Journal du Net > Management >  Faire de la transmission d'entreprise un vecteur d'opportunités
ECONOMIE
 
30/08/2006

Eric de la Chevasnerie (Groupe Fortis)
Faire de la transmission d'entreprise un vecteur d'opportunités

Evaluer le juste prix de cession, assurer la continuité managériale, garder le cap de la croissance... Un spécialiste de la transmission nous dévoile sa méthode pour bien vendre une entreprise.
  Envoyer Imprimer  

La transmission doit être considérée comme un évènement naturel et normal du cycle de vie de l'entreprise. Comme tout évènement de la vie, elle s'anticipe. Elle recèlera d'autant plus d'opportunités (évolution stratégique, managériale, synergies…) qu'elle aura été appréhendée tôt. Ces opportunités favoriseront les conditions de la transmission et deviendront facteurs de croissance économique.


L'évaluation, une étape déterminante
L'une des premières préoccupations du cédant qui cherche à pérenniser son entreprise doit être de prendre en compte la situation patrimoniale de cette dernière, a priori et a posteriori de la cession. L'impact fiscal ayant été largement atténué par les mesures récentes (lois Dutreil I et II), c'est surtout dans l'organisation de ses revenus futurs et de son patrimoine que la démarche d'anticipation doit être faite.

En effet, l'un des éléments bloquants de la transmission se trouve bien souvent dans une problématique d'évaluation. L'évaluation, c'est-à-dire l'ensemble des méthodes qui conduisent à la valorisation, est un facteur susceptible d'influer dans la prise de décision. Des méthodes, maintenant éprouvées, permettent d'obtenir un résultat qui facilitera la vision par les acteurs du marché de la faisabilité de l'opération.

Nous sommes passés d'une valeur patrimoniale à une valeur de rentabilité."

Sans conditionner définitivement le choix, la valorisation doit donc faciliter l'option de transmission choisie. Par exemple, pour une valorisation élevée, le choix sera de privilégier une cession plutôt qu'une transmission intra familiale. Ou encore, si cette valorisation est due à des éléments d'actifs (marque), la cession devrait être une solution davantage industrielle que vers un investisseur financier.

Les méthodes employées ont évolué avec le temps et sont un reflet de l'évolution des mentalités. Nous sommes passés d'une valeur "patrimoniale interne" (la valeur d'une entreprise est la somme de la valeur des éléments qui la composent), à une valeur de rentabilité (une entreprise vaut par ce qu'elle dégage).


Distinguer valorisation et prix de vente
Il existe parfois des différences notables entre la valorisation et le prix. Cette divergence s'explique notamment par la différence entre l'objectif initial et celui auquel on aboutit. Par exemple, une valorisation de l'entreprise faite en vue d'un montage financier de type OBO (Owner Buy Out) ne ressemblera sans doute pas au prix obtenu pour la cession industrielle finalement réalisée.

Qu'est ce qu'un Owner Buy Out (OBO)
Un OBO est un montage de reprise d'entreprise, réalisé avec le propriétaire, dans le cadre d'une opération d'acquisition par endettement bancaire.
Principe. Le dirigeant actionnaire crée, avec des partenaires (capital-investisseurs, collaborateurs, famille...) une holding qui va reprendre l'intégralité du capital et des droits sociaux de l'entreprise. Le dirigeant vend une partie de ses titres contre liquidités à la holding et continue à gérer l'entreprise.
Financement. La holding finance la reprise de l'entreprise grâce aux apports des partenaires, ainsi qu'en contractant un crédit. Une part des bénéfices de l'entreprise en finance le remboursement.
Intérêt. Continuité managériale avant une transmission, faire entrer de nouvelles personnes dans le capital...
A cela, deux types de raisons. Premièrement, le lien affectif qui lie le créateur à son entreprise est un des facteurs les plus courants de divergence. L'impact de ce lien s'estompe néanmoins du fait de trois éléments qui ont évolué ensemble :
La transmission est vécue plus naturellement et de manière moins affective avec la disparition de la génération des créateurs.
Les méthodes d'évaluation sont de plus en plus diffusées et utilisées.
Les professionnels du chiffre bénéficient d'un "benchmark" étendu pour établir des comparaisons sur la valeur des sociétés.

Deuxièmement, l'écueil qu'ont rencontré la plupart des intervenants de la transmission pourrait s'appeler la "rétro-valorisation". En voici la démarche sous-jacente. Le cédant évalue en fait son entreprise non sur la base de méthodes éprouvées et partageables avec le marché, mais sur ses besoins futurs (réinvestissements, revenus, retraites…). Ceci amène en général une distorsion entre la valeur et le prix qui rend improbable la cession et en tout état de cause la pérennité de l'entreprise a posteriori. Mais le législateur, là encore, a permis, au travers de mesures visant à améliorer la retraite des chefs d'entreprises, de s'affranchir de ces considérations si la cession a été suffisamment anticipée.


