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ENTREPRISE
 
16/11/2005

Gérard Silve (Towers Perrin)
Le rôle difficile du manager de proximité

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D'aucun les qualifient de "petits chefs", mais d'autres les savent indispensables au bon fonctionnement de l'organisation. Le manager de proximité est aujourd'hui la cheville ouvrière de structures changeantes. Il est garant d'une trop rare stabilité, mais souvent en mal de reconnaissance.

"L'homo laborius" contemporain est soucieux de son identité, plus exigeant et plus impatient. En réponse à une telle situation, les managers doivent aujourd'hui sacrifier à un management de proximité, quasi individualisé. Rôle paradoxal s'il en est où le manager doit être à la fois chef, coach, conseil et où, dans un même temps, il est lui-même soumis par sa hiérarchie, à des résultats de productivité. Entre le marteau et l'enclume, il doit ainsi jongler entre proximité et supervision, tout en ne bénéficiant que d'une reconnaissance toute relative sur le temps passé à manager ses troupes.


La dimension de proximité est souvent vécue comme source de souffrance."

Mais de quels managers parlons-nous ? Car le fossé se creuse entre "le management du haut" et "le management du bas". Les managers du haut pensent que leur carrière repose davantage sur la mobilité et non sur la proximité. D'autant que la grande majorité des managers sont plutôt des solitaires. Ainsi, lorsque l'on parle de managers de proximité, il est davantage fait référence aux fonctions intermédiaires, responsables d'équipes, d'ateliers, de département ou tout jeunes cadres. Ceux-là même qui font la une de la presse aujourd'hui, se rebiffent dans des romans ou blogs, dits "de bureaux" en épinglant leur quotidien avec une ironie amère et une dérision grinçante. La dimension de proximité prend alors une dimension autre ou tout du moins, est reconnue comme autre et est plus souvent vécue comme source de souffrance que d'accomplissement.

Un rôle complexe
Au-delà de missions telles que contrôler, évaluer, communiquer, motiver ses collaborateurs et sauvegarder une cohésion sociale ou culturelle, le manager doit faire preuve de leadership et de proximité. Leadership ou "donner envie de faire", ce qui suppose une motivation et une clarté de vision à toute épreuve. Mais également une connaissance de l'équipe, de chaque individu, pour mieux répondre aux objectifs concrets qui lui sont assignés. Or, l'efficacité du management évolue dans sa nature de par l'exigence accrue des collaborateurs vis-à-vis de leur manager.

Trois en un
Le manager de proximité a un rôle difficile, il doit simultanément gérer trois dimensions : une mission de production, un besoin d'épanouissement de ses collaborateurs et un besoin de réalisation de lui-même. Ses missions sont variées, exigeantes, chronophages et quelque fois difficilement compatibles. Et pourtant, l'entreprise elle-même est demandeuse de cette proximité et la met en musique par la fixation d'objectifs, les entretiens annuels de résultat ou encore les entretiens de motivation. Mais également être proche pour développer l'engagement des collaborateurs, réduire l'absentéisme, conduire le changement des systèmes de gestion ou encore être l'oreille compatissante aux petits problèmes personnels qui affectent la productivité de chacun.

Satisfaire des intérêts individuels à travers une activité en équipe
Avec les nouvelles formes de travail (télétravail et autonomie accrue des jeunes collaborateurs), le management s'individualise, passant d'une gestion de groupe à une gestion de l'individu et nécessite un développement des compétences dans les domaines affectifs (gestion de l'individu) et dans les domaines cognitifs (orienté davantage sur les résultats de l'action). Le rôle du manager est alors d'animer une équipe, de conduire le changement et de motiver ses collaborateurs. D'où les analogies courantes ces derniers temps avec les sports collectifs ou les trois Mousquetaires ("Un pour tous et tous pour un").

Encadrer et laisser faire
Le contrôle devient de moins en moins directif et coercitif pour être plus idéologique (on se repose sur la confiance) et indirect (standardisation et contrôle des résultats). Et le paradoxe est réel : les jeunes générations ont davantage besoin d'autonomie dans le travail, tout en demandant à être plus encadrées. Le manager doit alors établir le lien entre les tâches quotidiennes et des objectifs à moyen/long terme afin de donner à tous une même orientation de travail et gagner en efficacité. Il doit finalement faire en sorte que les choses se passent, et bien.

Un tournant nécessaire
Ce rôle s'inscrit dans sa capacité à incarner une autorité sans succomber aux dérives habituelles de l'autorité, ou à tenir en bride le facteur affectif dans des relations professionnelles, c'est-à-dire doser équitablement la bienveillance et la reconnaissance sans tomber dans le piège irréversible de l'intimité. Pour résumer, un rôle qui nécessite un vrai courage personnel, mais également un soutien réel de sa hiérarchie. Car comment le manager maintient-il la confiance par la transparence ou encore ose-t-il déclencher un conflit lorsque c'est nécessaire pour percer un abcès avant qu'il ne s'envenime, si l'environnement ne s'y prête pas et que les bénéfices de telles actions ne sont pas reconnus à leur juste valeur ?

Une reconnaissance minimale
Désengagement, désillusions ou encore crédibilité perdue amènent à une passivité de plus en plus marquée de ces managers à qui l'on demande finalement, beaucoup. En effet, souvent peu soutenus par leur hiérarchie, ils agissent régulièrement dans l'urgence, contraints par l'organisation, ce qui peut se révéler démotivant pour leurs collaborateurs mais également et souvent en premier lieu, pour eux. Entre deux feux, leur rôle est pourtant indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise.

Ne serait-il pas temps, de les soutenir et de les motiver dans ce rôle complexe, afin d'agir ainsi, sur la culture de l'entreprise ? En effet, reconnaître pour mieux motiver, communiquer pour expliquer davantage, témoigner une confiance pour favoriser plus d'initiatives et enfin, responsabiliser pour leur donner un vrai rôle… Autant d'actions qui témoignent d'un changement de fond pour l'entreprise et qui impactent tous les niveaux de l'organisation tout en reconnaissant le relais indispensable que sont les managers de proximité. Il est finalement nécessaire de créer un dynamisme de professionnalisation, une conscience du rôle de manager de proximité et de le reconnaître comme tel.

Parcours

Actuellement : Consultant senior au sein du département Reward & Performance Management du bureau de Paris de Towers Perrin.
Quatre ans chez Hewitt Associates.
Onze ans au sein de cabinets en conseil en organisation et Management (Andersen Consulting puis PricewaterhouseCooper)
Formation : Licence en droit à l'IEP Paris, DEA de Sciences politiques, DESS de Droit public


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