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CARRIERE
 
28/11/2006

Gérard Lelarge (Osez réussir)
"Si vous ne faites pas vos propres relations publiques, qui le fera ?"

A l'occasion de la sortie de son livre, Gérard Lelarge a répondu, lors d'un chat, aux questions des lecteurs du JDM. Voici ses conseils sur la manière de se faire bien remarquer dans son entreprise.
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Dans son ouvrage Osez réussir, Gérard Lelarge, directeur de projets RH dans une grande banque française, explore tous les non-dits de la gestion de carrière. Des attitudes à proscrire aux actions à engager pour évoluer rapidement, il a répondu lors d'un chat aux questions des lecteurs du Journal du Management.

Pourquoi avoir écrit un livre sur ce sujet ?
Gérard Lelarge. On n'a pas toujours conscience des erreurs qu'on a tendance à commettre ; elles sont parfois "naturelles". D'où la nécessité d'alerter sur ce qu'il est souhaitable de ne pas faire au quotidien... et bien évidemment ce qu'il est conseillé de faire.

Que sont les non-dits dans les pratiques de l'entreprise en termes de gestion de carrière ?
Il s'agit de l'ensemble des pratiques qui permettent à l'entreprise d'évaluer chacun quant à son potentiel d'évolution, et qui n'est pas toujours officialisé. L'entreprise, via le manager direct, est ainsi attentive au comportement quotidien de chacun : par exemple comment le collaborateur argumente, réussit à convaincre son interlocuteur, à résister au stress, etc.


Avoir de l'ambition n'est pas le meilleur moyen de se faire des amis. A chacun de savoir ce qu'il souhaite : vivre dans une ambiance sympa ou progresser."

Sur quoi nous jugent vraiment nos patrons ?
Essentiellement sur nos performances, c'est-à-dire nos résultats (et un nombre croissant de collaborateurs ont des objectifs précis à réaliser) mais aussi sur notre potentiel d'évolution professionnelle. En un mot : sur notre aptitude à tenir des postes d'un niveau plus élevé.

Mais l'entreprise juge également ses collaborateurs sur l'image que chacun donne (a-t-il ou non un comportement frileux, c'est-à-dire ose-t-il ou non prendre des risques ? est-il innovant, créatif ? accepte-t-il de se remettre en cause ?). L'important est que l'entreprise évalue chacun de façon objective, sans a priori, sur du concret, des résultats, des comportements.

Quelles sont les erreurs fatales à ne pas commettre en entreprise ?
Ces erreurs sont les suivantes : peu s'investir, ne pas oser, s'enfermer dans sa tour d'ivoire, être dogmatique, manquer d'ambition, avoir une faible estime de soi et se tromper de route quant à son orientation professionnelle.

Se mettre en avant, c'est bien, mais cela peut être réellement contre-productif : comment trouver le bon dosage ?
L'idée est toujours de montrer le bien-fondé de cette attitude, en mettant en lumière ses résultats... Si ceux-ci ne sont pas au rendez-vous, il est clair que se mettre en avant sera, comme vous le notez, contre-productif. Se mettre en avant consiste à faire ses propres relations publiques. Si vous ne le faites pas vous-même, qui le fera pour vous ? Pas de fausse pudeur ni de timidité quant à vos résultats.

Dans votre livre, vous conseillez de ne pas préférer l'intellect au concret. Pourquoi ? Comment s'y prendre ?
L'entreprise, et c'est logique, attend des résultats... et non la maîtrise de tel ou tel concept savant mais peu utile au quotidien. Pour faire référence à des notions courantes en matière de gestion des Ressources Humaines, le savoir (les connaissances) sont peu utiles si le collaborateur ne maîtrise pas le "savoir faire", c'est-à-dire la capacité à utiliser ses connaissances dans un but pratique.

Combien de temps doit-on rester dans une même société ? Quels sont les signes qui permettent de savoir qu`il vaut mieux partir ?

Le temps "idéal" dépend des métiers et des secteurs d`activité (par exemple dans l'hôtellerie-restauration, le turn-over est très élevé, beaucoup moins dans les métiers de comptabilité ou de contrôle de gestion par exemple). Une faible progression de carrière et des pistes limitées d'évolution sont des alertes à prendre en compte.

Est-ce une mauvaise chose de rester trop longtemps au même poste ?


L'identification des "potentiels" se fait très tôt. Donc ne perdez pas de temps pour montrer votre efficacité !"

La durée "idéale" d'un poste dépend des métiers ; mais il est clair que rester trop longtemps au même poste est déconseillé. Certes, vous maîtrisez parfaitement le contenu de votre job, et c'est à la fois plaisant et confortable. Mais vous vous privez d'opportunités d'évolutions vers d'autres postes, qui peuvent être porteurs. Ainsi vous risquez d'être perçu comme un collaborateur soucieux avant tout de son propre confort.
Enfin, vous risquez d`avoir plus de difficultés à vous reconvertir quand le besoin s'en fera sentir. L'expérience montre que moins on a bougé professionnellement, plus il est difficile de bouger. La mobilité professionnelle est une condition de ce qu'on nomme - le mot est un peu barbare - l'employabilité, c'est-à-dire la capacité notamment à se réorienter.

