deux modes de cotation
complémentaires doivent permettre d'assurer une cotation plus régulière des valeurs.
Aviez-vous prévu un tel afflux dès le lancement
d'Alternext ? Comment envisagez-vous son développement d'ici à
un ou deux ans ?
Avant de lancer Alternext, nous avions identifié un besoin exprimé par les PME
: accéder plus facilement aux marchés de capitaux afin de financer leur développement
; mais nous ne connaissions pas la vitesse à laquelle les sociétés répondraient
positivement à ce marché. Ce que nous savions, c'est que depuis quelques années,
bon nombre de PME avaient totalement occulté l'idée de se faire coter en raison
du renforcement des conditions d'accès et du coût que représente une cotation
sur les marchés réglementés. Ainsi, Alternext apporte une réponse appropriée et
innovante aux entreprises de taille moyenne. En revanche, il est encore trop tôt
pour avoir une idée précise de l'évolution à moyen terme de ce nouveau marché
boursier. Nous aurons sans doute une vision plus claire d'ici la fin de l'année.
Il n'y a pas de course à la taille critique, nous cherchons avant tout à inscrire
ce marché dans la durée.
De même qu'Euronext a décliné son nouveau
système de cotation Eurolist sur l'ensemble des pays où il est présent,
comptez-vous décliner Alternext à l'étranger ?
La transposition de la directive Prospectus, prévue le 1er juillet prochain dans
les autres pays où Euronext est implanté (Pays-Bas, Belgique, Portugal) et au-delà,
permettra à une entreprise souhaitant venir sur Alternext d'enregistrer son prospectus
auprès du régulateur de son pays d'origine, alors qu'aujourd'hui les sociétés
doivent déposer leur prospectus auprès du régulateur français, l'AMF [l'Autorité
des marchés financiers, ndlr]. Ainsi, dès la transposition de cette directive,
les entreprises de taille moyenne de l'ensemble de la zone euro pourront accéder
plus facilement à Alternext. Par la suite, si nous constatons une très forte demande
en provenance des autres marchés de la zone Euronext, nous n'excluons pas la possibilité
de créer d'autres Alternext "locaux".
Quel a été le coût du lancement de ce
nouveau marché pour Euronext ?
Le coût de création est objectivement assez faible, il s'agit surtout d'un coût
humain, c'est-à-dire six mois de travail intense. L'important n'est vraiment
le coût de création d'Alternext mais le fait que ce marché existe aujourd'hui
et répond à un véritable besoin.
(*) Fixing : A heure précise,
comparaison de l'offre et de la demande d'une valeur qui n'est pas cotées en continu
afin de fixer un cours d'équilibre.
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