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INTERVIEW
 
28/06/2006

Santiago Iñiguez (Instituto de Empresa) : "L'Europe doit améliorer le marketing de sa formation continue"

Président de la première business school d'Espagne et chef de file du Processus de Bologne qui vise à harmoniser les systèmes éducatifs de toute l'Europe, Santiago Iñiguez analyse le marché en évolution de la formation et l'avenir des diplômes du Vieux Continent.
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Au cœur du quartier des affaires madrilène, l'Instituto de Empresa Business School prospère depuis trente ans. Très orientée vers le marché, l'école crée un programme dès qu'elle identifie un besoin de la part des entreprises. A la pointe des innovations en matière de formation, elle a développé une méthodologie mêlant e-learning et présentiel, qui a fait de son MBA le meilleur d'Europe en e-learning. Son approche entrepreneuriale et sa proximité avec le monde de l'entreprise achèvent d'en faire l'une des institutions majeures du secteur, puisque le MBA de l'IE Business School est classé 12ème du monde par le Financial Times - et le 4ème en part-time -, loin devant HEC (22ème) et l'ESCP-EAP (99ème).

Son président, Santiago Iñiguez, est le chef de file du Processus de Bologne, qui vise à harmoniser les systèmes d'éducation européens. Il revient sur l'évolution d'un marché de plus en plus concurrentiel et l'avenir des MBA européens.

Quelles sont les nouvelles tendances de la formation continue ?
Santiago Iñiguez. L'e-learning est le segment qui va le plus évoluer dans les
 
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quinze prochaines années. En effet, la formation des managers va devenir le secteur le plus important de l'univers éducatif. Or, l'e-learning est totalement adapté à ces populations. Ensuite, je suis convaincu que les soft skills vont prendre une place majeure dans les enseignements. Leadership, management interculturel, management de la diversité, sociologie comparative… Les managers ont désormais un travail plus politique qu'opérationnel. S'il est souvent considéré comme allant de soi qu'ils savent y faire, le plus souvent, ce n'est pas le cas. Par exemple, en Amérique latine, où les écarts de salaires sont très profonds, il faut savoir marketer des produits pour des segments de population aux revenus très bas, ce qui est loin d'être évident. Et de notre côté, nous voyons de plus en plus de recruteurs exiger ce type de compétences. Les PDG eux-mêmes se forment maintenant sur ces sujets.

Comment l'Europe se défend-elle, face aux business schools américaines ?

Autrefois, tout le monde connaissait les marques "La Sorbonne" et "Salamanca". Aujourd'hui, il nous faut promouvoir les marques de la formation continue européenne."

L'Europe se défend très bien. Mais il faut être conscient que nous n'avons pas les mêmes approches qu'outre-Atlantique. Chez nous, plus d'importance est donnée aux soft skills : nous avons moins de cours de comptabilité et de finance mais davantage d'histoire et de sociologie. Par ailleurs, l'Europe constitue, en soi, un environnement plus varié. Par exemple, les étudiants en MBA ont souvent besoin d'apprendre une autre langue. Enfin, les MBA américains ont une approche assez universitaire, tandis que nos professeurs sont souvent issus du monde du conseil et de l'entreprise.

Pourtant, les MBA européens sont moins cotés que les MBA américains…
Sites
Instituto de Empresa Business School
Classement des MBA
Tous les classements du Financial Times
BizDeansTalk
Effectivement. Il nous faut absolument améliorer le marketing de notre offre de formation continue. Regardez le petit nombre d'établissements européens dans le classement du Financial Times... En Europe, depuis que les universités existent, elles n'ont jamais été en compétition les unes avec les autres. Alors qu'aux Etats-Unis, les établissements se disputent les meilleurs étudiants, les meilleurs professeurs, les meilleures entreprises partenaires… Le Processus de Bologne, en promouvant la compétition entre établissements de toute l'Europe, peut améliorer leur renommée internationale.

