05/10/2005
Armor-Lux, le textile français qui résiste
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Avec une progression de 263 % du chiffre d'affaires en dix ans et 1.500 nouveaux modèles lancés par an, l'entreprise bretonne résiste aux assauts de ses concurrents. Même chinois. |
Malgré
un contexte économique difficile, la société
bretonne connaît depuis une dizaine d'années une
forte croissance. A l'origine, la Bonneterie d'Armor - aujourd'hui
fer de lance du groupe - a été créée à Quimper dans le
Finistère en 1938 par le Suisse Walter Hubacher. Forte de sa
marque Armor-Lux, qui se veut synonyme de mer et qualité, la
Bonneterie d'Armor compte 600 salariés au début des années
80. Mais la conjoncture des années 90 entraîne des licenciements
et l'entreprise cherche un repreneur. Elle est rachetée pour
cinq millions d'euros environ en 1993 par deux Bretons,
Jean-Guy Le Floc'h et Michel Gueguen, qui offrent un tout nouvel
essor à l'entreprise textile.
Chiffre
d'affaires d'Armor-Lux
(en
millions d'euros)
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Jean-Guy
Le Floc'h - ancien directeur général du groupe
Bolloré - et Michel Gueguen - ancien directeur R&D de Bolloré
Technologies - font une bonne affaire. Une affaire qu'ils feront
fructifier. Le chiffre d'affaires, de 19 millions d'euros en
1993, atteint presque 50 millions en 2004 (dont 35 millions
d'euros rien que pour la Bonneterie d'Armor), soit une hausse
de 263 % en une décennie. Et l'entreprise table
sur un chiffre d'affaires de 66 millions d'euros cette
année. Aujourd'hui, 15 % du chiffre d'affaires se
fait à l'export, notamment vers le Japon, la Belgique,
l'Allemagne, le Canada et les Etats-Unis. "Nous restons
vigilants quant à la qualité des vêtements,
souligne Jean-Guy Le Floc'h, PDG d'Armor-Lux. Le consommateur
cherche des produits qui durent et résistent aux lavages."
Une qualité à laquelle s'ajoute la créativité.
Depuis son rachat, l'entreprise développe de nouvelles marques
et lignes dédiées. En 1994, est créée la marque
Terre et Mer qui s'adresse uniquement aux femmes. Trois ans
plus tard, en 1997, sort la ligne Armor-Kids pour les 3-14 ans
puis, en 1999, Armor-Baby pour les enfants de 3 à 24 mois. Alors
qu'il y a dix ans 300 à 400 nouveaux produits étaient
créés chaque année, ce chiffre est de 1.500
aujourd'hui. Le bureau d'études est d'ailleurs passé
dans le même temps de quatre personnes à une trentaine
aujourd'hui, sur les 700 personnes que compte le groupe. Pour
le stylisme, les tendances et les gammes coloristiques, le groupe
fait appel à des sous-traitants indépendants.
Là aussi, en l'espace de dix ans, le budget a été
multiplié par dix et s'élève à plus
de 600.000 euros actuellement.
Il
fallait absolument élargir le périmètre
de l'entreprise"
Jean-Guy Le Floc'h |
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La force d'Armor-Lux réside également dans l'agrégation
de savoir-faire complémentaires. Ainsi Jean-Guy Le Floc'h
et Michel Gueguen multiplient les acquisitions d'entreprises
dès 1993. Ils achètent la société Guy de Bérac à Troyes
dans l'Aube, qui confectionne des pulls en laine et apporte
un savoir-faire complémentaire dans le domaine de la maille
rectiligne, alors que la Bonneterie d'Armor développe
la maille circulaire. En 1995, le groupe reprend un fabriquant
de pulls celtes, Britain Stock puis, en 2002, la société Bermudes
de Nancy en Lorraine, spécialisée dans le vêtement technique
de protection. Enfin, en juillet 2004, c'est au tour des sociétés
Cam (Compagnie angevine de la maille) et Diftex de passer aux
mains d'Armor-Lux. Avec elles, les marques Chairman, Lepoutre
et Tricomer entrent dans le giron du groupe.
Armor-Lux
en chiffres
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Création :
1938
Chiffre d'affaires : 50 millions d'euros
en 2004
Croissance
: + 263 % par rapport à 1993
Effectif : 700 personnes
Exportation : 15 % du CA
Budget communication :
1 % du chiffre d'affaires
Actionnariat : 60 % Michel Guegen et Jean-Guy
Le Floc'h, 25 % Siparex, 15 % IPO et banque CIO
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Bref, une stratégie bien ficelée. "La Bonneterie d'Armor
était spécialisée dans la fabrication de
sous-vêtements, un métier cloisonné car
il ne concerne qu'un tiers du vestiaire, raconte le PDG d'Armor-Lux.
En 1993, alors que se profilait un début de mondialisation
accrue, il était nécessaire d'élargir le
périmètre de l'entreprise. Heureusement, nous
avons eu le temps de changer de fonctionnement." Aujourd'hui
le groupe présente une panoplie complète, c'est-à-dire
l'ensemble des vêtements pour partir en week-end ou travailler
décontracté.
Armor-Lux n'hésite pas non plus à se positionner
sur le marché du vêtement professionnel. En juin 2004, le groupe
La Poste lui confie la gestion de l'habillement de ses 130.000
agents en contact avec la clientèle, pour un montant de 15 millions
d'euros et un contrat renouvelable tous les ans pendant cinq
ans. "Nous avons également eu pour clients la compagnie
aérienne Bretonne Brit Air ou encore EDF", ajoute
le PDG du groupe.
Résultat
Net d'Armor-Lux
(en
millions d'euros)
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Pour répondre
à ce développement, Armor-Lux ne compte pas moins
de 400 personnes en production, soit 10.000 pièces fabriquées
par jour en 2005. "Nous finançons notre développement
grâce aux fonds propres de l'entreprise et au concours
des banques", note Jean-Guy Le Floc'h. Le résultat
net fluctue chaque année, mais la tendance est à
la hausse avec 1,4 million d'euros prévu pour
2005. Les investissements sont d'ailleurs importants. Mi-2004,
une nouvelle unité de production et de logistique ultramoderne
a été mise en service sur un site de 60 hectares
avec un atelier de production de 2.500 m². Le coût ? Plus de
7 millions d'euros d'investissement. Cette modernisation de
l'équipement fait suite aux graves innondations qui ont
touché la ville de Quimper en 2000, et notamment l'usine
Armor-Lux.
Atelier
de production, Bonneterie d'Armor (© Armor-Lux)
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L'entreprise doit
néanmoins faire face à un handicap majeur vis-à-vis des fabricants asiatiques : le coût de la main d'oeuvre.
"Nous devons rester prudents sur le prix de vente et ne
pas être agressifs à cause de la déflation.
Il faut dire que la main d'oeuvre représente 60 % du
coût d'un vêtement. Sachant qu'en France, le revenu
minimum est de 1.500 euros brut, 300 au Maghreb, 200 dans les
pays de l'Est et 50 en Chine. Nous privilégions les relations
avec le Maroc, la Tunisie et la Bulgarie pour leur fiabilité."
Et malgré la pression du marché, 60 %
de la fabrication reste en France. Des contraintes financières
qui ne laissent que 1 % du chiffre d'affaires au budget de communication,
contre 3 à 4 % dans ce secteur en général.
Des freins qui n'entravent pas pour autant la bonne marche de
l'entreprise.
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