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ENTREPRISE
 
04/01/2006

Isabelle Mathieu (Avocat associée, Daem Partners)
A travail égal, salaire égal : bilan des décisions de justice 2005

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En 2005, les juges ont été amenés, à plusieurs reprises, à préciser le champ d'application du principe "A travail égal, salaire égal" qui oblige l'employeur à assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique.

Ne pas limiter le principe à la non-discrimination
Si la règle est restée longtemps cantonnée au principe de non discrimination, notamment fondée sur le sexe, elle a ensuite été appliquée plus largement par les juges. Dans un arrêt du 29 octobre 1996, la jurisprudence l'a dégagée de son point d'ancrage en lui reconnaissant valeur de règle "plus générale". Depuis 1999, la règle, énoncée sans référence textuelle, est érigée en principe fondamental du droit du travail.

La Cour de cassation, dans une décision du 5 juillet 2005, a insisté sur l'autonomie du principe et rappelé qu'il ne se confondait pas avec la règle de non discrimination. La différence de rémunération ne sera, en effet, discriminatoire que si elle trouve son fondement dans une différence d'origine ethnique, sexe, mœurs, orientation sexuelle, appartenance syndicale… et autres distinctions pointées par le législateur (Cass.soc. 5/7/2005, n°03-44281).

Le critère de la situation identique
Le principe "A travail égal, salaire égal" ne s'applique que lorsque les salariés sont placés dans une situation identique.

La Cour de cassation a ainsi estimé, dans un arrêt du 6 juillet 2005, que les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure ne se trouvaient pas dans une situation identique aux salariés de l'entreprise utilisatrice (Cass.sociale, 6/7/2005, n°03-43.074). A ce titre, les usages, les engagements unilatéraux de l'employeur ou un statut de droit public sont inapplicables aux salariés mis à disposition. En revanche, ces salariés mis à disposition restent soumis au statut collectif de l'établissement ou de l'entreprise utilisatrice.


C'est au salarié de soumettre au juge des éléments de fait"

Le principe "A travail égal, salaire égal" est ainsi également inapplicable au sein d'une unité économique et sociale composée de personnes juridiques distinctes, pour la détermination des droits à rémunération d'un salarié, a considéré la Cour de cassation dans une décision du 1er juin 2005 (Cass.soc. 1/6/2005, n°04-42.143). Les salariés qui ont des employeurs juridiquement distincts, ne sont pas, en effet, dans des situations comparables.

Toutefois, à cet égard, les juges tempèrent l'exclusion du principe dans deux cas :
- si une loi, une convention ou un accord collectif commun en fixe les conditions, la jurisprudence reconnaissant qu'il peut exister des accords collectifs communs aux différentes sociétés composant l'unité économique et sociale (Cass.soc. 2/12/2003, n°01-47.010),
- si le travail des salariés est accompli dans un même établissement : les sociétés d'une UES (Unité économique et sociale), dont les salariés sont, par hypothèse, permutables et travaillent dans le même établissement, ont tout intérêt à examiner les conditions de rémunération de leurs salariés.

L'état du marché de l'emploi peut justifier un écart de salaire
La Cour de cassation a précisé, dans une décision du 20 septembre 2005 qu'à l'instar de l'aménagement des règles de preuve en matière de discrimination, c'est au salarié qui s'estime lésé "de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de rémunération ; il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence" (Cass.soc 20/9/2005,n° 03-43513).

Les éléments présentés par l'employeur doivent être pertinents pour être recevables, a-t-elle souligné dans un arrêt du 25 mai 2005 (Cass.soc 25/5/ 2005, n°04-40169). L'employeur peut ainsi justifier une différence de salaire par des éléments objectifs et matériellement vérifiables.


La différence de rémunération peut aussi résider dans la différence de valeur du travail"

La Cour de cassation a admis, dans une décision du 21 juin 2005, que l'employeur pouvait justifier l'écart de salaire par l'état du marché de l'emploi et la nécessité, pour l'entreprise, de pourvoir l'emploi. Dans cette affaire, une association gestionnaire d'une crèche avait dû procéder au recrutement en CDD d'une directrice afin de pourvoir au remplacement de la titulaire du poste partie en congé maladie. La remplaçante ayant perçu un salaire supérieur, l'entreprise a invoqué l'urgence de la situation, ne pouvant fonctionner sans responsable, et l'impossibilité de recruter sur ce poste à responsabilité sur une durée limitée sans intéresser financièrement l'éventuel candidat (Cass. soc. 21/6/2005, n°02-42.658).

Le maintien des avantages acquis, l'ancienneté et les diplômes aussi
En janvier 2005, les juges ont également considéré qu'une différence de traitement pouvait être justifiée par le maintien des avantages acquis par les salariés en cas de mise en cause d'une convention collective lors d'une fusion absorption, en l'absence d'accord d'adaptation (Cass.soc. 11/1/2005 n°02-45608).

Dans des situations de travail identiques, la différence de rémunération peut aussi résider dans la différence de valeur du travail. L'article L 140-2 du Code du travail, consacré à l'égalité homme femme, dispose "sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacité découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse". Les juges, qui restent souverains pour apprécier la notion de "travail égal", se sont ainsi fondés sur cet article, pour admettre, dans un arrêt en date du 19 octobre 2005, que l'ancienneté et les diplômes obtenus pouvaient notamment justifier une différence de valeur du travail (Cass. Sociale, 19/10/2005, n°03-42108).

L'analyse de la jurisprudence permet de considérer qu'à qualification identique, le travail ne sera pas considéré comme de valeur égale si l'employeur démontre un niveau différent de responsabilité, une meilleure rentabilité, une plus grande technicité du poste, un caractère évolutif de la fonction etc.

Parcours

Isabelle Mathieu est titulaire d'une double maîtrise en droit des affaires et en droit privé ainsi que d'un DEA en droit social et syndical. Elle a six ans d'expérience au sein d'une Confédérations patronales et de directions des ressources humaines de grands groupes. Elle est avocat associée chez Deam Partners.


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