De quelle façon ?
Tout d'abord, il faut développer les sources d'information qui leur sont consacrées. Il faut aussi faire plus de publicité autour des systèmes d'accréditation des MBA, que sont par exemple les deux systèmes européens EQUIS et AMBA. Nous devons également multiplier les classements d'établissements européens, car ils ont beaucoup de valeur aux yeux du marché. Développer des instruments de comparaison nous permettra véritablement de bondir dans les classements internationaux. Savoir quelles sont les meilleures institutions du continent permettra de promouvoir les marques HEC, London School of Economics, etc, ce qui bénéficiera à l'ensemble du système éducatif européen. Autrefois, tout le monde connaissait les marques "La Sorbonne" et "Salamanca" en Espagne. Aujourd'hui, il nous faut nous orienter vers le marché, en promouvant les marques de la formation continue européenne.

Comment sont perçus les MBA français ?
L'Executive MBA de l''IE Business School
en chiffres
Taille des classes
30 personnes
Age moyen
36 ans
Expérience professionnelle moyenne
13 ans
Proportion d'étrangers
80 %
Proportion de femmes
36 %
Fonctions antérieures des participants

-Entrepreneur 9 %
-Direction générale 29 %
-Senior management 38 %
-Middle management 25 %

Les grandes écoles françaises, et tout particulièrement HEC, l'Essec, l'ESCP-EAP et l'EM Lyon, ont une très bonne image hors de France. En revanche, le système des grandes écoles, deux ans de classe préparatoire puis trois ans de formation, est peu attractif pour les étudiants européens. Ceci d'autant plus que les concours se focalisent sur des sujets très franco-fraçais. Je me demande si ce système sera assez compétitif dans le Processus de Bologne. Pour ce qui concerne les MBA, ils ne sont pas du tout aussi auto-centrés. L'Insead par exemple a des partenaires internationaux de haut calibre et développe ses programmes hors de l'Hexagone, en Asie et aux Etats-Unis. La France est, avec l'Angleterre, le pays européen où l'on dénombre le plus d'accréditations internationales. S'il fallait améliorer quelque chose dans les programmes des MBA français, comme de tous les MBA d'Europe, ce serait en développant les cours de management interculturel.

Comment voyez-vous l'avenir du marché des MBA ?
La compétition va s'intensifier, la quantité d'étudiants augmenter et le nombre d'écoles également, comme on le voit dans les pays émergents, Chine et Inde notamment. En conséquence, nous assistons aux débuts d'une concentration du secteur. A terme, il y aura davantage d'acteurs internationaux, dotés de campus à l'étranger. Après la fusion de deux business schools à Manchester, au Royaume-Uni, on vient d'assister à celle des néerlandais Universiteit Nimbas et Tias business school. Les Pays-Bas sont un marché flexible où ce genre de choses arrive facilement, mais la même chose va bientôt se produire dans les autres pays européens. Enfin, il ne faut pas avoir peur de l'avenir. Le secteur de la formation est un genre d'industrie très résistant. Les institutions ont tendance à rester : aucun gouvernement ne fermerait une université. Que dirait-on si l'on fermait la Sorbonne...


Parcours
Santiago Iñiguez de Onzoño est diplômé de l'Université Complutense de Madrid et de l'Université d'Oxford. Il est docteur en droit, détient un MBA de l'Instituto de Empresa, enseigne le management stratégique et est l'auteur de plusieurs ouvrages de philosophie morale et politique.

Il combine ses responsabilités de président de l'Instituto de Empresa avec celles de président du consortium d'accréditation européen EFMD et de membre du conseil de surveillance de l'AMBA. Régulièrement décrit comme l'un des plus actifs promoteurs des business schools européennes, il dirige la réflexion autour du Processus de Bologne, qui vise à harmoniser les systèmes éducatifs de toute l'Europe pour aboutir, en 2010, à la "European Higher Education Area". Il s'est notamment concrétisé par la réforme Licence-Master-Doctorat.

En 2005, Santiago Iñiguez a lancé un blog en partenariat avec Paul Danos, président de la Tuck School of Business : BizDeansTalk. Présidents et directeurs de nombreuses écoles internationales y échangent des idées sur les formations en management. Le site est modéré par Della Bradshaw, rédactrice en chef "Business Education" du Financial Times et gourou des classements MBA internationaux.

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