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ENTREPRISE
 
09/01/2007

Susana Lopes dos Santos (Ravisy & Associés)
Du nouveau en matière d'obligation de reclassement

Selon un arrêt du 20 septembre 2006 de la Chambre sociale de la Cour de cassation, les offres de reclassement, avant un licenciement économique, doivent être adressées par écrit au salarié. Explications.
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La Loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a consacré dans le Code du travail le droit au reclassement du salarié menacé de licenciement économique, notion qui avait été forgée par la jurisprudence à partir de 1992.

Désormais, l'article L 321-1 al. 3 dispose que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement adressées au salarié doivent être écrites et précises."

Par un arrêt du 20 septembre 2006, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, qui s'est prononcée pour la première fois sur la portée à donner à la nouvelle rédaction de cet article, a jugé que les offres de reclassement doivent être adressées par écrit au salarié.


Les faits
Un directeur administratif a été licencié pour motif économique le 21 février 2002. Il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, invoquant le non respect par l'employeur de son obligation de reclassement préalable.

Site
  Prud'hommes.com
La Cour d'appel d'Angers a rejeté sa demande : l'employeur, qui avait produit des attestations de salariés indiquant que des postes à temps partiel avaient été proposés à l'intéressé, démontrait ainsi qu'il avait respecté son obligation de reclassement préalable.

La Cour de Cassation casse cette décision considérant qu'en ne produisant pas des offres écrites et précises de reclassement, l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait.


L'apport de l'arrêt
Selon une jurisprudence constante, le licenciement économique n'a une cause réelle et sérieuse que si l'employeur s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser un salarié.


L'écrit est donc le seul mode de preuve admissible"

En cas de litige sur le non respect par l'employeur de son obligation de reclassement préalable, c'est à ce dernier de prouver qu'il l'a respectée. Dans l'arrêt du 20 septembre 2006, la Cour de Cassation précise que l'employeur doit justifier d'offres écrites et précises de reclassement adressées au salarié avant la notification de son licenciement

L'écrit est donc le seul mode de preuve admissible. La Cour de Cassation justifie sa position par la finalité de la loi, qui tend à assurer l'effectivité du droit du salarié au reclassement et la certitude de la réalité des offres de reclassement.

Il avait déjà été jugé que l'employeur devait adresser, à chaque salarié concerné, une ou des propositions individualisées de reclassement : il ne peut, par exemple, se contenter d'informer les salariés sur les postes disponibles par voie d'affichage (Cass. Soc 12 mars 2003 n°00-46700) ou annexer simplement la liste des postes vacants au plan de sauvegarde de l'emploi (Cass. Soc 7 décembre 2005).

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 7 juillet 2004, exige plus précisément de l'employeur qu'il formule des offres précises, concrètes et personnalisées de reclassement.

L'arrêt du 20 septembre 2006 impose, en outre, à l'employeur d'adresser ces offres par écrit au salarié. A défaut, quand bien même le salarié aurait eu connaissance, par d'autres moyens, d'offres précises de reclassement le concernant, le licenciement sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Critique de l'arrêt
Avant de procéder à un licenciement économique, soit individuel, soit collectif, l'employeur doit examiner toutes les possibilités de reclassement envisageables pour le salarié et les lui proposer en mettant en œuvre, si nécessaire, des moyens d'adaptation pour lui permettre d'exercer l'emploi considéré.

Le droit au reclassement est un droit individuel quel que soit l'effectif de l'entreprise ou le nombre de salariés dont le licenciement est envisagé.


L'écrit est le seul mode de preuve admissible"

Dans le cadre de l'obligation de reclassement, il incombe à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi est établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans ce même plan, et de proposer au salarié, dont le licenciement est envisagé, des emplois disponibles de même catégorie, ou à défaut, de catégorie inférieure et ce par voie de modification du contrat de travail, annonçant au besoin l'adaptation de ces salariés et une évolution de l'emploi .

Quant au périmètre de l'obligation, le reclassement doit s'opérer dans le cadre de l'entreprise, ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. La jurisprudence ajoute une condition supplémentaire, la permutation possible du personnel entre les entreprises concernées (Cass. Soc 7 octobre 1998 ; Cass. Soc 7 avril 2004).

L'arrêt du 20 septembre 2006 alourdit donc encore un peu plus l'obligation de l'employeur en matière de reclassement, en lui imposant de proposer, par écrit, à chaque salarié concerné, les offres de postes disponibles précisément décrites, l'écrit étant le seul moyen pour lui de prouver, en cas de contestation, qu'il a rempli son obligation légale à l'égard du ou des salariés concernés.

Par exemple, l'employeur, qui formule des offres de reclassement lors de l'entretien préalable au licenciement, devra désormais en adresser impérativement une confirmation écrite au salarié, en précisant, pour chaque offre, la localisation, la description des tâches, le niveau de formation requise, le niveau de rémunération.

La solution adoptée par la Cour de Cassation s'explique par la nécessité d'avoir la certitude de la réalité des offres de reclassement, ce qui est parfaitement légitime compte tenu de la nouvelle rédaction de l'article L.321-1 du Code du travail témoignant d'une volonté du législateur de préserver l'emploi.


Cette obligation s'impose même en cas de redressement ou de liquidation judiciaire"

Il faut donc être sûr que l'employeur a bien recherché toutes les possibilités de reclassement existantes et, lorsqu'il y en a, qu'il les a effectivement proposées en donnant au salarié toutes les précisions utiles concernant le ou les postes disponibles pour qu'il puisse ensuite se déterminer, en toute connaissance de cause, dans un délai raisonnable.

Cependant, l'obligation préalable de reclassement en matière de licenciement économique s'impose même en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. Or, les licenciements doivent alors être notifiés dans des délais extrêmement courts qui ne permettront vraisemblablement que très difficilement une formalisation par écrit d'offres de reclassement.


Conséquences sur le plan contentieux
L'employeur devra être vigilant sur la formalisation des offres individualisées de reclassement qu'il proposera éventuellement au salarié, faute de quoi, même si la suppression du poste est avérée, il risque d'être condamné à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (dont le montant peut être élevé).


Cabinet Ravisy & Associés

Susana Lopes dos Santos est avocate et associée chez Ravisy & Associés, cabinet d'avocats spécialisé dans le droit social, qui défend et accompagne les salariés, cadres et dirigeants face à l'entreprise.

Consulter leur site : Prud'hommes.com


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