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ECONOMIE
 
15/02/2006

La chronique de Gérard Pavy
A vous de jouer !

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A lire
Gérard Pavy est l'auteur de "Dirigeants/ salariés, les liaisons mensongères" (Editions d'organisation, 2004)
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On reproche aux Français de se replier sur eux-mêmes et ce comportement serait une des raisons de nos maux, à commencer par la panne économique et le décrochage que subit le pays. On leur reproche de refuser le réel. L'Europe, espoir de prospérité pour toute une génération, est ainsi, par un fameux référendum, passée à la trappe.

Le réel n'a pas toujours raison
Soit. De quel réel parle-t-on ? Pas seulement celui de l'Europe mais, en fait, celui de la mondialisation. Qui impulse et influence le plus largement la mondialisation ? Pour faire court, les pays anglo-saxons et notamment les Etats-Unis. De nouvelles puissances, telles la Chine et l'Inde, s'invitent au tour de table mais n'en remettent pas en cause les règles, du moins pour le moment.

De leur côté les dirigeants politiques français successifs ne se sont pas départis de la posture gaullienne en décalage avec Washington : l'opposition à la campagne irakienne est un des derniers avatars. Par une sorte de carambolage, la belle Europe s'est retrouvée coupable, aux yeux d'une majorité de nos concitoyens, de compromission passive avec la mondialisation, de soumission aux marchés et son cortège de délocalisations.

Le front et le repli
Les Français seraient coupés en deux. Une partie d'entre eux est tentée par ce que Alain Minc¹ appelle le provincialisme, un repli sur une défense d'un mode de vie français, repli qui coûte cher au budget social du pays et au contribuable. Une autre, une grande partie des cadres notamment, va se battre sur le front de la concurrence et se laisse prendre dans le mode de fonctionnement froid et impersonnel, et le discours managérial convenu² de grands groupes internationaux opérant sous l'oeil des marchés financiers.

Ceux qui sont dans le repli défendent des valeurs de l'exception française et s'imaginent donner à ceux qui sont sur le front des raisons pour se battre, une identité, tout en leur reprochant de perdre leur âme sur l'autel de l'argent. Il est vrai que par la mondialisation des formes de narcissismes, particulièrement aigues aux Etats-Unis, se répandent sur toute la planète. Du "moi d'abord" au rejet des traités internationaux anti-pollution, il n'y a qu'un pas.

Ceux du front s'arrangent, au prix de contorsions parfois douloureuses, avec le mouvement de la mondialisation sans partager toutes les extravagances de la maximisation du profit. Ils supportent mal les leçons de vie que leurs assènent ceux du repli dont ils contribuent à en financer les abris.

Tous à vos marques !
En même temps, les grandes marques mondiales, et singulièrement les marques américaines, n'ont pas à se plaindre du comportement du consommateur français. Les films d'Hollywood, Nike, Coca-Cola, Disney, et même McDonald, n'en déplaise à José Bové, se portent bien chez nous. Jusqu'aux flambeurs des banlieues qui ne sont pas les derniers à mettre en évidence les signes distinctifs de marques mondiales griffés sur leurs habits. Français consommateurs et jeunes de banlieue sont en phase avec la mondialisation dont ils dénoncent les conséquences par ailleurs.

Deux lignes de force se rejoignent tout en s'opposant. Une ligne de rejet reliant : Français - Europe - élite technocratique - mondialisation - Etats-Unis. Une ligne d'adhésion avec ses passerelles : Français - consommation - marques - mondialisation - Etats-Unis. Avec les mêmes acteurs aux deux bouts de la chaîne.

Pas de je sans jeu et pas de moi sans émoi
Ainsi se répartissent les rôles. La vie continue, mais la parole ne circule pas. L'heure d'une synthèse est sans doute venue : mettre du Roquefort dans Microsoft, ou l'inverse. Pour faire une synthèse, il faut commencer à être soi-même un peu poreux aux autres. Voilà un beau challenge pour les candidats aux élections de 2007. Le jeu est source de créativité, cette créativité dont la France a besoin pour stimuler toute son économie.

De nombreuses grandes entreprises montrent la voie. Comprenant que l'organisation par processus aboutit à tuer la créativité à terme, elles se demandent comment mettre du jeu dans leur fonctionnement. C'est en cherchant dans leur identité qu'elles trouvent des idées pour dessiner de nouvelles frontières. De vieux principes retrouvent ainsi une nouvelle jeunesse : pas de je sans jeu et pas de moi sans émoi.

Les précédentes chroniques de Gérard Pavy :
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Parcours

Gérard Pavy, 51 ans, est consultant, sociologue, et psychanalyste. Il dirige Pavy Consulting, société de conseil et formation en management. Il est par ailleurs chargé de cours au sein du MBA HEC. Il est l'auteur de "Dirigeants/ salariés, les liaisons mensongères" (Editions d'organisation, 2004) et de "La logique de l'informel" (Editions d'organisation, 2002). Avant de fonder Pavy Consulting, il a été vice-président d'Aon Management Consulting, directeur général de Celerant Consulting France et senior manager cherz Accenture. Gérard Pavy a collaboré pendant dix ans avec Michel Crozier.


1. "Le crépuscule des petits dieux", Alain Minc, Grasset
2. Voir "La fatigue des élites", François Dupuy, Seuil
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