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ENTREPRISE
 
08/03/2006

Gérer les fumeurs en entreprise

L'interdiction de fumer sur le lieu de travail est inscrite dans la loi depuis 1991. Pourtant, la faire respecter est une entreprise longue et délicate. Conseils et témoignages.
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En matière de tabagisme en entreprise, la loi est claire : il est interdit de fumer sur le lieu de travail en dehors des espaces éventuellement prévus à cet effet (voir encadré). Mais son application est dans les faits bien plus problématique. Si un nombre croissant d'entreprises se lancent dans une lutte contre le tabagisme, cela demeure un sujet sensible qui nécessite une réponse adaptée.


Une démarche collective
La lutte contre le tabagisme en entreprise émane généralement d'une demande des salariés non-fumeurs mais elle doit être portée par la direction. L'objectif pour les chefs d'entreprise est avant tout de faire respecter la loi pour éviter les sanctions mais cette action s'inscrit parfois dans un plan plus vaste. "Une entreprise qui lutte contre le tabagisme s'engage dans une démarche santé, qualité et sécurité plus globale", note Béatrice Le Maître, tabacologue et responsable du programme TEST (Travailler ensemble sans tabac) développé par l'Union régionale des médecins libéraux de Basse-Normandie. Au-delà de la question de la santé des salariés, les défenseurs de la lutte contre le tabac en entreprise mettent en avant ses avantages en matière de réduction des arrêts maladie et de prévention des incendies. La suppression de la cigarette dans les locaux permettrait notamment de réduire les primes d'assurance.

A consulter
  Le guide de l'INPES "Pas à pas, une entreprise sans tabac"
  Le site de l'association DNF,"Droits des non-fumeurs", consacré aux entreprises
  Le site de l'OFT "Office français de prévention du tabagisme"
Si l'impulsion du dirigeant est essentielle, la lutte contre le tabagisme doit être une action collective. La première étape est donc de former un comité de pilotage. Il doit être composé de représentants de la direction et du personnel (en particulier du CHSCT), du DRH et du médecin du travail. "Pour que le dialogue soit plus constructif, il est conseillé d'inclure au moins un fumeur dans ce comité", précise Béatrice Le Maître. Pour bien appréhender les spécificités du problème dans son entreprise et pour associer les salariés à la démarche, il est utile de commencer par l'administration d'un questionnaire. Anonyme, il permet de recueillir de l'information sur les véritables pratiques des salariés en matière de tabagisme (nombre de fumeurs, fréquence et lieu de consommation...). Il permet également de connaître les attentes et les réticences des salariés.


Ne pas stigmatiser les fumeurs
En fonction des résultats de l'enquête, le comité de pilotage fixe un plan d'action. Il consiste avant tout en une campagne d'information et de sensibilisation. Pour les NMPP (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne), signataires de la charte "Entreprise sans tabac" de l'OFT (Office français de prévention du tabagisme), la lutte contre le tabac dans les locaux du siège a réellement commencé en 2003 par une conférence du président de l'OFT, le professeur Dautzenberg, et par une journée d'information. "Nous avions installé des panneaux et invité deux tabacologues pour répondre aux questions des salariés et mesurer le taux de nicotine de ceux qui le désiraient", explique Régine Gardon, responsable RH des NMPP. Hachette Filipacchi, également signataire de la charte, a opté pour une méthode choc. Des mesures du souffle ont été réalisées sur le personnel non-fumeur de la cafétéria et les résultats se sont révélés comparables à ceux de gros fumeurs. Les chiffres, communiqués à l'ensemble de l'entreprise, ont marqué les esprits et ont facilité la transformation de la cafétéria et du restaurant d'entreprise en zones non-fumeur.

L'entreprise doit permettre à ses employés l'accès aux conseils d'un tabacologue."

Béatrice Le Maître, tabacologue
L'important est de ne pas jamais stigmatiser les fumeurs. "La lutte contre le tabagisme n'est pas une chasse aux sorcières, met en garde Matthieu Georget, responsable RH pour Hachette Filipacchi. Même si nous savons quels collaborateurs ne respectent pas les règles, nous ne nommons jamais personne dans nos interventions." Les NMPP encouragent les fumeurs en leur envoyant des messages de félicitations pour leur respect des non-fumeurs et en incitant chaque service à faire de même. Pour éviter les réactions hostiles des fumeurs, il faut également mettre l'accent sur l'aide plutôt que sur la contrainte. "Le tabacologue est là pour déculpabiliser le fumeur et lui faire comprendre qu'il sait combien il est difficile d'arrêter", explique Béatrice Le Maître. L'entreprise doit permettre à ses employés l'accès aux conseils d'un tabacologue, en consultation de groupe ou de manière individuelle. Elle peut également participer financièrement à l'achat des aides au sevrage tabagique.


Un processus de longue haleine
On ne supprime pas le tabagisme dans son entreprise du jour au lendemain. Il faut prendre le temps de faire évoluer les mentalités. Il peut ainsi être judicieux de procéder par étape. Une salle fumeur peut être installée dans les locaux, comme le prévoit la loi, mais elle doit être dotée d'un système de ventilation conforme aux normes. Quant à l'efficacité des cabines dans le traitement de la fumée, elle reste en question : "on trouve 4.000 produits différents dans la fumée de cigarette, explique Béatrice Le Maître. Seul un quart d'entre eux, qui sont sous forme particulaire, sont véritablement captés par les filtres." Hachette et les NMPP ont tous deux opté pour cette étape intermédiaire et installé un local fumeur, auvent aéré et chauffé pour le premier, pièce meublée et équipée de distributeurs automatiques de boissons pour le second. Une solution qui permet d'éviter les regroupements de fumeurs à l'extérieur des locaux, susceptible de nuire à l'image de l'entreprise.

La lutte contre le tabagisme n'est pas une chasse aux sorcières"

Matthieu Georget, Hachette Filipacchi
Ces campagnes de lutte contre le tabagisme semblent, pour l'instant, être bien reçues par les salariés. Elles bénéficient visiblement d'une évolution de la société vers une dénormalisation du tabac. "Contrairement aux idées reçues, de plus en plus de gens réclament l'interdiction de fumer sur les lieux de travail, y compris les fumeurs qui y voient l'occasion d'arrêter, témoigne Béatrice Le Maître. Au contraire, les échanges entre fumeurs et non-fumeurs sur le sujet sont créateurs de lien." La prochaine étape en France sera peut-être une nouvelle loi interdisant totalement de fumer dans les entreprises, à l'instar de celles votées chez certains de nos voisins comme l'Irlande, l'Espagne et la Belgique.


Ce que dit la loi

La première brique de la législation en matière de tabagisme a véritablement été posée par la loi Evin de janvier 1991. Mais son application reste problématique. En mars 2003, la lutte contre le tabagisme a été réaffirmée dans le Plan Cancer.
D'après le code de la santé publique (articles R.3511et R.3512): "L'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif (...) s'applique (...) dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public ou qui constituent des lieux de travail." L'employeur est tenu de rappeler de manière apparente le principe d'interdiction de fumer dans les locaux, sauf dans les éventuels espaces dédiés aux fumeurs. Ces espaces doivent être conformes aux normes de ventilation. Avant de les mettre en place, les instances représentatives du personnel et le médecin du travail doivent être consultés.
La lutte contre le tabagisme en entreprise a pris une nouvelle dimension après l'arrêt de la cour de Cassation des prud'hommes du 29 juin 2005 qui a reconnu à l'employeur une obligation de résultat et non de moyen en matière de protection des non-fumeurs.



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