Pensez-vous que 80 % de la carrière se construit pendant les cinq premières années d'expérience ?
Les chiffres sont peut-être excessifs, mais ils traduisent deux réalités :
1/ L'identification des "potentiels", c'est-à-dire ceux que l'entreprise considère comme susceptibles d'avoir une carrière brillante, se fait très tôt. Donc, ne perdez pas de temps pour montrer votre efficacité !
2/ Veillez à ne pas vous spécialiser trop tôt, et donc d'être prisonnier de vos premières fonctions : on risque de vous coller une image dont il vous sera difficile de vous détacher.

Que faire face à un hiérarchique qui ne reconnaît pas la qualité de votre travail ? Y a-t-il des solutions pour évoluer lorsque son manager direct refuse d`aborder le sujet ?
Les réponses sont difficiles car la situation l'est particulièrement ! Disons que tout dépend des pratiques et de la taille de l'entreprise : faites connaître, si possible, vos performances au-delà de votre patron. Mais je reconnais que c'est plus ou moins facile selon les métiers : pour certains la visibilité de vos actions est limitée. Si la DRH est suffisamment attentive, elle pourra identifier vos résultats. Mais cela suppose des outils (évaluation des compétences, entretiens annuels...) qui, hélas, n'existent pas dans toutes les entreprises.

Quelle stratégie adopter lors des entretiens d`évaluation ? Tout dire ou laisser parler le manager ?
L'idéal est de dialoguer : écoutez d`abord (ce que votre manager reconnaît comme performances, ce qu'il met en avant comme résultats insuffisants) et ensuite, argumentez : mettez en avant vos résultats si cela a été fait de façon incomplète, rappelez le contexte difficile, etc. L'essentiel est d'être factuel... et de bonne foi. Un des buts de l'entretien d'évaluation est d'identifier les domaines où vous pouvez progresser. Il ne s'agit pas d'un tribunal !

Comment faire sentir son ambition à son patron sans s`attirer les foudres de ses collègues ? A affirmer trop volontairement son envie de réussir, ne finit-on pas par agacer tout le monde ?
Il est sûr qu'avoir de l'ambition n'est pas le meilleur moyen de se faire des amis. A chacun de savoir ce qu'il souhaite : vivre au quotidien dans une ambiance sympa et bon enfant, ou progresser professionnellement... ce qui suppose de se mettre en avant. Tout dépend de la façon dont vous le faites, sans écraser les autres et, là encore, en démontrant vos performances. En étant performant, votre ambition sera légitime.

Y a-t-il vraiment des attitudes qui peuvent desservir, même avec de très bons résultats par ailleurs ? Avez-vous des exemples ?
Deux attitudes sont à éviter :
1/ S'enfermer dans son poste et ne pas essayer de tisser des liens avec d'autres, liens qui peuvent être utiles à terme, y compris tout simplement devant la machine à café : c'est de l'échange que peuvent venir des idées nouvelles.
2/ S'enfermer dans ses certitudes et ne pas être à l'écoute des évolutions de l'extérieur : on risque d'être obsolète à court terme. Il faut donc être ouvert, aux autres et à l'extérieur.

Le fait de devoir faire tout cela ne veut-il pas dire que la gestion de carrière est mal pensée, mal gérée par l'entreprise ?

Réussir signifie prendre conscience de ses atouts et les mettre en œuvre, même si cela peut être mal perçu par les autres."

Non, cela signifie simplement que l'entreprise ne peut pas tout : c'est à chacun d'entre nous d'être vigilant, curieux, innovant. L'entreprise propose des évolutions possibles selon les résultats et le degré d'initiative de chacun. C`est l'idée - vous connaissez certainement l'expression - d'être "acteur de sa carrière". N'attendons pas tout des autres. Prenons-nous en mains.

"Osez réussir"... un drôle de titre, cela suppose qu`il est psychologiquement difficile de se percevoir en "gagnant" ?
A lire
"Osez réussir" de Gérard Lelarge (Editions d'Organisation - 2006)

>>> Consulter les librairies

Pour certains, c'est effectivement difficile car la réussite est parfois perçue comme synonyme d`arrivisme, donc de comportements condamnables vis-à-vis des autres. Oser réussir signifie prendre conscience de ses atouts (et ne pas en avoir honte !) et les mettre en œuvre... même si, comme une question l'a noté précédemment, cela peut être mal perçu par les autres. Assumons-nous !

S`il n'y avait qu'une règle à respecter pour réussir, quelle serait-elle ?
Etre déterminé et curieux : on retrouve la nécessité d`OSER et la nécessité de VEILLER, au sens d'être à l'écoute du monde qui nous entoure... et qui bouge très vite.

Merci de vos questions, sincèrement très pertinentes parce que pratiques, réalistes. Bon courage et bonne suite dans vos parcours respectifs.

Parcours

Gérard Lelarge est directeur de projets RH dans une grande banque française. L'analyse des compétences, la détection des collaborateurs à potentiel, la rémunération variable sur objectifs, la gestion des âges, la démarche prospective des emplois et des compétences, la responsabilité sociétale de l'entreprise constituent ses principaux domaines d'action. Il est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages, dont les plus récents sont La Gestion des Ressources Humaines - Nouveaux enjeux, nouveaux outils (Sefi) et Quinquas : votre carrière après 50 ans (Dunod). Ancien maître de conférences à Sciences Po, Gérard Lelarge enseigne le management et les ressources humaines en 3ème cycle à l'université, notamment à Paris-Dauphine et à Paris V René Descartes.


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