Prendre en compte le facteur humain
L'un des points souvent sous-évalués par les cédants dans la transmission est leur position d'acteurs majeurs dans le déroulement du processus. Outre leur rôle évident dans la prise de décision, leur implication est structurante par rapport à plusieurs acteurs clés :
Les clients ou fournisseurs stratégiques dont ils sont souvent un interlocuteur privilégié.
Les hommes clés de l'entreprise toujours résistants au changement.
Les banquiers toujours en quête de stabilité.

Ils sont donc une part de la valeur de l'entreprise, et la mise en place d'un modus operandi très précis dans l'accompagnement de la transmission par le dirigeant est un facteur clé. Bien sûr, plus l'entreprise est petite, plus cette influence est grande et plus le soin apporté au calendrier d'accompagnement doit être grand lors des négociations.
Le fait de voir le cédant s'impliquer capitalistiquement auprès du repreneur est un facteur de stabilité."

Beaucoup de transmissions échouent par une sous-évaluation de l'importance de cette période et des obligations qui s'y attachent pour les acteurs, cédants et repreneurs. Bien des professionnels de la transmission ont été confrontés à des échecs dus à une post-transmission mal gérée. Quelques principes simples doivent être mis en avant par la définition préalable...
...Du rôle du cédant et du repreneur : ce dernier devenant obligatoirement le responsable de l'entreprise pour l'interne et l'externe.
...De la durée qui doit être adaptée aux circonstances : secteur connu ou pas du repreneur, implication réelle du cédant dans l'entreprise avant la cession… En deça de 6 mois, cela tourne rarement bien !
...Du programme et des objectifs à atteindre : présentation des clients, du savoir-faire.

Nonobstant les points ci-dessus, qui relèvent de sa capacité et de sa volonté d'anticipation, le cédant est un élément de crédibilité de la transmission. Le simple fait de le voir s'impliquer capitalistiquement auprès du repreneur est quelque fois un facteur de stabilité.


Conserver les moyens de la croissance
Nous devons aussi évoquer la capacité à financer cette transmission. Ce point est crucial, car même si le législateur a engagé dans sa loi du 2 août 2005 un dispositif de location d'actions pour favoriser la passation, la majeure partie des transmissions est réalisée grâce à la mise en place de financements adéquats. Pourquoi s'attarder sur ces points plus particulièrement ? Le financement de quelque nature qu'il soit doit rester compatible avec la capacité de l'entreprise. Cette capacité doit permettre de faire face au remboursement de la dette, mais également et surtout aux besoins liés à la croissance et à l'investissement.

Et toujours
Acheter ou vendre une entreprise
Du fait du papy-boom, on estime que près d'un demi million de sociétés pourraient changer de mains d'ici à 2013. Méthodes d'évaluation, de négociation, relais d'informations… voici les clés pour mener à bien votre projet de reprise ou de cession.

Le service de la dette dite d'acquisition est pour l'essentiel prélevé sur les ressources de l'entreprise cible. Une partie de ses marges de manœuvre futures est de ce fait, absorbée par une dette non directement liée à son développement. Un montage trop agressif, c'est-à-dire ou le remboursement de la dette de reprise amputerait significativement les ressources de la cible, serait à l'évidence un facteur fragilisant pour celle-ci. En d'autres termes, les montages avec une dette, dits "à effet de levier" sont un moyen formidable pour favoriser la transmission et donc la pérennité de l'entreprise sous la condition d'un plan de financement cohérent et réaliste prenant en compte à la fois les besoins d'investissements mais également les moyens financiers nécessaires à l'exploitation.


Une opportunité à saisir pour tous les acteurs de l'entreprise
L'anticipation fait de la transmission un vecteur d'opportunités pour l'ensemble de la communauté de l'entreprise :
Pour le cédant, il est l'occasion de valider son organisation patrimoniale et de mettre en œuvre les outils nécessaires, voire de participer à une nouvelle étape.
Pour l'entreprise, c'est l'occasion d'une étude fondamentale sur ce qu'elle est, sur ses facteurs clé de succès, sur ses capacités de développement, et donc de mettre en œuvre un nouveau plan stratégique, une nouvelle histoire créatrice de valeur. Pour les salariés, c'est avant tout une opportunité de valorisation de leur action et de changements.
Pour le repreneur enfin, outre les opportunités entrepreneuriales que recèlent son projet, c'est une opportunité forte d'anticiper, aussi et bien sûr, au plan patrimonial sur… une transmission future.

Parcours

Spécialiste en ingénierie financière destinée aux montages d'opérations à effet de levier, Eric de la Chevasnerie a rejoint le Groupe Fortis en 2000 pour créer la partie française du réseau de Centres d'affaires dédiés aux moyennes entreprises à vocation européenne (actuellement 20 centres d'affaires et 12.000 clients). Il oeuvre aujourd'hui au développement de ces activités pour la France, l'Italie, l'Espagne, et le Portugal. Diplômé de l'Ecole des Cadres (1984) et ancien élève du Centres d'études supérieures de banque (1987), Eric de la Chevasnerie a auparavant travaillé pour Citibank et le groupe Worms.


 


JDN Management Envoyer Imprimer Haut de page

Sondage

Penserez-vous à votre travail pendant les fêtes de fin d'année ?

Tous les sondages